A Moscou, des dizaines de milliers de manifestants demandent des « élections libres »

jeudi 15 août 2019.
 

Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi à Moscou pour demander des élections libres, la plus grosse mobilisation en Russie depuis le début de ce mouvement de contestation dénonçant l’exclusion des candidats indépendants aux élections locales de septembre. « A 15 heures, 40 000 personnes », a annoncé sur Facebook l’ONG Compteur Blanc, spécialisée dans le comptage de manifestants alors que le précédent rassemblement autorisé par les autorités russes, le 20 juillet, avait rassemblé environ 20 000 personnes. Plusieurs dizaines de manifestants ont été arrêtés alors qu’ils comptaient protester devant l’administration présidentielle russe dans la foulée de la manifestation, a constaté un journaliste de l’AFP.

Au quatrième week-end consécutif de manifestation dans la capitale russe, la contestation, inédite depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012, ne faiblit donc pas, en dépit de la réponse sévère des autorités et de l’absence de presque tous les leaders de l’opposition, condamnés à de courtes peines de prison. Encadré par une forte présence policière et autorisé pour seulement deux heures, le rassemblement à démarré sous la pluie à 14 heures (11 heures GMT) sur l’avenue Sakharov, près du centre de la capitale russe, seul lieu de manifestation autorisé.

Dans le calme, les manifestants portaient des pancartes sur lesquelles était écrit « Donnez-nous le droit de vote » ou « Vous nous avez assez menti », tandis que d’autres brandissaient des drapeaux russes ou les portraits d’activistes arrêtés. « Je suis outrée par cette injustice à tous les niveaux. On ne laisse pas se présenter des candidats qui ont rassemblé toutes les signatures nécessaires. On arrête les gens qui manifestent pacifiquement », a déclaré à l’AFP Irina Dargolts, une ingénieure de 60 ans. « J’ai l’impression que le pays est prisonnier et ses citoyens en otage (...) Personne ne représente les gens », a déploré Dmitri Khobbotovski, un militant du mouvement « Russie ouverte » de l’ex-oligarque en exil Mikhaïl Khodorkovski.

Mobilisation d’artistes

La dernière figure de l’opposition en liberté, la jeune avocate Lioubov Sobol, a été interpellée avant la manifestation après une perquisition à son local de campagne. « Je ne vais pas aller à la manifestation. Mais vous savez quoi faire sans moi. Je suis fière de tous ceux qui sont venus », a-t-elle déclaré sur Twitter. Elle était encore en liberté grâce à son enfant, la loi russe interdisant les peines de détention administratives pour les femmes ayant des enfants en bas âge.

Si l’opposition est décimée, plusieurs personnalités parfois éloignées de la politique ont manifesté, comme l’un des rappeurs les plus populaires de Russie, Oxxxymoron, arborant un t-shirt de soutien à Egor Joukov, un étudiant emprisonné. Des artistes célèbres comme le groupe électro IC3PEAK, dont plusieurs concerts ont été interdits ces derniers mois, se sont produits sur scène. A 16 heures, à l’approche de la fin autorisée de la manifestation, la police a demandé aux organisateurs de commencer à évacuer la scène, selon un journaliste de l’AFP. D’autres rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes. A Saint-Pétersbourg (nord-ouest), 39 personnes ont été interpellées et six autres à Rostov-sur-le-Don (sud-ouest), selon l’ONG OVD-Info qui a aussi compté six interpellations à Moscou.

Ligne dure

La contestation a démarré après le rejet, pour des prétextes douteux, d’une soixantaine de candidats indépendants aux élections locales du 8 septembre, qui s’annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de grogne sociale. Les deux précédentes manifestations de l’opposition, le 27 juillet et le 3 août, n’avaient pas été autorisées et s’étaient soldées par respectivement 1400 et un millier d’interpellations. Le durcissement du régime s’exprime aussi par les nombreuses perquisitions et peines de prison imposées à des opposants, tandis que les inculpations pour « troubles massifs » visant de simples manifestants se sont multipliées.

Le « Fonds de lutte contre la corruption » du chef de file de l’opposition, Alexeï Navalny, actuellement emprisonné, est lui visé par une nouvelle enquête pour « blanchiment », et ses comptes ont été gelés. Parallèlement, les autorités tentent par tous les moyens de décourager les jeunes Moscovites de manifester. Le Parquet a ainsi demandé cette semaine le retrait de ses droits parentaux à un couple ayant manifesté avec son bébé, laissant peser une menace sur les parents tentés de faire de même. La mairie de Moscou, elle, a organisé à la dernière minute un festival de musique gratuit samedi et dimanche dans un parc de la capitale.

AFP


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