Les plantes médicinales : un patrimoine vivant menacé à protéger.

mardi 29 novembre 2022.
 

Les plantes médicinales utilisées et menacées par l’agro business et l’industrie pharmaceutique.

Les plantes médicinales utilisées et menacées par l’agro business et l’industrie pharmaceutique.

Dans un contexte où la biodiversité est en danger notamment par la disparition de nombreuses espèces végétales, où la chimie productiviste envahit nos champs et notre alimentation, l’air que nous respirons et les médicaments de synthèse, les plantes médicinales retrouvent leurs lettres de noblesse.

Selon l’OMS, 14 à 28 % des plantes consommées dans le monde sont médicinales ; selon un sondage assez récent 45 % des Français déclarent avoir eu recours à des plantes médicinales ou des remèdes à base de plantes pour se soigner.

Nous avons donc constitué un dossier documentaire sur les plantes médicinales en abordant plusieurs aspects : écologique, économique, juridique et notamment le rôle à la fois protecteur et destructeur de l’industrie pharmaceutique.

–Le premier article traite de la disparition en France de certaines espèces de plantes médicinales et de l’existence de parcs pour les faire connaître et les protéger. On a considéré ici un exemple concret.

–Le deuxième article traite de la disparition de certaines espèces de plantes médicinales au niveau mondial et des conséquences négatives que cela peut avoir pour la mise au point de certains médicaments. Il lance le débat sur les moyens de la protection des plantes médicinales.

–Le troisième article, un peu technique, ne se contente pas de vagues généralités mais examine dans le détail comment opèrent les firmes pharmaceutiques pour faire fructifier à leur profit la connaissance et l’exploitation des plantes médicinales.

La question du brevetage du vivant est abordé , ainsi que la notion de propriété intellectuelle des connaissances des communautés traditionnelles qui ont experimenté pendant des siècles l’efficacité thérapeutiques des plantes médicinales.

Nous avons cité un long extrait, le lecteur passionné par cette question peut accéder au texte complet en utilisant le lien figurant en début d’article.

–Le quatrième article fait une présentation relativement complète de la phytothérapie et de son contexte réglementaire.

–Le cinquième article aborde le problème du pillage de la connaissance ancestrale des communautés traditionnelles par les firmes pharmaceutiques le brevet pouvant ainsi protéger une connaissance volée.

–Le sixième article, rapport d’information sénatorial, aborde la question du développement d’une filière PPAM (plantes à parfum, aromatiques, médicinales).

La production des plantes médicinales et donc aborder ici sous un angle essentiellement économique.

–Le septième article aborde la question de la propriété des semences et des plantes par l’agro industrie qui s’applique aussi aux plantes médicinales. La culture de plantes médicinales devient donc très encadrée et une fois de plus, la biodiversité des espèces est sacrifiée sur l’autel de la productivité et de la rentabilité capitaliste.

–Le huitième article donne des exemples de répression administrative lourde à l’encontre d’herboriste pourtant expérimentés.

–Le neuvième document rassemble plusieurs émissions de France Culture sur les plantes médicinales : les pharmacopées traditionnelles, l’histoire de l’usage des plantes médicinales, comment les substances actives de la plante médicinales sont utilisées pour fabriquer des médicaments, etc.

–On trouvera notamment dans l’annexe la réglementation européenne sur les plantes médicinales et la réglementation française sur la vente des plantes utilisées en phytothérapie.

Premier article : Plantes médicinales : au secours des espèces en danger

Source : http://www.savoirs.essonne.fr/thema... le : Lundi en 1 Mars 2004 par B. Pasquier

Certaines plantes médicinales de la flore française sont aujourd’hui menacées de disparition. La mission du Conservatoire national des plantes de Milly-la-Forêt est de les protéger et de favoriser leur culture afin de préserver leurs précieuses molécules.

Si l’on dénonce souvent le désastre écologique que représente la déforestation de l’Amazonie où des dizaines de plantes disparaissent chaque jour, on n’imagine pas que cela puisse arriver en France. Pourtant, de nombreuses plantes médicinales et aromatiques sont menacées alors même qu’elles sont protégées au plan national ou régional.

Ainsi, la drosera, qui entre dans la composition de médicaments contre la toux, est menacée par le recul des tourbières qui constituent son milieu de prédilection.

« Les facteurs de risque sont multiples, explique Bernard Pasquier, directeur du Conservatoire National des plantes à Milly-la-Forêt qui s’attache à préserver ces plantes. Cela va du développement de l’urbanisation et du réseau routier à l’assèchement des zones humides ou à l’abandon du pâturage en montagne. Or, s’il n’y a plus de moutons, la broussaille envahit les prés et les plantes sont étouffées. Conséquence : le milieu se referme alors que le pâturage favorisait son ouverture. Enfin, la cueillette parfois excessive peut constituer un risque supplémentaire. »

Autant de moyens de préservation de plantes indispensables pour l’industrie pharmaceutique, homéopathique et phytothérapique. Parmi elles, l’anémone pulsatille et l’aconitus napellus, largement employées en homéopathie contre la fièvre. L’adonis de printemps à grosses fleurs jaunes, par exemple, utilisé pour combattre l’œdème et l’asthme, ne se trouve guère plus que dans les Causses (Noir, Méjean et de Sauveterre) et dans trois stations en Alsace, dans le Loiret et le Var.

Se priver de ces plantes, c’est ne plus disposer de leurs molécules et donc de certains médicaments. Même si l’on sait aujourd’hui reconstituer chimiquement certaines molécules individuellement, il est impossible de synthétiser l’ensemble des molécules d’une plante lorsqu’elle est utilisée entièrement.

Favoriser la culture

« Une fois les plantes en régression identifiées, il reste encore la possibilité d’en favoriser la culture », insiste Bernard Pasquier.

Le travail du Conservatoire est aussi de déterminer les méthodes de culture qui permettent à la plante de se démultiplier. Il édite une trentaine de fiches pratiques de culture à l’attention des producteurs qui pourront ensuite alimenter les laboratoires phytothérapiques et homéopathiques.

En plus de ses activités techniques et scientifiques, afin de développer sa notoriété auprès du grand public, le Conservatoire mène depuis plusieurs années une activité pédagogique et touristique sur les thèmes de l’environnement, du patrimoine culturel et des techniques scientifiques : ateliers, expositions, visites insolites…

La visite des collections permet de découvrir les plantes tinctorales largement utilisées autrefois (gaude, pastel, garance, genêt...), la gamme complète des aromatiques classiques (sauges, menthes, thyms, origans, basilics...) et un grand nombre d’aromatiques exotiques plus ou moins connues ( agastaches, perilla, nepeta, germandrées, calaments, armoises...). Sans oublier les innombrables espèces « seulement » médicinales provenant des différentes régions tempérées du globe ni celles des régions de plaines présentées dans un jardin paysager.

