Immigration : au-delà des fantasmes, la vérité des chiffres et la réalité du terrain

mercredi 19 avril 2017.
 

Le thème de l’immigration constitue à la fois une diversion et un exutoire. Ils sont alimentés le plus souvent par des fantasmes dans le contexte anxiogène d’un chômage de masse.

Premier texte.

Source : OCDE

hps ://www.oecd.org/fr/migrations/i...

La France est en 15ème position dans l’OCDE en ce qui concerne la part d’immigrés dans sa population ; les personnes nées à l’étranger représentent 12% de la population totale. 11% d’entre elles sont arrivées au cours des cinq dernières années contre 22% en moyenne dans les pays de l’OCDE. La population née à l’étranger dispose en moyenne d’un niveau d’éducation moins élevé que dans la moyenne des pays de l’OCDE, avec 24% de diplômés du supérieur contre 31% dans les pays de l’OCDE. 29% des immigrés viennent d’un pays de l’OCDE à revenu élevé et 47% d’un pays ayant la même langue officielle.

58% des personnes nées à l’étranger sont en situation d’emploi (66% des hommes et 50% des femmes), un pourcentage inférieur à la moyenne de l’OCDE. Le taux d’emploi des personnes nées à l’étranger est inférieur à celui des personnes nées dans le pays. Les différences dans les distributions par âge et par niveau d’éducation expliquent en partie cet écart. En tenant compte de ces différences, l’écart entre les deux groupes se creuse pour les hommes comme pour les femmes.

Le revenu médian des ménages immigrés en France se situe dans la moitié inférieure des pays de l’OCDE et son niveau est inférieur de 31% à celui des natifs (contre -21% en moyenne dans les pays de l’OCDE). 21% des personnes vivant dans un ménage immigré vivent avec un revenu sous le seuil de pauvreté, contre une moyenne de 17% dans les pays de l’OCDE.

Deuxième texte.

« Eliminer l’immigration ne réglera pas le problème du chômage »

Source . Libération 05/02/2017 . U RL source ici

Par Sylvain Mouillard Le professeur d’économie El Mouhoub Mouhoud déconstruit les idées reçues sur l’immigration, qui peut selon lui s’avérer positive pour l’emploi.

« Eliminer l’immigration ne réglera pas le problème du chômage »

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine,El Mouhoub Mouhoudest Directeur du Groupement de Recherches International du CNRS DREEM (Développement des Recherches Economiques internationales Euroméditerranéeennes) spécialiste de la mondialisation et des migrations internationales. Son dernier ouvrage, l’Immigration en France. Mythes et réalités (Fayard, 2017), permet d’apporter des réponses étayées à tous ceux qui ont fait de l’immigration un thème de campagne politique, propice à toutes les déformations.

L’immigration prend une grande place dans les débats de la vie politique française. Pourtant, votre livre rappelle que la France n’est plus un grand pays d’accueil…

Quand on regarde les flux dans les pays de l’OCDE, on se rend compte que la France est même en queue de peloton. Chaque année, les titres de séjour délivrés aux étrangers représentent environ 200 000 personnes, soit 0,4% de la population française, contre plus de 0,7 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Le solde entre les entrées et les sorties d’étrangers se situe autour de 100 000 personnes. Chaque année, 100 000 étrangers repartent, dont 70 000 sont des Européens en libre circulation. L’immigration de travail ne concerne que 20 000 personnes par an, dont 10 000 anciens étudiants déjà en France qui demandent la transformation de leur statut. Focaliser une politique sur les restrictions à l’entrée paraît donc en décalage avec la réalité. Loin des plaidoyers en faveur ou contre les migrations, et si l’on veut un jour mettre en place une politique efficace et juste, il est important de faire porter la raison dans ce débat.

Le FN défend l’idée d’une réduction des flux migratoires pour protéger l’emploi des Français. Cela vous paraît-il réaliste ?

