Grèce : L’UE procède comme une organisation criminelle

samedi 16 septembre 2017.
 

Entretien avec Zoe Konstatopoulou, ex-présidente du parlement grec, présidente du mouvement Trajet de liberté

La presse française a très peu parlé de votre mouvement politique, Trajet de Liberté. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Trajet de liberté est un mouvement politique qui aspire à incarner la société en lutte contre le régime de la dette et des mémoranda. Nous avons comme but la restitution de la démocratie, de la justice, de la transparence et de la protection des droits de l’Homme dans notre pays. Nous revendiquons l’abolition de la dette illégale imposée au peuple par les gouvernements grecs et par les créanciers. Nous revendiquons aussi le paiement des réparations de guerre que l’Allemagne doit à la Grèce depuis les deux guerres mondiales. Il s’agit d’une somme qui excède 341 milliards euros.

Notre mouvement est aussi un parti politique, pour pouvoir se présenter aux élections selon la constitution grecque. Mais nous n’opérons pas avec les mécanismes, ni les méthodes des partis traditionnels. Nous opérons d’une manière ouverte et avec la démocratie directe. C’est un mouvement de libération du peuple et de restitution de la souveraineté populaire. Du 13 au 15 Octobre, nous aurons à Athènes notre réunion nationale de travail. Jean-Luc Mélenchon devrait être avec nous, ce qui est un grand plaisir et un honneur, puisque la France Insoumise est un véritable allié dans notre lutte.

Vous avez beaucoup travaillé sur la question de la dette publique grecque. Quelle conclusion le rapport parlementaire que vous avez diligenté dresse-t-il ? Qu’aurait dû en tirer le gouvernement grec pour guider son action, selon vous ?

Le Comité de vérité sur la Dette Grecque a prouvé le caractère illégitime, illégal, odieux et insoutenable de la dette imposée au pays. Il a prouvé que cette dette n’est pas le résultat des dépenses publiques faites pour le peuple. Qu’elle est liée à des affaires de corruption et à des pratiques internationales illégales. Que la Grèce a été surendettée en 2010, alors que sa dette était déjà insoutenable, pour éviter les pertes aux banques privées françaises et allemandes, qui détenaient des titres de l’Etat grec.

Les travaux et les rapports du Comité de Vérité constituent un acquis et un outil précieux pour le peuple grec. Le gouvernement Tsipras aurait dû les utiliser pour annuler la dette, en commençant par cesser de la rembourser. Il faudrait aussi revendiquer un dédommagement du pays pour la misère et la récession et les dommages extrêmes provoqués par les créanciers illégalement. Nous nous engageons à procéder de cette manière quand nous serons au pouvoir et nous y travaillons déjà, pour avoir un plan concret et complet de rupture avec la Debtocracie et les créanciers.

Mi-août, l’agence de notation Fitch a relevé la note de la Grèce de "CCC" à "B-" .... tout en indiquant s’attendre à des mesures d’allégement de la dette grecque par ses partenaires européens en 2018. Pensez-vous que l’allégement sera suffisamment ambitieux pour redonner un souffle à l’économie du pays ?

Ce qu’ils appellent allègement de la dette est en fait une prolongation de son paiement et un surendettement supplémentaire. C’est une stratégie de prolongation de la tutelle des mémoranda et de la souffrance du peuple et des générations à venir. Quant aux agences de notation, elles n’ont aucune légitimité démocratique et aucun droit de classer les pays comme s’il s’agissait de produits.

Depuis la crise de l’été 2015 et de son referendum, la Grèce fait peu parler d’elle dans les médias français. Pourtant, l’austérité est toujours de mise. Le taux de chômage ne baisse pas. Le mémorandum a consisté à vendre au plus offrant le plus grand nombre possible d’entreprises publiques ou parapubliques, notamment de secteurs stratégiques comme la vente du port du Pirée à une compagnie chinoise ou encore de 14 aéroports à la compagnie Fraport, possédée à 20% par la ville de Francfort. C’est la solidarité européenne ?

La liquidation de la propriété publique est un vrai vol des outils stratégiques du pays. Ce n’est pas seulement les ports et les aéroports. C’est la compagnie d’électricité et celles d’eau ou encore celles du gaz. Ce sont des endroits culturels et historiques, les plages, les théâtres, les bâtiments de valeur architecturale etc. Cela se fait aux prix les plus bas et d’une manière criminelle. Malheureusement, même les procès pénaux pour ces actes sont empêchés par les créanciers et les règles du Fonds de Privatisations mis en place en Grèce. Au lieu de la solidarité européenne, on voit l’Union Européenne opérer comme une organisation criminelle. Et il faut en parler, réagir et se défendre.

Les élections allemandes approchent. Mme Merkel est donnée favorite pour un quatrième mandat. De son côté, le président Macron sest rendu en Grèce les 7 et 8 septembre. Le statu quo va-t-il se poursuivre à l’échelle européenne ?

Oui. Mais cela est aussi le cas pour M. Schulz, aussi bien que pour M. Macron en France ou M. Tsipras en Grèce. Pour tous ceux qui ordonnent ou acceptent le fonctionnement antidémocratique de l’Union Européenne. L’ordolibéralisme est institutionnel au sein de l’Union Européenne. Le statu quo ne va être rompu que par ceux qui sont prêts pour toute rupture nécessaire afin de restituer le pouvoir du peuple. Notre devoir, c’est la résistance à l’oppression. J’espère pouvoir un jour accueillir le Président Mélenchon. Je vous le souhaite et je nous le souhaite.

Propos recueillis par Sophie Rauszer


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