Le Conservatoire travaille en étroite collaboration avec des partenaires publics : le Conseil général et la Commune de Milly-la-Forêt pour développer les manifestations culturelles ; le Comité départemental du Tourisme pour valoriser et dynamiser le patrimoine du Sud Essonne. Labellisé “ site du goût ” et plus récemment site d’accueil “ tourisme et handicaps ”, le Conservatoire participe désormais aux nombreuses actions des collectivités locales (Produits et Terroir, Semaine de la Science, fête du Patrimoine) et à diverses campagnes promotionnelles (Ile d’Enfance, Pass’Essonne, Paris pas cher...).

Voici un petit florilège de plantes médicinales protégées et cultivées au conservatoire :

ire la suite sur le site

Deuxième article : La fin des plantes médicinales ?

Source : Santé et biodiversité http://www.humanite-biodiversite.fr... le 10.05.15

« La diversité des espèces animales et végétales est une richesse qu’il faut entretenir comme un précieux réservoir de gènes et de molécules thérapeutiques... À défaut d’agir, plus de 25 % des espèces (végétales sauvages) disparaîtront d’ici la fin du siècle. »

Alain Cuerrier, professeur à l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal et président de la Société internationale d’Ethnobiologie.

Résultat de la déforestation tropicale et du commerce intensif des plantes sauvages que des milliards de personnes utilisent pour leurs propriétés médicinales, la Banque mondiale confirme que nombre d’entre elles sont maintenant menacées d’extinction.

Les deux tiers de ces plantes poussent dans les pays du tiers-monde mais ce sont les pays occidentaux qui les exploitent. Selon le professeur Cuerrier, l’intérêt des industries pharmaceutiques et cosmétiques pour ces végétaux justifie une action énergique en faveur de leur préservation.

Il rappelle qu’à elles seules, six denrées servent à nourrir directement ou indirectement 80 % de l’humanité, soit le blé, le riz, le maîs, la pomme de terre, la patate douce et le manioc.

Lorsqu’une maladie inconnue frappe ces cultures, les agronomes se tournent vers les espèces sauvages pour leurs propriétés résistantes naturelles afin de les hybrider avec les plantes domestiques.

Commentaires critiques sur le site

Je ne vois pas en quoi les laboratoires pharmaceutiques pourraient participer à la sauvegarde des plantes médicinales... si ce n’est pour s’en assurer le monopole et interdire la cueillette sauvage et la culture de plantes au prétexte qu’elles sont médicinales.

En France, ce sont nos fameuses simples qui seraient menacées de monopole voire de brevetage. N’oublions pas que le but de l’industrie pharmaceutique est de s’enrichir, de récents scandales et abus en attestent. Et si les plantes médicinales les intéressent tout à coup, c’est que le "capitalisme vert" surfe sur la vague d’intérêt que suscitent les plantes sauvages, la phytothérapie et la nourriture sauvage.

Le seul moyen de sauver les plantes médicinales de la cupidité est d’enseigner, transmettre afin que chacun de nous soit capable de garder les pissenlits dans sa pelouse autant pour les abeilles que pour ses vertus... Que ce savoir collectif appartienne à l’humanité toute entière avec une interdiction totale d’appropriation des plantes, de leurs noms, des recettes ancestrales et le respect des milieux où sont prélevées les médicinales. : ce n’est pas la plante qui est médicinale, c’est la synergie où milieu, plante, cueilleur, soigneur, malade œuvrent dans la durée. Il ne s’agit donc pas de vendre des plantes, cultivées ou sauvages mais bien de modifier notre point de vue face à la maladie, aux soins et plus largement à notre place dans la nature.

Enfin, n’oublions pas que le diplôme d’herboriste n’existe plus en France et que nombre de pharmaciens sont incapables de déterminer une plante ou un champignon, même avec leurs clés de détermination ! (Voir les autres commentaires sur le site)

Troisième article (universitaire) : valorisation des plantes médicinales par l’industrie pharmaceutique complémentarités et contradictions

par Albert Chominot

Source : Hal archives ouvertes https://hal.archives-ouvertes.fr/ha...

Les travaux des ethnopharmacologues ont mis en relief l’utilisation des plantes médicinales pour l’extraction de principes actifs par l’industrie pharmaceutique. La rationalité industrielle trouve dans cette démarche une base d’innovation pour la mise au point de médicaments nouveaux qui peut être source de gain de temps dans les processus de recherche et développement (Fleurentin, 1993).

Les pharmacopées traditionnelles ont, certes, leur intérêt propre, soit sur le plan bio-médical, soit sur le plan culturel. Elles constituent un recours fréquent, par défaut, pour les populations dépourvues de ressources, auxquelles l’accès à la pharmacopée moderne est interdit. Les ethnopharmacologues observent également avec attention le succès grandissant des pharmacopées anciennes, au titre d’une « vague verte » qui, un peu partout dans le monde, apparaît comme une alternative à la médecine chimique.

Qu’il s’agisse de préparations prenant place dans un système médical traditionnel ou de ressources pour une production industrielle, à côté des aspects scientifiques, médicaux et sociaux, on peut souhaiter prendre en compte la dimension économique. Il y a de toute façon production, distribution, consommation, structures économiques et institutions. De ce point de vue, les médecines et pharmacopées traditionnelles ne sont pratiquement pas observées : si on estime qu’elles ont un intérêt sur le plan social, tout reste à faire sur le plan économique.

D’une certaine manière, les pratiques de l’industrie pharmaceutique, puisant des principes actifs dans la pharmacopée, sont plus apparentes. La nécessaire protection des démarches innovatrices entre en contradiction avec les prérogatives des détenteurs des ressources, communautés ou États, au titre de la propriété intellectuelle. Les conflits qui en résultent ne trouvent pas, à ce jour, de solutions institutionnelles satisfaisantes dans les accords internationaux en vigueur. On assiste alors à une multiplication des contrats entre firmes et organismes « représentant » les détenteurs de la ressource pharmacologique, dans une tentative plus ou moins aboutie de compromis.

1. Une fonction innovatrice indispensable

Pour satisfaire aux exigences de la concurrence monopolistique dans laquelle elles sont engagées, les industries pharmaceutiques doivent en permanence assurer la différentiation de leurs produits, par des processus de recherche-développement très longs (10 à 15 ans) et, partant, très coûteux. Dans le très intéressant encart consacré par La Recherche (n°314, novembre 1998) aux antibiotiques, Jean- François Desnottes expose clairement la base scientifique de cette démarche. Pour identifier une molécule active à l’égard de la cible visée, la recherche pharmacologique procède à l’exploration d’un « trésor », banque d’échantillons ou pharmacothèque. Cette base de référence est de plus en plus constituée, explique-t-il, par chimie combinatoire et modélisation moléculaire, à l’aide de la bioinformatique et de la robotique. Mais le recours à des collections historiques, produits résultant de synthèses antérieures, est encore fréquent. Or, ces « échantillothèques » comportent aussi des extraits naturels.

