Le programme Macron soutenu par 40 théologiens de la Gnose des économistes libéraux

dimanche 5 septembre 2021.
 

Notre réponse aux 40 économistes qui soutiennent le candidat Emmanuel Macron...

Hervé Debonrivage Sélection 53

Macron, en marche avec la science économique ?

Dans une tribune publiée dans Le Monde (13 avril 2017), 40 économistes distingués annoncent leur soutien à Emmanuel Macron, dont le programme serait le seul susceptible de poser les bases de la croissance équitable dont la France a besoin.

Pourtant, ce programme ne tire aucune leçon ni des déséquilibres économiques qui ont abouti à la crise financière de 2008, ni des politiques d’austérité/réformes structurelles qui, sous la férule des institutions européennes, ont maintenu les pays de la zone euro dans la récession.

La vis sans fin des réformes du marché du travail

Selon eux, la cause de la faible croissance et du fort taux de chômage en France réside dans les rigidités du marché du travail et dans l’inadéquation des salariés, de sorte qu’il faudrait continuer et amplifier ce qui a été entrepris par les gouvernements précédents : des réformes structurelles, plus de flexibilité de l’emploi, moins de protection des salariés, la mise en cause du droit du travail et du paritarisme, cela par des ordonnances de façon à éviter tout débat.

Ces économistes avancent qu’« il est capital d’offrir aux entreprises et aux travailleurs à la fois plus de flexibilité et de protection  ». Or, la France est loin d’avoir refusé de flexibiliser son marché du travail. Depuis 1980, le recours aux emplois temporaires a été multiplié par 5 pour l’intérim, 4 pour les CDD et 3 pour les stages et les contrats aidés. Pas moins de 17 réformes sur la protection de l’emploi ont été réalisées en France de 2000 à 2013, avec comme résultat un chômage et une précarisation de l’emploi qui n’ont eu de cesse de progresser.

Mais nos grands économistes estiment que la volonté réformatrice a été trop timorée et qu’il faut aller encore plus loin dans la même logique. Ils posent la question : « Comment expliquer que la France ne soit pas parvenue à renouer avec le plein emploi contrairement à la plupart des grands voisins européens ? ».

Il est vrai, certains de nos voisins ont beaucoup plus libéralisé leur marché du travail. C’est le cas de l’Italie, qui a voté 47 réformes sur la même période, de l’Espagne (39 réformes) ou de la Grèce (23 réformes). Or, dans ces pays, le chômage a atteint des niveaux record : 27 % de la population active en Grèce, 25 % en Espagne, avec plus de 50 % chez les jeunes actifs.

Et les pays comme l’Allemagne qui ont effectivement baissé leur taux de chômage l’ont surtout fait par des gains de compétitivité qui ont plongé la zone Euro dans la crise, par l’extension de la pauvreté laborieuse et par l’explosion de la pauvreté des chômeurs…

Sans compter la démographie déclinante liée à l’insuffisance des politiques sociales et familiales (modes d’accueil pour les enfants).

Les 40 économistes mettent en avant le couple flexibilité-formation et avancent que « sans une réforme profonde de la formation professionnelle, les travailleurs seront démunis face aux transformations qui viennent ».

Certes, la formation professionnelle doit être repensée, mais elle n’est en rien une réponse au chômage de masse actuel. Comment peut-on prétendre que le 1,5 million de chômeurs supplémentaires depuis 2008 serait du à un problème de formation ? Surtout, lorsque l’observation du marché du travail montre que nombre d’emplois sont pris par des individus surqualifiés.

En fait, les entreprises profitent du taux de chômage actuel pour augmenter leurs exigences au moment de l’embauche alors que jadis elles acceptaient de former les nouveaux embauchés aux compétences requises pour leurs postes de travail. Plus que de formations hors des entreprises, les salariés, les jeunes en particulier, ont aujourd’hui besoin de créations d’emplois.

Nos 40 économistes jugent « l’extension de l’assurance-chômage à tous les travailleurs, quel que soit leur statut, comme une mesure puissante de justice sociale et d’efficacité économique ».

Ils oublient de préciser qu’Emmanuel Macron veut certes étendre les droits aux prestations mais envisage en même temps d’économiser 10 milliards sur l’assurance chômage, ceci essentiellement par un contrôle accru des chômeurs. Ce serait inique en situation de chômage de masse : dans une économie où il manque plus de quatre millions d’emplois, comment croire que le contrôle des chômeurs les ramènera à l’emploi ? Il conduira seulement à plonger nombres d’entre eux, et leurs familles, dans la précarité.

Nos 40 économistes oublient aussi que la proposition de remplacer les cotisations salariales à l’assurance chômage par de la CSG vise à affaiblir la légitimité du droit aux prestations chômage et à exclure les représentants des salariés de toute voix au chapitre.

