Avenir de l’Europe : Manichéisme macronien

mercredi 25 avril 2018.
 

La campagne pour les élections européennes s’engage décidément sur des bases bien malsaines. S’exprimant devant le Parlement européen le 17 avril, on s’attendait à ce que le Président de la République assume et approfondisse le concept de souveraineté européenne dont il a décidé de faire son cheval de bataille pour les élections européennes à venir. Au lieu de cela, M. Macron a livré une vision caricaturale et manichéenne de l’Europe pour mieux étouffer tout débat à venir et tenter d’imposer par la coercition la pensée unique bruxelloise.

La souveraineté européenne est désormais utilisée par M. Macron comme un cache-sexe de sa politique européenne. Chantre de la « refondation de l’Europe », il convient pourtant pour lui de ne point trop en dire. Passée la formule d’une « souveraineté européenne réinventée », M. Macron en est resté une fois encore au concept abstrait : selon lui, « les propositions [ont été] faites il y a plusieurs mois. C’est désormais le temps de l’échange ». Manière insidieuse pour ne pas révéler la rupture à venir : la souveraineté européenne n’est pas juste une souveraineté de plus mais une souveraineté qui exclut toutes les autres, à commencer, car tel est le but, par celle des peuples, en s’affranchissant pour cela des cadres nationaux dans lesquels s’exprime la souveraineté populaire.

A défaut de décliner cette souveraineté européenne, M. Macron use d’une méthode grossière pour corseter le débat public. Il crée à dessein un paysage binaire qui obligerait à « choisir entre ceux qui veulent une Europe du repli et ceux qui sont prêts à porter une Europe d’une souveraineté réinventée, d’une démocratie vivante ». Ainsi donc, qui n’avalerait pas la dépossession de souveraineté exigée par M. Macron serait immédiatement et immanquablement rangé au rang de tenants d’une « Europe du repli ». Et en la matière, M. Macron emploie la Grosse Bertha : parlant dune « guerre civile européenne qui réapparaît » ou encore de « fascination illibérale », nous devrions selon M. Macron soit « décider d’abandonner la démocratie », rien de moins, soit « construire une nouvelle souveraineté européenne pour apporter une réponse aux désordres du monde ». Présenté comme ça…

Une telle façon de mener la discussion n’est pas acceptable. Elle porte en germe une dimension extrêmement autoritaire qui interdit moralement toute contradiction politique avec la pensée dominante. On voit ainsi bien le piège se refermer : qui ne serait pas aux côtés de M. Macron serait un adversaire de la démocratie et pourrait être dès lors regroupé dans un paquet confus que les commentateurs dociles ne manqueraient d’assimiler aux « extrêmes ». M. Macron verrouille la parole et le débat démocratique.

Car dans son propre camp, on est au garde-à-vous. Le 17 avril, M. Macron prolongeait ainsi l’exercice à Épinal en lançant les « consultations citoyennes », campagne LREM qui se pare des atours institutionnels et financée par l’État. Mascarade que le journal Le Monde a bien été obligé de rapporter : « Un jeu très fair-play, tant l’auditoire, composé en majorité de partisans de La République en marche, a peiné à être critique contre l’Europe. Au point que le président lui-même a fini par demander « si quelqu’un avait des critiques ou des doutes » sur le fonctionnement actuel de l’UE… ». Tandis qu’à Strasbourg, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker se réjouissait « La vraie France est de retour. Je salue le retour de la France parmi nous », se croyant autorisé à juger ce qu’est la France et quand elle est « vraie » ou elle est « fausse ». Infamant.

La façon de mener la discussion imposée par M. Macron n’est décidément pas au niveau du débat que méritent ce pays et la question européenne. Ce n’est surtout pas de la sorte que l’on peut subrepticement passer par-dessus bord la souveraineté populaire qui fonde la nation en tant que corps politique constitué. Rendez-vous le 26 mai 2019 dans les urnes ou avant tant la pratique du pouvoir macronienne en tout domaine relève du manichéisme visant à imposer la seule bien-pensance qui selon lui vaille : la sienne et celle de ses maîtres.

François Cocq


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