On comprend aisément que la complexité chimique des organismes vivants soit source de principes originaux. Mais on comprend également que l’exploration ethnopharmacologique de pratiques ancestrales mette sur la piste et oriente plus rapidement vers la molécule susceptible d’avoir l’activité recherchée (Desnottes, 1998 ; Moretti et al, 1993). Ce gain de temps, que l’on attend aussi des procédures biotechnologiques, tel le transfert de gènes, est source d’efficacité économique, de capacité concurrentielle, de profit.

D’où l’importance de la ressource en matière première, constituée par des plantes ou extraits de plantes, dans une très large proportion d’origine tropicale, faisant l’objet d’un échange de produits à faible valeur ajoutée. D’où également une tendance à la surexploitation de certains habitats pouvant aller jusqu’à la disparition d’espèces. L’exemple du Rauwolfia illustre bien ce phénomène. Le « Bois de serpent » (Rauwolfia serpentina L. Benth. ex Kurz), originaire de l’Inde, contient des principes actifs, tels la réserpine ou l’ajmalîne, intéressants comme hypotenseurs, régulateurs ou psychotropes. A. Prinz expose comment le succès de ses alcaloïdes, composants de médicaments modernes, a déterminé un besoin énorme en matière première. L’Inde a tenté, dans les années 1950, de s’en assurer le monopole, sans succès car Rauwojfla vomitoria Afz, très fréquent en Afrique, a un taux de réserpine double de celui de R. serpentina. Connu et utilisé en Afrique centrale contre morsures de serpents, fièvres, agitation nerveuse, convulsions, etc., R. vomitoria fut très recherché, en particulier au milieu des années 1960, dans le Nord-Est du Zaïre, où une firme allemande achetait 32 US cents le kilo de racine séchée, revendu 3,5 US $ (soit autant d’euros) sur le marché mondial. Les campagnes d’herborisation ont cessé dix ans plus tard dans cette zone, car le rendement en racines de la plante était devenu trop faible, suite à l’arrachage excessif, toujours plus complet, toujours plus loin dans la brousse. Les « cueilleurs » africains ont fini par se trouver eux-mêmes sans ressources (Prinz, 1993).

Approvisionnement en matière première, certes, mais plus fondamentalement encore, l’enjeu de l’exploitation de la pharmacopée traditionnelle est dans la disposition des gènes. Source de la nouveauté, cette maîtrise va impliquer monopole relatif, antériorité reconnue, utilisation certifiée par le droit (Cabalion, 1993 ; Moretti et al, 1993). La fonction innovatrice de l’industrie pharmaceutique suppose une problématique de la protection.

2. Une problématique de la protection

Condition de la recherche privée de longue durée, le brevet reconnaît l’ajout innovateur et dresse une barrière au copiage. Droit négatif, assurant l’éviction de la concurrence dans le système de libreéchange, il permet la constitution de monopoles légaux pendant une période donnée.

D’où l’importance de son extension géographique, de sa zone de validité. D’où l’enjeu majeur de sa portée. En particulier, jusqu’où ce mécanisme s’étend-il au vivant ? (Gueneau et al, 1998).

Le brevet industriel, portant sur des objets matériels, est bien défini. L’appliquer au vivant est une transposition, même si on y inclut des avancées technologiques, c’est-à-dire des processus. Les organismes vivants constituent une marchandise très particulière, à la fois objet et ensemble d’informations accumulées par l’histoire. On comprend clairement que l’intérêt des plantes médicinales réside dans ce que l’on sait d’elles, de ce qu’on sait en faire. Mais qui le sait ? Qui l’a fait ?

Fondamentalement le droit de propriété intellectuelle repose sur la nouveauté et la « non-évidence ». Courrier de l’environnement de l’INRA n°39, février 2000 21

Isoler un principe actif dans une plante médicinale traditionnelle, l’extraire, mettre au point un médicament est certes une nouveauté ; mais la connaissance des vertus de la plante et son usage sont ancrés dans l’histoire et, partant, manifestes. La prise de brevet, surtout si elle est « large », portant sur le matériel végétal, son génotype, les procédés de fabrication, les produits qui en sont issus, revient à établir un droit de propriété sur une ressource gratuite. Il est en effet tentant pour les laboratoires innovateurs d’étendre leur contrôle à l’origine des substances qui les intéressent, au nom du « patrimoine commun de l’humanité », en ignorant les prérogatives des populations qui avaient développé à leur endroit connaissances et savoir-faire. Leur vendre, le cas échéant, les médicaments qui en sont issus revient à s’assurer le monopole sur le produit après avoir établi le monopole sur la ressource. Le détour économique accompli par l’industrie pharmaceutique est certes long et lourd de charges. On comprend qu’il appelle protection envers la concurrence, mais la brevetabilité qui en est l’instrument se révèle contradictoire aux droits des communautés lorsque la ressource génétique initiale entre dans son champ (Gueneau et et/., 1998 ; Swaminathan, 1996).

Cette contradiction est marquée par une forte polarité Nord-Sud, au sens géopolitique courant. Elle oppose des entreprises multinationales, peu nombreuses et fortement implantées dans l’ensemble du monde, à des régions en voie de développement, ou émergentes, riches en ressources génétiques et en pharmacopées traditionnelles, souvent pauvres en droit. À propos des semences agricoles, V. Shiva (1996) dénonce, avec véhémence, « les flux de ressources et de connaissances qui vont sans protection d’un Sud riche en gènes vers un Nord riche en capital, et les flux de ressources et de connaissances protégés, dans l’autre sens » comme un modèle « d’une impudente injustice et non durable ». M.S. Swaminathan (1996) lui fait écho en soulignant que les agriculteurs des pays en développement fournissent, avec des variétés locales, des ressources génétiques gratuites au bénéfice des sélectionneurs. Ces observations s’appliquent dans leur principe aux plantes médicinales, même si ces dernières sont moins l’objet de sélection que les semences agricoles.

