La voiture électrique : vraiment écologique ?

jeudi 16 juin 2022.
 

Voiture électrique ? Il faut être au courant !

Dans le cadre de notre série sur les énergies et véhicules alternatifs, nous abordons ici le bilan énergétique et l’empreinte carbone de la voiture électrique.

On peut se reporter aussi à notre article : « Les véhicules à hydrogène sont-ils vraiment écologiques ? » http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Sur un tel sujet qui n’est évidemment pas neutre politiquement et économiquement, il nous a paru nécessaire de croiser des sources d’information.

Document 1 : une petite vidéo introductive.

http://www.fondation-nature-homme.o...

Document 2 La voiture électrique, vraiment propre ?

https://news.autojournal.fr/news/15...

Source : Auto journal.

Par Brice Perrin. Le 05 avril 2019

Elle ne produit ni gaz à effet de serre ni polluants. Pour autant elle n’est pas écologique... mais elle demeure l’automobile la plus vertueuse. Voici pourquoi.

En France en 2018, d’après RTE (Réseau de transport d’électricité), chaque kWh d’électricité produit générait environ 61 g de CO2. Pour un SUV Kia e-Niro qui consomme en moyenne, d’après nos mesures, 17 kWh/100 km, cela représente donc des émissions de CO2 équivalentes à 10,4 g/km - sans compter les pertes liées au transport et à la recharge/décharge, qui peuvent augmenter de 30% l’énergie consommée, et donc le CO2. Et cela n’entraîne aucune pollution à l’échelle locale ; même s’il ne faut pas occulter la pollution liée à la production d’électricité, qu’il s’agisse des déchets nucléaires ou des centrales thermiques (charbon, fioul...).

De son côté, un SUV Peugeot 3008 BlueHDi 180 consomme officiellement (mesures normalisées) 4,8 l/100 km et rejette 129 g/km. Et nos mesures sur cycle mixte donnent 6,8 l/100 km, soit environ 180 g/km. Sans tenir compte des émissions liées à l’extraction, au raffinage et au transport de son carburant, le 3008 émet déjà en moyenne 17 fois plus de CO2 qu’un e-Niro ! Et même si l’on tient compte de l’ensemble des paramètres, l’électrique est plus vertueuse : comme l’a révélé une étude de l’organisation Transport & Environment, réalisée avec l’université de Bruxelles*, une voiture électrique émet cinq fois moins de CO2 qu’un petit modèle diesel, en tenant compte de la fabrication et du cycle de vie des véhicules.

(* Life Cycle Analysis of the Climate Impact of Electric Vehicles, Dr Maarten Messagie/Transport & Environment)

Batterie : un impact lourd sur l’Homme et la nature

La voiture électrique n’utilise pas de carburant d’origine fossile, mais elle tire son énergie d’une lourde batterie. Comptez 305 kg pour celle de la Renault Zoe ZE40 (41 kWh), et plus de 620 kg pour le plus gros dispositif de 100 kWh des Tesla Model S et X. La batterie d’une voiture électrique contient quelques kilos de lithium, mais aussi du cobalt et/ou du manganèse, entre autres. Tous trois sont des métaux. Plus des deux tiers des ressources en lithium sont issus des salars d’Amérique du Sud, principalement de Bolivie, du Chili et d’Argentine.

Son extraction et son traitement entraînent une pollution des sols, un assèchement des rivières, et accroissent intoxications et maladies graves pour les populations locales. Quant au cobalt, plus de la moitié de la production mondiale est issue de mines congolaises aux conditions de sécurité rudimentaires et qui exploitent souvent des enfants. Toutefois, les progrès laissent entrevoir des alternatives à ces matériaux, et les quantités nécessaires baissent progressivement. Et, concernant la voiture à moteur thermique, il ne faut pas non plus éluder les graves conséquences humaines et environnementales de l’extraction d’hydrocarbures.

