Jeudi j’étais au Havre pour soutenir la liste menée par le député Jean-Paul Lecoq. Samedi j’étais à Bagnolet en soutien à la liste dirigée par Laurent Jamet. L’un et l’autre sont communistes. L’un et l’autre se sont mis au service de coalitions citoyennes locales. Dans l’un et l’autre cas les Insoumis font équipe avec eux depuis le premier tour. Ma présence voulait signaler dans les deux cas une intention : la volonté insoumise de chercher un chemin pour battre les néolibéraux et leurs succédanés de toutes les variétés. Et la volonté de le faire sans reproduire les formules politiques figées du passé. Ni au Havre ni à Bagnolet je n’ai vu autre chose qu’un acharnement à donner du corps à l’idée de l’intervention citoyenne. Enfin des amis qui comprennent qu’une élection, qu’elle soit municipale ou présidentielle n’est pas un congrès de parti. Qui ont compris combien la soupe des guirlandes de sigles peut paraitre repoussante pour tant de gens quand bien même parfois ce n’est pas juste. Nous payons tous pour les trahisons et les renoncements des gouvernements de François Hollande.
Ces militants sur ces listes comprennent que l’éloignement de millions de gens des urnes et de dizaine de milliers hors des partis n’est pas un malentendu mais une caractéristique profonde du moment politique et qu’il faut la traiter comme tel. Je ne sais pas quel sera le verdict des urnes. Dans les deux cas le rapport de force est tendu. Mais ce dont je suis certain, sans l’ombre d’un doute, c’est que voilà la bonne méthode de travail. Ni les communistes ni nous parfois ne sommes irréprochables dans nos manières de faire. Mais dans les cas que je cite, partant de loin du fond de la scène politique, nous avons façonné de cette manière une remontée dont attestent les sondages. Et quoiqu’il en soit cela reste pour le futur. Le maire sortant au havre comme à Bagnolet pensait être élu au premier tour. Le second tour a lui seul est déjà une victoire.
Après cela, je veux dire un mot de ma relation aux communistes et de celle des insoumis. J’ai milité toute ma vie en alliance avec les communistes. D’abord au temps de l’Union de la Gauche non seulement dans les élections mais dans le PS dont j’étais membre où plusieurs courant agissaient contre l’Union. Puis j’ai organisé ma sortie du PS et le projet de Front de Gauche en lien direct avec la direction communiste de Marie-Georges Buffet qui avait facilité mon entrée en campagne pour le « non » au traité constitutionnel européen en 2005. Ensuite, ce fut la campagne présidentielle commune de 2012, ses législatives et puis celles de 2017. Cette convergence n’a jamais été simple pour toutes sortes de raisons. Mais sans elle, nous n’aurions pas connu les deux succès consécutifs que furent ces campagnes commencées à 3,5 % en 2010 conclue à 11% en 2012 puis commencé à 9% en 2015 et terminée à 19,5% en 2017, à six cent mille voix du deuxième tour.
Dans tout cela il ne faut pas considérer seulement la forme, c’est-à-dire l’alliance de deux organisations. Il faut regarder le fond, c’est-à-dire la dynamique qui était visée et qui se produisit. C’est par une claire rupture avec le néolibéralisme et les eaux troubles du social-libéralisme que la confiance s’est reconstruite dans d’amples secteurs populaires. Elle nous a donné l’avantage et la prééminence face à la gauche traditionnelle. L’alliance de Hamon et de Jadot passa au contraire de 18 % à 6 %. Cela ne tenait pas à la personne du candidat EELV /PS. Mais en dépit de certaines propositions de rupture du programme Hamon, le poids des autres incertitudes de ce même programme et le soutien de leurs appareils respectifs paru suspect et même menaçant au grand nombre. N’avait-il pas été déjà tant trahi par Hollande et ses lois antisociales comme celle de Myriam El Khomri ? Ces traits de situation surgissent plus crument que jamais dans le contexte actuel. Ils se résume d’une question : qui doit conduire la rupture écologique et sociale ? Jusqu’à quel point cette rupture ? Qui donne les meilleures garanties de constance sur le sujet ? Ce n’est pas une question limitée aux aspects de « communication », de slogan, de positionnement. Et encore moins à la liste des sigles des partis qui « présentent une candidature ». La question est dans la société.