Pourtant, il faut se garder du syndrome du Grand Satan, car la contradiction industrie/communautés traverse les pays riches en ressources génétiques eux-mêmes. A. Agarwal en donne, avec le margousier et l’Inde, un exemple tout à fait illustratif. Les multiples usages du « neem » (Azadirachta indica), insecticides et pharmaceutiques, ont amené, dès l’isolement de l’azadirachtine en 1970, une vague de prise de brevets : on en compte une quarantaine en 1995, dont 5 portent sur des médicaments. L’Inde en a déposé 3, précisément dans le domaine pharmaceutique. On dira : présence nationale plus que modeste alors que les chercheurs indiens sont très souvent cités dans les protocoles de dépôt, et que la connaissance traditionnelle du neem est de toute façon la source ultime de ces percées scientifiques. D’ailleurs, la nimbine, autre principe actif du neem, avait été isolée en Inde même, dès 1942. A. Agarwal généralise la réflexion, à partir de cet exemple, pour esquisser un système global à trois niveaux :

- des populations intelligentes et inventives ayant une longue connaissance traditionnelle, source d’une large gamme de produits ;

- des chercheurs et firmes du Nord, identifiant des principes actifs à partir des savoirs et des produits traditionnels, pour créer de nouveaux médicaments destinés au marché mondial ;

- des chercheurs et industriels nationaux plutôt timides, tirant un parti limité de ces connaissances pour le marché national.

Dans une telle situation, toute structure innovante, se nourrissant des ressources traditionnelles, va pourtant demander paiement de ses productions et chercher à les protéger.

Que doit faire le « pays intermédiaire », le pays « source » :

- demander que soit reconnu le savoir-faire antérieur, au nom du droit des communautés ?

- relever le défi des industries transnationales en mettant à profit l’« ouverture », donc l’avantage, conférés par la connaissance traditionnelle ?

Les deux sans doute. Si l’Inde veut tirer parti des propriétés du neem, dans le champ thérapeutique relativement négligé par le Nord ; si elle veut prendre place dans le marché mondial de la pharmacie, il lui faut innover et protéger ses produits nouveaux, comme toute industrie innovatrice.

En même temps, il lui faut, comme toute région d’origine, faire face à l’exploitation sans principe de ses ressources et de ses connaisssances (Agarwal, 1996).

Dans ce tissu de contradictions où toute structure a ses raisons, quelles sont les solutions institutionnelles ?

Il est possible aux États, auxquels la convention sur la Biodiversité (Rio, 1992) reconnaît des droits souverains sur leurs propres ressources biologiques, de se dresser contre l’extension de la brevetabilité en demandant qu’en soient respectées les règles. Ainsi du curcuma, largement utilisé comme épice dans la cuisine orientale, qui possède des vertus médicales reconnues et utilisées depuis fort longtemps en Inde. Le brevet sur les propriétés cicatrisantes de Curcuma longa, déposé par des chercheurs auprès de l’administration des États-Unis, a été révoqué, suite au procès intenté par le gouvernement indien, sur le double argument de l’absence de nouveauté (il y a connaissance existante pluri-séculaire) et du caractère manifeste de cette connaissance. Beau résultat pour l’Inde, qui montre que le respect des règles internationales n’est pas forcément un vain combat... et vaut dans tous les sens. Il y a peu de temps, une expédition de rosés indiennes fut saisie à l’aéroport Charles-de Gaulle, l’exportateur ayant « négligé » de payer les royalties, dues normalement au titre de la convention UPOV, aux obtenteurs européens. Contrefaçon, certes ; mais face au biopiratage, la reconnaissance de la souveraineté des États sur leurs ressources génétiques est un pas en avant vers le contrôle d’accès aux ressources par les communautés locales.

Ainsi que l’expriment fort bien S. Gueneau, H. Ilbert et E. Motte, quand le concept de patrimoine universel disparaît, « la reconnaissance des savoirs traditionnels suppose la formation de nouveaux droits de propriété intellectuelle, en réponse aux brevets ». Or, on observe la gestation de « multiples faisceaux » de droits (droits sur les ressources traditionnelles - DRT ; droits de propriété intellectuelle communautaire - DPI ; droits intellectuels communautaires - DIC) qui tendent à conférer à leurs détenteurs « autodétermination, accès libre et organisations en réseaux », en opposition au droit de propriété unique (Gueneau et al., 1998). La question de fond est celle du caractère informel et collectif des innovations. J.B. Alcorn souligne que, dans les régions de haute diversité biologique connue, mise en oeuvre et conservée par des populations indigènes, celles-ci sont considérées souvent comme « utilisant des ressources » (au sens où on le dit d’une population d’animaux) et non comme des communautés organisées et responsables de la gestion des ressources.

Pourtant, elles ont édifié et mis en pratique des « corpus de règles, de régulations, de processus qui guident la prise de décision » donc l’allocation de ressources et leur conservation. Il faut reconnaître ces « institutions invisibles » et, selon V. Shiva, définir l’innovation comme un processus collectif et cumulatif, que la connaissance accumulée par les communautés soit vérifiée formellement ou informellement (oralement, etc.). La notion de DIC rendrait mieux compte de ces savoir et savoir-faire que celle de droits de propriété et permettrait de « satisfaire aux impératifs éthiques et écologiques, de créativité des cultures et d’équité économique » (Alcorn, 1996 ; Shiva, 1996).

Dans quelle mesure les structures institutionnelles existantes peuvent-elles satisfaire ce besoin de droit des communautés à créer ? La référence au domaine des semences et à l’UPOV amène Swaminathan (1996) à suggérer une classification des détenteurs et utilisateurs de ressources génétiques en :

- cultivateurs - agriculteurs qui achètent des semences de variétés nouvelles et, selon les règles de l’UPOV, ont le droit de réutiliser une fraction de leur production, voire d’en commercialiser une faible quantité sur le plan local ;

- conservateurs - populations ayant préservé des espèces sauvages et des variétés populaires de plantes ayant un intérêt économique et social (médical, leur apportant de la valeur par l’identification, la connaissance de leurs propriétés, voire la sélection ; ceux-ci bénéficieraient d’un « droit des agriculteurs » au sens de la FAO (1989), incorporé à la convention UPOV. Peut-on imaginer que l’UPOV soit étendue à la fois aux droits des communautés et au domaine des plantes médicinales ?

Ces « Farmers rights » seraient, comme les principes de la CDB, la base d’un partage juste et équitable des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources génétiques. On va constater alors qu’une telle démarche est à l’oeuvre dans l’établissement de contrats entre sociétés et institutions des pays développés et institutions ou États des régions sous-développées, et fonde des opérations de développement.

3. Le compromis par le contrat ?

Après Rio 92, la plupart des PED ont édicté des réglementations exigeant l’obtention, auprès de l’État détenteur, d’une autorisation d’accès aux organismes vivants, à titre temporaire, pour un projet déterminé (Sauvain, 1997). La recherche de substances pharmaceutiques fait l’objet de démarches de ce type, qui répondent à des exigences, des propositions, des modalités de relations assez diverses, dont P. Cabalion et M. Sauvain donnent plusieurs exemples.