Assemblage : peut mieux faire

La majorité des voitures électriques utilisent un moteur synchrone à aimants permanents. Ces aimants requièrent des terres rares, des métaux qui sont très majoritairement extraits et traités en Chine, et ce processus entraîne d’importants rejets toxiques. La solution est donc de réduire fortement la dépendance à ces terres rares - Toyota, par exemple, a conçu un aimant avec moitié moins de néodyme -, voire de s’en passer totalement : c’est ce que fait Renault, qui utilise un moteur à rotor bobiné, ou Tesla qui emploie des blocs à induction (sauf pour le moteur arrière de la Model 3). Par ailleurs, si un véhicule électrique est peu gourmand en énergie à l’usage, ce n’est pas le cas pour sa fabrication.

En conséquence, comme le rappelait l’Ademe dans une étude * : "Sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d ’un véhicule électrique est globalement proche de celle d ’un véhicule diesel. " La réalisation de la batterie requiert même davantage d’énergie que celle de tous les autres composants du véhicule réunis. Il faut ainsi deux fois plus d’énergie pour produire (matière première, transport des pièces, assemblage) une auto électrique qu’une voiture thermique.

(* Les potentiels du véhicule électrique, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, 2016.)

Pièces et entretien : le thermique humilié

Le moteur d’une voiture électrique compte peu de pièces et peut, en théorie, parcourir plus d’un million de kilomètres sans nécessiter de gros entretien. Ce n’est pas le cas d’un moteur thermique, qui comporte de nombreuses pièces à remplacer régulièrement (pièces moteur, embrayage et transmission, système de dépollution), et une huile moteur à renouveler périodiquement (4 litres en moyenne).

Grâce à la récupération d’énergie au freinage, un véhicule électrique peut parcourir plus de 150 000 km avec ses plaquettes de frein (qui sont source de particules), quand il faudra parfois les changer tous les 30 000 km sur une voiture thermique qui roule beaucoup en ville. À l’usage, et même sans tenir compte de l’énergie utilisée et des émissions du moteur, un modèle électrique a donc un plus faible impact sur l’environnement qu’un véhicule thermique. Et, bonus pour ses usagers, la voiture électrique coûte ainsi moins cher en entretien !

Rendement : un moteur au top, mais...

Le rendement d’un moteur thermique ne dépasse pas 45%. Seule une faible proportion de l’énergie du carburant est donc transformée en action mécanique. Un litre de carburant contient de 10 kWh (pour l’essence) à 11 kWh (pour le gazole) d’énergie. Une citadine diesel très frugale, qui ne consomme que 4 l/100 km réclame ainsi près de 45 kWh pour parcourir 100 km. À l’inverse, le moteur électrique affiche un rendement la plupart du temps supérieur à 90%.

Les Tesla Model S et X (les modèles les plus gourmands du marché) demandent en moyenne 25 kWh pour 100 km. C’est deux fois plus qu’une Zoe menée avec douceur, mais cela équivaut à une consommation inférieure à 2,5 l/100 km ! Le problème, c’est que la densité énergétique d’une batterie est bien inférieure à celle du carburant : là où une batterie de 100 kWh pèse actuellement plus de 600 kg, il suffit d’un réservoir de 9 litres pour stocker la même quantité d’énergie avec du gazole... Enfin, au-delà de la consommation, il faut rappeler que si une voiture électrique occupe autant d’espace qu’une voiture à moteur thermique - elle n’est donc pas une solution aux bouchons -, son mode de propulsion permet de réduire fortement le bruit automobile en ville et sur route.

Recyclage et réemploi : une filière qui tarde à se mettre en place

Pour les véhicules en fin de vie (environ 1,5 million chaque année), la loi impose un taux de 95 % de recyclage - qui inclut également la réutilisation et la valorisation. Concernant les modèles électriques, c’est surtout le retraitement de la batterie qui est critiqué. En effet, jusqu’à récemment, le lithium était peu recyclé en raison d’une forte disponibilité, d’un coût d’extraction peu élevé et d’un faible taux de collecte. Mais les tensions sur les approvisionnements et le parc grandissant de véhicules électriques (VE) en bout de course pourraient changer la donne. Depuis le début de la décennie, la filière française du recyclage se met doucement en place.