Eliminer ou réduire ces 100 000 entrées nettes ne réglera ni le problème du chômage ni celui des territoires ségrégués. On met sur le dos de l’immigration des questions liées en réalité aux échecs des politiques structurelles. Par exemple, en dépit d’un taux de chômage de 10 %, 40 % des zones d’emploi sont en difficulté de recrutement. Il manque encore en France un véritable droit à la mobilité entre les régions pour les travailleurs. Dans le bâtiment ou les travaux publics, si les employeurs ne trouvent pas de main-d’œuvre, cela bride la croissance. C’est pour cela qu’ils se tournent vers des travailleurs étrangers. En revanche, lorsque le mouvement de la croissance est déclenché, l’immigration l’accélère. Mais ce n’est pas elle qui la déclenche.

Une idée reçue est que l’immigration a pour effet de tirer les salaires à la baisse. Est-ce vérifié ?

La dernière étude disponible montre que l’immigration a plutôt un effet positif sur les salaires des autochtones, de l’ordre de 3 à 5 %. En fait, quand les immigrés arrivent, ils occupent les tâches les plus pénibles, celles dont les locaux ne veulent pas. Les natifs se transfèrent sur des postes mieux rémunérés. La substitution est possible, mais elle s’opère entre vagues successives d’immigrés. Par exemple au Portugal, les immigrés ukrainiens ou moldaves ont remplacé les Cap-Verdiens. Il y a une complémentarité et pas une concurrence. Mais encore une fois l’effet est d’une faible Repos

Le FN propose de mettre en place une nouvelle taxe dont devraient s’acquitter les patrons embauchant des travailleurs étrangers. Qu’en pensez-vous ?

Elle me semble inefficace. D’une part parce que ça ne concernerait que 20 000 travailleurs, soit bien en dessous des tensions sur le marché du travail. Ensuite, parce qu’il ne faut pas faire croire que le marché du travail n’est pas protégé pour les Français. Il l’est ! Pour avoir un titre de séjour, il faut lever l’opposabilité de la situation de l’emploi, c’est-à-dire prouver que l’emploi ne peut pas être occupé par un natif ou un résident permanent. Une fois la clause d’opposabilité levée, il existe même une liste limitée de métiers en tension ouverts aux étrangers.

Cela reste marginal par rapport aux 200 000 à 300 000 emplois non pourvus. L’immigration ne fait donc pas augmenter le chômage et reste largement en dessous du seuil nécessaire pour faire baisser les tensions sur le marché du travail. La taxe devrait selon le FN s’appliquer aux intra-européens, ce qui ne changera rien non plus au taux de chômage, mais suppose la sortie de l’Europe. Il serait plus efficace de renégocier la directive européenne sur les travailleurs détachés plutôt que de taxer ou d’interdire le travail détaché. Car certes la France est le deuxième pays qui attire le plus de travailleurs détachés (après l’Allemagne), mais c’est le troisième pays qui fournit le plus de travailleurs aux autres.

Vous défendez une politique de régularisation ambitieuse des travailleurs sans-papiers, jugeant que cela serait plus profitable à l’économie et la société…

Des évaluations du nombre d’entrées de personnes sans-papiers parviennent à un chiffrage de 30 000 à 40 000 personnes par an. Elles occupent souvent des emplois. Leur régularisation, puisqu’on connaît leur compétence, permettrait d’améliorer leur compétitivité, leur donnerait la possibilité d’être encore plus utiles à la collectivité. Il faut aussi se pencher sur le système de sous-traitance en cascade, générateur de travail clandestin. Souvent, l’administration fiscale ne peut intervenir qu’à l’échelon des sous-traitants de dernier ordre. Sauf que le problème ne vient pas seulement d’eux, mais de la stratégie de report des charges sur les sous-traitants et de désalarisation formelle de la main-d’œuvre par les grands groupes donneurs d’ordre, qu’il faudrait aussi criminaliser.

Sylvain Mouillard

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1 ) Analyse des flux migratoires en France de 2006 à 2013 inclus.

Source : INSEE https://www.insee.fr/fr/statistique...

En utilisant le tableau de l’INSEE, un calcul simple montre que le solde migratoire moyen annuel de 2006 à 2013 s’élève à 51 250.

2) Le FN et la limitation à 10 000 immigrés, la grande imposture

Source : Libération 05/11/2015

http://www.liberation.fr/desintox/2...

Émission de France Culture

Comment démystifier l’immigration ?

https://www.franceculture.fr/emissi...

Livre : L’immigration en France : mythes et réalitésFayard, El Mouhoub Mouhoud Prix : 16 € paru en 2017

Hervé Debonrivage


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