Ainsi, les cinq pays du Pacte Andin (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou, Venezuela) ont-ils, à la faveur de l’accord de Carthagène (1996), posé que les demandes d’accès à leur biodiversité doivent assurer :
- formation des chercheurs ;

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Quatrième article : Phytothérapie : que dit la législation ?

Source : Doctissimo https://www.doctissimo.fr/html/doss...

La phytothérapie est le recours aux plantes médicinales ou médicaments à base de plantes contenant des principes actifs naturels pour soigner des symptômes ou des maladies. Marché en pleine expansion, l’utilisation de produits à base de plantes est soumise à des textes législatifs français et européens, dont le but est de fixer le cadre général d’utilisation et les règles de sécurité pour protéger les usagers.

Sommaire

1.L’Histoire des plantes médicinales et de la phytothérapie

2.Les plantes médicinales répertoriées dans la Pharmacopée française

3.Phytothérapie : un marché en expansion, une législation en évolution

4.Des médicaments sans ordonnance mais l’avis du médecin recommandé !

L’Histoire des plantes médicinales et de la phytothérapie

Les propriétés médicinales de certaines plantes sont connues depuis des temps immémoriaux. Largement utilisées depuis l’antiquité, les médicaments à base de plantes et substances végétales ont gardé une place primordiale en médecine pendant des siècles.

Au moyen âge en Europe, les herboristes avaient un rôle de premier ordre dans la commercialisation des plantes et médicaments à base de plantes et concurrençaient sérieusement médecins et apothicaires. 1 Au cours du XIXème siècle en France, la formation pour les herboristes devient obligatoire et la vente des plantes par ces professionnels est encadrée et limitée aux plantes indigènes non vénéneuses.

Puis, après de nombreux conflits avec les pharmaciens, les herboristes se voient retirer le droit d’effectuer des mélanges ou d’élaborer des tisanes. En septembre 1941, une loi supprime le diplôme d’herboriste dans notre pays, les professionnels déjà formés pouvant garder leurs droits d’exercice à vie. L’herboriste est donc un métier disparu en France, mais il existe encore dans d’autres pays comme la Belgique ou l’Allemagne. Actuellement, en France, seuls les pharmaciens sont aptes à préparer et à dispenser des produits à base de plantes.

Plus récemment, dans les pays occidentaux comme la France, les médicaments à base de plantes ont progressivement cédé la place aux molécules chimiquement synthétisées, qui sont devenues majoritaires à partir des années 1940. Cependant, plus d’un tiers de ces médicaments synthétiques sont issus de la transformation chimique de plantes. Mais attention, de nos jours, on entend par médicament à base de plantes les médicaments et préparations magistrales qui contiennent des substances et principes actifs uniquement d’origine végétale.

Les plantes médicinales répertoriées dans la Pharmacopée française

En France, des experts travaillent depuis des années pour identifier les plantes médicinales dont l’utilisation traditionnelle et l’innocuité sont reconnues. Ces experts élaborent des monographies précises sur l’identification, les caractéristiques et l’absence de contaminants au niveau de chaque plante. 2 Les monographies permettent ainsi aux fabricants de médicaments à base de plantes de soumettre des demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en respectant des normes standardisées. Depuis les années 1980, les médicaments à base de plantes bénéficient d’une procédure de demande d’AMM dite allégée.

Qu’est-ce que la Pharmacopée française ?

La liste des plantes médicinales de la pharmacopée française est un répertoire officiel des plantes considérées comme possédant des propriétés médicinales (art. L. 4211-1 du Code de la Santé Publique). Depuis le 1er août 2013, cette liste est scindée en une liste A et une liste B et comprend 585 plantes. 3 Dans ces listes, le type de médecine traditionnelle d’usage (européenne et outre-mer, chinoise ou ayurvédique) y est précisé. La vente de ces plantes médicinales en l’état est réservée aux pharmaciens, sauf pour celles libérées du monopole pharmaceutique.

·La liste A : elle correspond aux plantes médicinales utilisées traditionnellement. Elle comprend environ 600 plantes, dont 148 d’usage thérapeutique non exclusif, libérées du monopole pharmaceutique si elles sont vendues en l’état ;

·La liste B : elle comprend 145 plantes, correspond aux plantes médicinales utilisées traditionnellement en l’état ou sous forme de préparation dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu.

Phytothérapie : un marché en expansion, une législation en évolution

La phytothérapie revient en force depuis plus d’une dizaine d’années, à tel point qu’actuellement, 45 % des Français déclarent avoir recours à des plantes médicinales ou médicaments à base de plantes pour se soigner. 4 C’est pourquoi la législation française et européenne ont dû évoluer face à cette demande croissante, afin d’assurer le bon usage et la sécurité des produits de phytothérapie.

Bien qu’une Pharmacopée, des règles et des procédures simplifiées d’autorisation de mise sur le marché (AMM) existaient déjà en France, ces règles et procédures ont été marquées en 2004 par des directives européennes sur les médicaments traditionnels à base de plantes.

Ainsi, la directive européenne 2004/27/CE5 a été publiée pour prévoir un nouveau régime d’autorisation simplifié pour la mise sur le marché des médicaments traditionnels à base de plantes. Cinq critères cumulatifs ont été définis pour qualifier les médicaments traditionnels à base de plantes : ·Disposer d’indications propres à des médicaments traditionnels à base de plantes conçus et destinés à être utilisés sans la surveillance d’un médecin ;

·Être administrés selon un dosage et une posologie spécifiés ;

·Présenter des formes et préparations administrées par voie orale, externe et/ou inhalée ;

·Avoir un usage médical reconnu pendant au moins 30 ans avant la date de demande dont 15 ans dans l’espace de la communauté européenne ;

·Disposer de données suffisantes sur l’usage traditionnel du médicament (innocuité démontrée, conditions d’emploi spécifiées, effets pharmacologiques et efficacité plausibles du fait de leur ancienneté et de l’expérience)

Le 24 Mai 2019, le 1er colloque sur les métiers de l’herboristerie s’est tenu au Palais du Luxembourg, organisé par Joel Labbé, sénateur du Morbihan.