Elle démonte les VE obsolètes (encore peu nombreux), et collecte et recycle désormais presque entièrement les batteries hors d’usage : le lithium, mais aussi le cobalt, l’aluminium, le cuivre... Ce processus reste compliqué, coûteux et gourmand en énergie, mais si la batterie n’est pas endommagée, il est également possible de lui donner une deuxième vie, cette fois pour un usage stationnaire. Renault, Nissan ou encore Tesla les utilisent ainsi pour stocker l’électricité issue des énergies renouvelables, alimenter les bornes de recharge rapide, etc. Un problème subsiste toutefois à ce jour : l’absence de réel marché de seconde main pour les pièces et batteries de voitures électriques...

L’avis de L’Auto Journal

Une voiture électrique n’est pas "propre" : elle nécessite beaucoup de matières premières et d’énergie pour sa fabrication et son fonctionnement. Elle doit progresser sur les conséquences pour l’homme et l’environnement des ressources exploitées pour sa fabrication et son alimentation en énergie. Mais son moteur n’émet ni NOx ni particules, elle limite fortement le bruit en zone urbaine et, comme le rappelle l’organisation Transport & Environment : "La performance environnementale des véhicules électriques est d’ores et déjà meilleure que celle des véhicules à carburant conventionnel. L’analyse du cycle de vie montre que même lorsqu’ils sont alimentés par l’électricité à plus forte intensité de gaz à effet de serre d’Europe, l’empreinte carbone des véhicules électriques est plus faible". Les modèles électriques sont donc globalement plus vertueux que les véhicules thermiques.

Quelles alternatives au 100% électrique ?

D’un côté la voiture thermique, de l’autre l’auto électrique ? Le marché et la technologie ne sont pas si binaires : il existe des solutions intermédiaires et des alternatives. D’abord, les moteurs traditionnels sont progressivement électrifiés, le plus souvent grâce à une architecture hybride 48 V, qui permet d’abaisser consommation et émissions polluantes pour un coût raisonnable. Plus chères et plus lourdes, les hybrides rechargeables combinent la possibilité de rouler en 100 % électrique (quelques dizaines de kilomètres) et de faire de longs parcours grâce au moteur thermique. Enfin, il existe des carburants alternatifs moins polluants (GNV, GPL, E85), et la pile à combustible reste une technologie prometteuse, même si ses perspectives pour un usage automobile semblent à ce jour restreintes

Document 3 Non, la voiture électrique n’est pas écologique

Durée de lecture : 13 minutes

Source : Reportrre. 1er septembre 2020 par Célia Izoard

https://reporterre.net/Non-la-voitu...

[VOLET 1/3] Promue sans la moindre réserve par la classe dirigeante, l’auto électrique serait le véhicule « propre ». Or, comme le montre Reporterre dans une grande enquête, de la production des batteries à leur durée de vie, en passant par le renouvellement du parc , le poids des véhicules et leur usage, le caractère écolo de l’auto électrique n’a absolument rien d’évident. Premier volet : qu’en est-il des émissions de gaz à effet de serre ?

• Cet article est le premier d’une enquête en trois volets que nous consacrons à la voiture électrique.

C’est simple. Pour arrêter de polluer, il suffit de changer de voiture. Voici en substance le message que le gouvernement nous a adressé en mai dernier lors du lancement du plan de soutien aux « véhicules propres » assorti d’une enveloppe de huit milliards d’euros. Objectif : soutenir l’industrie automobile du pays et « inciter tous les Français, même les plus modestes, à se doter d’un véhicule propre, moins polluant et moins émetteur de gaz à effet de serre », avec des aides à l’achat d’un véhicule électrique avoisinant les 10.000 euros.