Jusqu’à quel point la société est-elle prête à rompre avec l’état des choses du présent ? Pour le savoir, il faut le lui demander. C’est à cela que servira l’élection présidentielle. Cette élection désormais ne se confond avec aucune autre. Elle est vécue et pensée par tout un chacun pour ce qu’elle est : celle où se joue le sort global du pays et de toutes les institutions qui le constituent. La nature de la monarchie présidentielle est désormais bien comprise. Elle a généré une culture politique particulière après 60 ans de vie politique sous ce régime. Le problème posé est donc de savoir si on accepte d’assumer tous les risques de la proposition de rupture comme le fait le programme « L’Avenir en commun ». Ou bien si on décide de remettre le pilotage de la rupture à des « centristes » censés attirer mieux le consommateur de politique à mi-chemin de toute destination.
« Centriste » ici désigne non pas le succédané habituel de la droite mais ceux qui professent une position à mi-chemin des exigences de la cause et de leurs intérêts électoraux d’organisation. Quand Jadot répond à la question « vous diriez vous un opposant ? » et qu’il répond « non jamais », je crois qu’il incarne bien ce que je désigne comme « centriste ». Cela n’enlève rien au mérite et à l’utilité de Jadot et de son parti. Mérite ? Celui de la franchise et du refus de maquiller son point de vue. Utilité ? Aider au fractionnement de l’électorat passé du PS vers la macronie que les violences liberticides du macronisme révulse.
Le contexte municipal se présente comme une percée d’EELV. Même si souvent ceux-ci conduisent des liste de coalition ample dans lesquelles sont souvent des Insoumis. Ce résultat sera une aide signalée en vue de ce dépeçage de la macronie par le milieu de son ventre mou. Au final, tout cela aide à l’achèvement du démembrement du champ politique traditionnel. Mais cela n’enlève rien à la nécessité d’assumer l’alternative jusqu’au bout et de s’en donner les moyens. Entre ce que représente EELV et ce que nous représentons, la différence n’est pas l’écologie mais le contenu de nos politiques écologiques respectives quand il faut affronter la responsabilité du capital dans le modèle économique productiviste. La différence a davantage une couleur de classe qu’une tournure strictement idéologique.
En apparence, il y a donc émulation davantage que concurrence. Sachons en profiter. Nous avons un intérêt commun a construire une tenaille électorale pour affronter la macronie et la droite. Chacun y a donc sa part de travail à accomplir. À la fin, disons qu’il y a une certaine fatalité à la convergence. La municipale a Lyon, Marseille, Toulouse, Tours et bien d’autre en témoigne. Mais dans quel sens ? Avec quelle dominante : la rupture de modèle ou pas ? Classe moyenne supérieure des centres villes et secteurs populaires ne répondent pas toujours de même à cette question. La violence de la récession de l’économie et de la crise sociale devrait encore modifier les perceptions dans ces catégories sociales. Le tableau devrait donc progressivement s’éclaircir sur ce point. À première vue, la statégie de Jadot nous intéresse parce qu’elle est efficace pour aspirer des secteurs qui sans cela resteraient dans le giron macroniste. Ce n’est pas la première fois que je l’écris ici. Mais une victoire de la gauche à l’intérieur de ce parti, moins efficace électoralement, pourrait aussi jeter les bases d’une ample recomposition des forces politiques. La réalité va sans doute se faire un chemin intermédiaire. La fusion de Génération·s avec EELV devrait aider à un coup de barre vers une candidature EELV plus compatible avec une gauche plus traditionnelle. Cela nous convient évidemment. On ne saisit pas une barre chauffée au rouge à main nue. Quoiqu’il en soit à chaque jour suffit sa peine.
EELV ne cache pas sa candidature au leadership. D’ailleurs, à chaque élection nous sommes mis au pied du mur : ou bien EELV a la tête de liste ou bien il n’y a pas d’union. Cette attitude, cent fois plus dominatrice et arrogante que nous l’avons jamais été, est cependant bien perçue de la classe médiatique de centre gauche qui nous avait pourtant beaucoup caricaturé à ce sujet. Cela exprime davantage qu’un préjugé d’hostilité politique évident. Il s’agit plutôt d’une tendance lourde de ces milieux sociaux. La part de peur qui entre dans leur volonté de domination sur le reste des la société s’est tellement vue dans leur aversion pour les gilets jaunes ! Mais de notre côté ? L’alternative populaire que nous portons peut-elle dominer la scène et porter le leadership pour la période en cours ? Cela dépend de notre capacité à unir notre propre famille culturelle, électorale et politique. Le programme « L’Avenir en commun » incarne une synthèse fédératrice. Sinon, après le PS, EELV dominera les coalitions du futur. Jusqu’au suivant fracas. Mais l’histoire même du dérèglement climatique ne nous laisse pas trop de délais pour les expérimentations.
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