Depuis plusieurs années, un état des lieux est mené sur ces métiers “invisibles” et les filières de formation certifiantes et non diplômantes de l’herboristerie. La forte demande de la population en médecine naturelle, fait émerger des offres de produits de qualité, en dehors du monopole pharmaceutique. Les paysans herboristes notamment, fournissent des plantes fraîches, sèches, pour les infusions, mais également des transformations artisanales, comme les teintures, macérats, huiles essentielles, hydrolat. « Nous avons pû voir la complexité de l’arsenal législatif qui enferme la plante et la cloisonne dans le cosmétique, le complément alimentaire, ou le médicinal, raconte Emmanuelle Guilbaudeau, herboriste et phytothérapeute. Une demande très claire s’oriente vers l’assouplissement de ce cadre." L’organisation du syndicat SIMPLES, et Thierry Thévenin, herboriste-cueilleur, participent activement à cette réflexion. Une formation agricole, spécifique sur la filière des PAM (plantes aromatiques et médicinales) est en cours de création.

"Des formations certifiantes d’herbalistes, de phytologues herboristes, sont proposées par des écoles sérieuses, regroupées en fédération française des écoles d’herboristerie," explique la thérapeute. Un travail de collaboration est en cours pour construire un référentiel commun de formation, et permettre une reconnaissance du métier d’herboriste. De nombreux pharmaciens souhaitent aussi renforcer leur cursus sur les plantes médicinales.

"Un besoin majeur existe pour mieux former les professionnels de santé et renforcer la recherche pour valoriser le recours complémentaire aux plantes, en santé humaine et animale, les allégations médicales sont toujours réservées aux professions médicales, et aux médecins phytothérapeutes." La loi ne reconnait actuellement pas, les herboristes thérapeutes, herbalistes, naturopathes formés (En France, au Canada, aux Etats Unis, en Allemagne), experts dans leur domaine, qui accompagnent chaque jour en cabinet, des personnes en demande.

Des médicaments sans ordonnance mais l’avis du médecin recommandé !

Rappelons que les plantes médicinales et les médicaments à base de plantes inscrits dans la Pharmacopée française sont administrables par voie orale, par inhalation ou localement (jamais en injection) et peuvent être utilisés sans l’intervention d’un médecin.

Autrement dit, ils sont disponibles sans ordonnance mais la dispensation et le conseil du pharmacien sont fortement recommandés afin de respecter les doses, la durée du traitement et les précautions d’emploi. Le patient peut également interroger son médecin, surtout s’il prend un ou des traitements allopathiques pour s’assurer de l’absence d’interactions médicamenteuses.

Dr Jesus Cardenas

Ecrit par :

Dr Jesus Cardenas

Directeur médical de Doctissimo

Révision médicale : Dr Jesus Cardenas, Directeur médical de Doctissimo, 29 novembre 2019

Note des Sources :

·1 - "Plantes médicinales et médicaments à base de plantes", Journal de l’Ordre national des pharmaciens, No 4, juin 2011 ( accessible en ligne) et "Plantes médicinales : cultivez votre longueur d’avance !", Journal de l’Ordre national des pharmaciens, No 31, décembre 2013 ( accessible en ligne).

·2 - "Liste des monographies françaises en vigueur", Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), juillet 2019 ( accessible en ligne).

·3 - "Les plantes de la Pharmacopée française", Société française d’ethnopharmacologie, juin 2019 ( accessible en ligne).

·4 - "Cultivez votre expertise", Le pharmacien et les plantes, les cahiers de l’Ordre national des pharmaciens, juillet 2014 ( accessible en ligne).

·5 - "Bulletin Juridique info, No 22, avril 2009, relatif à la directive européenne", Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) ( accessible en ligne).

·Interview d’ Emmanuelle Guilbaudeau, herboriste et thérapeute à Nantes certifiée et validée par le réseau Medoucine. Pour en savoir plus : terraherba.fr

Cinquième article : Les savoirs traditionnels médicinaux pillés par le droit des brevets ?

Source : cairn info. Revue internationale de droits économiques https://www.cairn.info/revue-intern...

Dans Revue internationale de droit économique 2012/3 (t. XXVI), pages 321 à 343

On cite ici un extrait sur ce que l’on pourrait appeler la bio piraterie des firmes pharmaceutiques du savoir ancestral des sociétés traditionnelles.

Quand des sociétés pharmaceutiques ont obtenu des succès commerciaux sur des produits brevetés provenant de travaux de recherche initiés à la suite de la communication de savoirs traditionnels médicinaux sur des plantes trouvées dans les pays du Sud, s’est posée la question de la protection de ces savoirs [2]

[2] G. Filoche, « Les connaissances, innovations et pratiques…. De la sphère des relations contractuelles entre privés, les contentieux impliquant souvent des parties de nationalités différentes, cette question a été portée sur la scène internationale. Dans le cadre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), dès 2000, le comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore a initié un cycle de travaux sur ce sujet. Pour certains, la situation nécessite de protéger, contre l’incursion du droit des brevets, une action en réaction où protéger, c’est exclure [3]

[3] Approche du Conseil des ADPIC, article 27 : 3 b), savoirs…, nécessitant alors l’identification de ces savoirs, et leur fixation dans des registres ; pour d’autres, elle appelle une protection en soi excluant la fixité contraire aux qualités intrinsèques dynamiques de ces savoirs [4]

[4] F. Zimmerman, Généalogie des médecines douces. De l’Inde à… et nécessitant plutôt la maintenance d’environnements épistémiques, une approche de gestion des ressources. Indispensable à court terme, la première approche doit se lier à l’intention de la seconde.

2 En 2010, la révocation d’un brevet portant sur un procédé d’extraction d’une substance active à partir de racines poussant en Afrique du Sud par l’Office européen des brevets [5]

[5] Décision de la division d’opposition : révocation du brevet… (OEB) a inquiété les laboratoires quant à la brevetabilité des produits issus de collectes de plantes médicinales. Dernièrement, une opposition [6]

[6] Déposée par six opposants dont Greenpeace domiciliés en… à un brevet [7]

[7] Brevet délivré EP 1 962 578 B1 :… portant sur une variété de melon, formée devant l’OEB, témoigne de la continuité de l’activisme dans ce domaine.

Le stéréotype

3 Imaginez un groupe de quelques employés d’une société pharmaceutique, accompagnés de chercheurs, de professeurs d’université, de représentants de laboratoires dans la forêt amazonienne, un désert africain ou une campagne indienne, y rencontrant des héritiers de savoirs appliqués à des plantes transmis, conservés, améliorés de génération en génération, partagés pour certains, gardés secrets pour d’autres, parfois récemment améliorés.