Les véhicules électriques émettent-ils réellement moins de CO2 que les voitures thermiques ? Depuis plus de dix ans, des équipes de recherche du monde entier en débattent à coups d’analyses de cycle de vie, ces études qui quantifient les conséquences sur l’environnement d’un objet depuis l’extraction des métaux nécessaires à sa fabrication, jusqu’à sa mise au rebut. Entre 2010 et 2019, au moins 85 études de ce type ont été réalisées sur les véhicules électriques par des instituts de recherche divers [1] !

Un point fait consensus : produire un véhicule électrique demande beaucoup plus d’énergie, et émet deux fois plus de gaz à effet de serre que de produire un véhicule thermique, du fait de la production de sa batterie et de sa motorisation [2]. Le travail de ces analyses de cycle de vie consiste donc à quantifier ces émissions « grises » et à calculer à partir de combien de kilomètres parcourus cette production polluante rend le véhicule électrique avantageux par rapport à son homologue essence ou diesel. Un des paramètres cruciaux de la question est évidemment l’origine de l’énergie qui a servi à produire le véhicule, et ensuite celle de l’électricité qui le fait rouler : nucléaire, charbon, diesel, énergies renouvelables ? Un autre paramètre est la taille de la batterie, qui peut varier de 700 kg dans une Audi e-Tron à 305 kg dans une Renault Zoe. Tout dépend aussi de la durée de vie de la batterie, car s’il faut la remplacer, les émissions liées à sa production peuvent être doublées pour un même véhicule, avec un bilan CO2 totalement plombé. Chez PSA et Renault, les batteries sont garanties 8 ans pour 160.000 km parcourus (sachant qu’elles perdent aussi leur puissance si on ne s’en sert pas). Quant à Tesla, l’entreprise explique dans son "Rapport de conséquences environnementales" que ses batteries pourront un jour parcourir « un million de miles » [3], ce qui sera un argument de poids… quand ce sera vrai.

Une compensation pour un usage plus long que la durée de vie de la batterie

Les experts du cabinet de conseil écolo Carbon 4 défendent le véhicule électrique, considérant qu’une électrique de petite taille est moins émettrice de CO2 à partir de 30.000 ou 40.000 kilomètres parcourus — ayant dès lors « compensé » sa fabrication. Ils s’appuient notamment sur l’Institut suédois de recherche environnementale (IVL) dont la dernière étude, en 2019, confirme l’avantage des petites voitures électriques en termes d’émissions de CO2 [4] [5]. Ses auteurs précisent toutefois que leurs résultats sont fondés sur l’hypothèse d’« une production de batteries n’utilisant aucune électricité d’origine fossile, ce qui n’est pas encore la norme, mais pourrait le devenir dans un futur proche. » Un pari optimiste, puisque, en attendant la concrétisation de l’« l’Airbus des batteries » lancé au niveau européen, l’immense majorité d’entre elles sont produites en Asie dans des usines tournant au charbon, charbon qui reste la principale source de l’électricité actuellement consommée dans le monde (38 %). Par ailleurs, l’étude suédoise mentionne bien qu’elle ne s’intéresse qu’à la production de la batterie, et non aux émissions induites par son recyclage. Des modèles du constructeur Tesla.