Quant aux gains de pouvoir d’achat promis aux salariés, ils seraient payés par les retraités

Enfin, la réforme des retraites envisagée vise à réduire « progressivement » les taux de remplacement, en particulier pour les travailleurs ayant eu des conditions de travail pénibles, cela sous couvert de liberté du choix du départ à la retraite.

Un « new deal européen » qui n’a rien de nouveau

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Les 40 économistes reconnaissent du bout des lèvres des « erreurs collectives dans la gestion de la crise de la zone euro ». Il est aujourd’hui évident que la réduction des déficits à partir de 2011 - alors même que les États-Unis creusaient les leurs pour soutenir leur croissance - a entraîné une contraction de l’activité économique dans la zone.

De nombreux économistes, dont les Economistes atterrés, avaient alerté sur les dangers de l’austérité en période de faible activité économique. Or, Emmanuel Macron, en tant que conseiller de François Hollande, puis de ministre de l’Economie, a refusé de remettre en cause les règles européennes qui maltraitent notre pays et la zone euro. S’il a reconnu dans une interview au journal Les Échos (23 février 2017) que « L’Europe s’est enfermée dans une politique économique inadaptée s’engageant dans une politique d’austérité à contretemps », son programme prône toujours des coupes budgétaires. Il poursuit ainsi la logique austéritaire qui a fait de la zone euro l’homme malade de l’économie mondiale.

Pire, son programme consiste essentiellement à se couler dans les contraintes européennes, en réduisant encore le déficit public français (pourtant inexistant si on raisonne, comme il se doit, en solde structurel hors dépenses d’investissement) et en lançant le programme de réformes structurelles demandé par la technocratie européenne (demande qui est d’ailleurs suggérée par la technocratie française). Qui peut croire qu’après être passé sous les fourches caudines de l’idéologie libérale et austéritaire de Bruxelles et de Berlin, le gouvernement français aurait la volonté et le poids pour demander une réorientation de la politique européenne ?

Une transition énergétique peu ambitieuse

Enfin, nos économistes avancent que « la nouvelle croissance se fondera sur la transition énergétique et environnementale, c’est-à-dire sur un renouvellement radical de nos façons de produire et de consommer ».

Peut-on espérer un « renouvellement radical » avec un plan d’investissement public en faveur de la transition de 15 milliards sur 5 ans ? À titre de comparaison, pour rénover 500 000 habitations par an, objectif de François Hollande en 2012, il faudrait investir 10 milliards par an. Selon les « écologistes » d’En Marche, la part que propose

Emmanuel Macron est la part publique - le reste serait pris en charge par le privé. Mais force est de constater que le privé ne le fait pas, même en prenant en compte les nouveaux dispositifs d’aides (TVA à taux réduit, crédits d’impôt…). Les rénovations atteignent péniblement 288 000 par an. Pour combler ces manques, Emmanuel Macron promet des « instruments financiers innovants et massifs pour les plus modestes », sans plus de précisions.

Rappelons que la « loi Macron » visait à simplifier le droit de l’environnement, et qu’Emmanuel Macron, quelques mois après la conférence de Paris sur le climat, défendait l’exploitation du gaz de couche en Lorraine. Pour engager « un renouvellement radical », la transition énergétique ne pourra pas se faire uniquement via des incitations (fiscales ou subventions), mais bien par des investissements massifs et par la refonte d’un projet industriel adapté aux enjeux environnementaux.

* * * Le programme Macron repose sur la foi en une croissance portée par des innovations perpétuelles impulsées par de courageux entrepreneurs, passant par des destructions d’emplois, financée par un système bancaire et financier bénéficiant d’un allègement des contraintes européennes. Ce schéma ne tient aucun compte ni des contraintes écologiques, ni des besoins sociaux. Plaisants économistes qui ne veulent pas voir les impasses sociales et écologiques où nous plongerait ce programme. Aller toujours plus loin dans l’impasse serait mortifère. Voilà pourquoi nous préconisons un changement de trajectoire qui tire toutes les leçons de la crise financière, économique et écologique.

Fin du texte

Annexe  :

Les points clés du programme Macron Source : Le Monde du 07/05/2017 http://www.lemonde.fr/les-decodeurs...

160 économistes de plus de 17 pays soutiennent le programme de Jean-Luc Mélenchon l’avenir en commun https://avenirencommun.fr/2017/04/2...

L’imposture économique de Steve Keen et Gaël Giraud (2014) Éditions de l’Altelier. Broché 27 € . Format kindle 16 €

La déconnomie de Jacques Généreux. Éditions du Seuil. (Novembre 2016) . 19,50 €Appr

Hervé Debonrivage


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