4 Le siège social de ce groupe pharmaceutique est basé en Occident et dispose de filiales en Asie. L’institut de recherche a des partenariats avec des organismes du tiers monde, et, entre chercheurs, les informations circulent par téléphone, courriels non sécurisés, discussions informelles lors de conférences, échanges de rapports. Aucun accord de confidentialité ni protocole de partage n’est signé ni même ébauché puisqu’il est bien connu que seuls la recherche et le partage des connaissances importent dans ce domaine (…). Des professeurs d’université ont été contactés et, il est bien évident que les arguments de la société pharmaceutique portant sur la santé humaine et l’objectif ultime de mise au point d’un nouveau traitement ont, au regard des conditions de travail des universitaires, assurément prévalu sur les conditions financières de leur participation au projet… Suite à leurs discussions, il est apparu qu’une communauté résidant dans un pays du Sud soit en possession d’un procédé permettant d’obtenir une plante connue dans une forme telle qu’elle a la capacité de soigner ou apaiser une maladie touchant la majorité des pays du monde. Guidé par l’un (et un seul) des membres de cette communauté locale contacté par le chercheur, accompagné d’un traducteur, le groupe a commencé à discuter sur le savoir traditionnel médicinal partagé. Les représentants de la multinationale ont observé, pris des photos du procédé et du mélange du produit, ont suivi le patient auquel la mixture est administrée avant et après ingestion. En annotant et discutant, ils se sont accordés sur l’intérêt que peut présenter ce produit, mais sont aussi conscients du travail d’analyse et de tests qui les attend. Les chercheurs ont annoté les faits et gestes des représentants de la société pharmaceutique alors que les professeurs d’université ont sillonné les alentours à la recherche de la présence éventuelle de quelques autres éléments pertinents. Animé d’une intuition prometteuse, notre groupe a salué la communauté, est retourné dans sa voiture climatisée, a rejoint l’hôtel aux draps blancs et, après mise au point collective d’un rapport où il est fait état des « découvertes », quelques jours plus tard, les délégués de la société pharmaceutique ont présenté un programme de recherche et développement dans une salle de réunion flambant neuve. Quelques années plus tard, suivant la procédure de dépôt internationale, une demande de brevet portant sur un procédé d’extraction de la plante poussant jusqu’alors exclusivement dans la région du monde où réside la communauté et sur le produit purifié obtenu par la société pharmaceutique est déposée. Elle vise les États-Unis, la plupart des pays de l’Union européenne, le Japon, la Corée du Sud, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Outrées par « le pillage » d’un savoir traditionnel « symbole de l’identité d’une communauté en marge du développement économique », des organisations non gouvernementales ont organisé des campagnes de « prise de conscience » dans les pays occidentaux et dans celui de la communauté locale, pour dénoncer le vol dont a été victime une communauté utilisant quotidiennement, pour soigner ses membres, un savoir perfectionné par des générations d’individus.

Lire la suite du texte sur la bio piraterie sur le site

Sixième article : Les plantes médicinales et l’herboristerie : à la croisée de savoirs ancestraux et d’enjeux d’avenir

Source : Sénat https://www.senat.fr/rap/r17-727/r1...

Rapport d’information Par M. Joël LABBÉ au nom de la MI Développement de l’herboristerie Notice du documentSynthèse du rapport (113 Koctets)

Sommaire

II. UNE FILIÈRE À FORT POTENTIEL : SOUTENIR UNE PRODUCTION FRANÇAISE D’EXCELLENCE ET ÉCO-RESPONSABLE

La France produit depuis des siècles des plantes médicinales. D’un point de vue économique et agricole, cette production est englobée dans la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, les PPAM. Cela traduit la difficulté à distinguer chacune de ces catégories en raison du caractère très fréquemment multi-usages des plantes, quoique chaque catégorie réponde à des logiques de marché différentes.

Portée par des marchés dynamiques, la production des PPAM connaît une croissance et une attractivité singulières dans le monde agricole, participant ainsi à la revitalisation de certains territoires ruraux.

À l’interface du monde des plantes sauvages et de celui des plantes cultivées, la filière se situe au coeur d’enjeux importants, non seulement pour le développement local et socio-économique des territoires, mais également pour la préservation de la biodiversité. Pour les outre-mer en particulier, en raison de leur richesse végétale exceptionnelle mais encore insuffisamment reconnue et valorisée, cette filière constitue un levier de développement à considérer à sa juste valeur.

Ces constats conduisent votre mission d’information à avancer des propositions pour soutenir une filière française exigeante, en réponse à des attentes sociétales et face à la concurrence internationale.

A. UNE FILIÈRE AGRICOLE MODESTE MAIS DYNAMIQUE

La filière des PPAM, quoique très hétérogène, présente de sérieux atouts : fortement ancrée dans les territoires, axée sur des marchés porteurs, elle jouit d’une certaine attractivité. Elle est toutefois confrontée à des défis de taille dans un secteur fortement concurrentiel, qui appellent à renforcer le soutien à ses acteurs et à favoriser leur structuration.

1. Les « PPAM », une croissance singulière dans le monde agricole

a) Une augmentation de 40 % des surfaces cultivées depuis 2010

La filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) ne figure pas parmi les grandes filières agricoles françaises. Et pour cause : elle représente moins de 1 % de la surface agricole utilisée sur le territoire français.

D’après le plan de filière transmis en décembre 2017 au ministre en charge de l’agriculture, plus de 3 500 exploitants agricoles sont investis dans cette culture qui représente un chiffre d’affaires agricole de près de 150 millions d’euros, soit 0,2 % de la valeur de la production agricole française. Le marché de produits finis qui en sont issus était quant à lui estimé, au milieu des années 2000, à environ 4 milliards d’euros et 30 000 emplois directs et indirects.

La filière PPAM se caractérise par un dynamisme quasi-unique dans le monde agricole, qui contraste avec la tendance générale à la régression de la surface agricole : les surfaces cultivées en PPAM ont ainsi été multipliées par 2,5 en un quart de siècle, soit une augmentation de 3,4 % par an, tandis que, dans le même temps, la surface agricole utile totale a diminué en France de 6 %.

Cette croissance connaît une accélération depuis 2010 en s’approchant d’un taux de + 6 % par an : les surfaces cultivées en PPAM sont ainsi passées de 38 000 à plus de 53 000 hectares entre 2010 et 2016, en hausse de 40 %.

Évolution de la surface agricole cultivée en PPAM en France (en hectares) Voir tableau et suite du texte sur le site

Septième article : Les semences et les plantes propriété exclusives de l’agro industrie ?

par Sophie Chapelle 4 septembre 2012

Source : Basta mag https://www.bastamag.net/Les-semenc...

Rien ne va plus pour les agriculteurs, les jardiniers et les artisans semenciers. Vendre ou échanger des semences de variétés anciennes, libres de droit de propriété et reproductibles est devenu quasi mission impossible. L’association Kokopelli en fait aujourd’hui les frais. Un récent arrêt de la Cour de justice européenne consacre le monopole de l’industrie semencière sur les plantes. La réforme en cours de la réglementation des semences n’augure rien de bon pour l’autonomie des paysans et la liberté de planter.

Elle a commis plus de 3 400 infractions. Et a été condamnée à payer une amende de 17 130 euros. Le nom de cette dangereuse contrevenante ? Kokopelli. Une association, dont le siège est à Alès (Gard), qui commercialise 1700 variétés de plantes potagères, céréalières, médicinales, condimentaires et ornementales. Toutes les semences de Kokopelli sont libres de droit de propriété et reproductibles. Ce qui donne la possibilité de conserver une partie des semences de sa récolte pour les ressemer l’année suivante. L’association contribue à faire vivre la biodiversité agricole. Elle est pourtant considérée aujourd’hui comme hors-la-loi par les juridictions française et européenne. Son délit ? Vendre des semences de variétés non inscrites au catalogue officiel. Et ne pas avoir indiqué clairement leur destination exclusivement non commerciale (usage amateur, conservation ou recherche).

Depuis 1949, pour pouvoir être commercialisées, toutes les espèces ou variétés végétales doivent obligatoirement être inscrites au « catalogue officiel des espèces ou variétés ». Pour y figurer, elles doivent remplir plusieurs critères, évalués par un comité composé de représentants du ministère de l’Agriculture, de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) et de représentants des semenciers. Pour les espèces potagères, les conditions d’inscription sont au nombre de trois : la « distinction », l’« homogénéité », et la « stabilité ». La variété proposée au catalogue doit être distincte des variétés existantes, donc nouvelle. Elle doit être « homogène », c’est-à-dire que les plantes d’une même variété doivent toutes être identiques. Enfin, la variété doit être stable génétiquement, ne pas évoluer au gré de ses reproductions ou multiplications.

Des semences standardisées pour l’industrie

Pourquoi les variétés commercialisées par Kokopelli ne sont-elles pas inscrites au catalogue officiel ? Selon l’avocate de l’association Blanche Magarinos-Rey, « ce catalogue pose des conditions incompatibles avec les caractéristiques mêmes des variétés vendues par l’association ». C’est l’homogénéité qui pose le plus de problèmes à l’association. « La base génétique de ces variétés est très large, car elles sont le fruit de nombreux croisements entre individus, explique-t-elle. Cela leur confère une capacité d’adaptation et d’évolution au fil du temps et selon les terroirs. Cela signifie également que ces variétés ne sont pas définitivement "fixées". » Leur stabilité, au sens de la réglementation, n’est donc pas assurée. Les plants et les fruits issus des reproductions et multiplications ne sont pas tous exactement les mêmes. Les tarifs d’inscription au catalogue sont également prohibitifs. « 500 euros en moyenne pour chaque variété, précise l’avocate de Kokopelli, sans compter les droits annuels à payer pour les différents types d’examens obligatoires. »

Alors que la diversité biologique est fondamentale pour affronter la crise alimentaire, le catalogue officiel se révèle être un facteur de réduction de la biodiversité. Entre 1954 et 2002, 80 % des variétés potagères auraient été radiées du catalogue selon le Réseau semences paysannes. Des 876 variétés inscrites en 1954, il n’en restait plus que 182 au catalogue officiel français en 2002. La raison de ces radiations ? Le poids de l’industrie semencière, qui, depuis cinquante ans, cherche « à standardiser les semences pour les adapter partout aux mêmes engrais et pesticides chimiques, estime le Réseau semences paysannes. « Il n’y a que dans les lois dictées par les lobbies industriels qu’on peut prétendre les rendre homogènes et stables ; dans la vraie vie, cela revient à les interdire. »

Rude bataille judiciaire

En 2005, Kokopelli est assignée devant les tribunaux par la société Graines Baumaux, près de Nancy, pour « concurrence déloyale ». L’entreprise prétend que l’activité de Kokopelli, dont les semences ne sont pas inscrites au catalogue officiel à la différence des siennes, lui causerait un préjudice. Le procès, favorable en première instance à Baumaux (janvier 2008), est actuellement en appel au tribunal de Nancy. En février 2011, Kokopelli obtient de la cour d’appel une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Lire la suite sur le site en utilisant l’URL précédente.

On peut compléter cet article par la vidéo du cash investigation de France 2 « Kokopelli dans Cash Investigation – « Multinationales : hold-up sur nos fruits et légumes » https://www.youtube.com/watch?v=Mgd... (Le problème crucial de la propriété des semences est abordé dans ce reportage.)

Huitième article : Des herboristes qui dérangent

Source : Plantes et santé. 23/02/2016

https://www.plantes-et-sante.fr/art...

Voir l’article sur le site qui montre l’inadéquation de la réglementation actuelle pour la vente de plantes médicinales provoquant une répression disproportionnée contre des herboristes expérimentés.

Documents 9 : des émissions de France Culture

9.1 Une Histoire des plantes médicinales

https://www.franceculture.fr/emissi...

et aussi : https://www.franceculture.fr/oeuvre...

9.2 Les pharmacopées traditionnelles

https://www.franceculture.fr/emissi...

9.3 De la plante au médicament (4 épisodes de LSD)

https://www.franceculture.fr/emissi...

9. 4 Plaidoyers pour l’herboristerie : comprendre et défendre les plantes médicinales

https://www.franceculture.fr/oeuvre...

Annexe

Plantes médicinales. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Plant...

La phytothérapie. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Phyto...

Liste des plantees utilisées en phytothérapie. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste...

L’aromathérapie : Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Aroma...

La pharmacopée chinoise Source : Passeport santé https://www.passeportsante.net/fr/T...

La pharmacopée officielle de la république populaire de Chine Source : Société française d’ethnopharmacologie http://www.ethnopharmacologia.org/d...

La pharmacopée ayurvédique indienne Source : Société française d’ethnopharmacologie http://www.ethnopharmacologia.org/d...

La controverse de 2011 sur la soi-disant interdiction des plantes médicinales par la commission européenne https://www.mon-herboristerie.com/b...

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un diplôme et organiser la profession d’herboriste Source : Sénat https://www.senat.fr/leg/ppl10-750.html

(Ce projet de loi de 2011 a provoqué l’opposition de l’ordre national des pharmaciens)

Pétition (2018) pour le rétablissement diplôme d’herboriste supprimé par Pétain le 11 septembre 1 1941 Source : Politis https://www.politis.fr/articles/201...

Directives européennes de 2004 sur les plantes médicinales https://ec.europa.eu/health/sites/h...

Décret n° 2008-841 du 22 août 2008 relatif à la vente au public des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée et modifiant l’article D. 4211-11 du code de la santé publique Source : Légifrans https://www.legifrance.gouv.fr/affi...

Sur la conservation génétique des graines des fruits et légumes, voir article de Science et Vie https://www.science-et-vie.com/ques...

Hervé Debonrivage


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