Parmi les autres travaux, une récente étude allemande analyse le cycle de vie d’une Caddy Volkswagen électrifiée en laboratoire, et le compare méthodiquement aux émissions induites par le même modèle à essence [6]. Conclusion : la Volkswagen électrique émet moins d’équivalent CO2 qu’une thermique, mais pas si sa batterie est produite en Chine (avec du charbon). Si elle est produite en Europe, elle ne rivalise avec la voiture à essence qu’à partir de 137.000 à 207.000 km — en espérant qu’elle dure jusque-là sans qu’il faille renouveler la batterie ! Les résultats sont plus encourageants si elle est principalement produite et alimentée avec de l’électricité d’origine renouvelable ; et plus encore si l’on prend en compte les économies d’énergie réalisées en réutilisant ensuite la batterie après sa fin de « vie automobile » (elle n’a perdu que 70 % de sa capacité) pour stocker de l’électricité en stationnaire, par exemple au bas d’un immeuble. En revanche, sa production est nettement plus polluante : intoxication et eutrophisation des réserves d’eau douce, artificialisation et perte de biodiversité, toxicité pour les humains, pollution radioactive, occupation des terres agricoles… Ces chercheurs constatent que « l’omission des conséquences liées à la production de l’électronique est quasi-systématique » dans la plupart des études publiées à ce jour et que très peu d’entre elles prennent en compte les autres formes de pollution, en dehors des émissions de gaz à effet de serre.

Générer d’autres pollutions, ailleurs

Un rapport de 2018 de l’Agence européenne pour l’environnement dresse le même constat : les émissions de NOx, SO2 et particules de la production des véhicules électriques sont 1,5 à 2 fois supérieures à celles des véhicules thermiques. Les conséquences en matière de pollution des sols et des eaux sont doublées, voire triplées [7], principalement par l’extraction et l’affinage des métaux et la production électronique. Un constat d’autant plus préoccupant que ces bilans n’offrent guère que des estimations, en partie fondées sur les chiffres avancés par les industriels — les compagnies minières, par exemple, pas vraiment réputées pour leur transparence. « Comment ces analyses de cycle de vie arrivent-elles à quantifier les pollutions minières ? s’étonne Aurore Stéphant, de Systext, association née au sein de la fédération Ingénieurs sans frontières qui regroupe des spécialistes des conséquences de l’activité minière. Sur de nombreux sites aux quatre coins du monde, nous constatons que les dommages environnementaux ne sont même pas quantifiés — les études d’impact n’existent pas —, et que les populations locales se battent sans succès pour que la pollution des sols et des cours d’eau soit prise en compte. Personne n’est aujourd’hui en mesure de calculer le bilan carbone des filières des soixante-dix matières premières minérales contenues dans une voiture. »

Tout se passe donc comme si le pacte implicite de la voiture électrique était le suivant : pour espérer une réduction des émissions de CO2, qui repose elle-même sur une série d’hypothèses fragiles — petites voitures, allongement de la durée de vie des batteries, généralisation des énergies renouvelables —, ainsi qu’une réduction de la pollution et du bruit dans les villes, il faut générer d’autres pollutions, ailleurs. Pour Alma Dufour, des Amis de la Terre, cela pose un sérieux problème de justice sociale : « La question de l’accès à l’eau dans les régions du monde qui subissent de plein fouet le changement climatique est aussi importante que les émissions de CO2. »

« On part avec un handicap à cause de l’impact de production. Donc, il faut compenser par un usage intelligent »

Le « véhicule propre » vanté par le plan gouvernemental est donc nettement un abus de langage (sauf à renvoyer à l’idée de propriété, au sens de « mon propre véhicule »). Quant aux émissions de CO2, la capacité des véhicules électriques à les réduire n’a rien d’évident, et s’avère même contre-productif dès lors que la voiture électrique est envisagée comme un simple substitut de la voiture thermique. « On part avec un handicap à cause de l’impact de production, explique Maxime Pasquier, de l’Ademe (Agence de la maîtrise de l’énergie). Donc, il faut compenser par un usage intelligent. » Un usage intensif, d’abord : il faut qu’un véhicule électrique parcoure beaucoup de kilomètres pour compenser sa production, c’est le cas des utilitaires en ville. Un usage ciblé : le véhicule électrique n’est économe que s’il emporte une petite batterie, donc les gros modèles permettant de partir en vacances, avec 500 km d’autonomie, ne sont pas viables écologiquement. « Par rapport à l’idée que la voiture électrique va nous sauver, dit Maxime Pasquier, l’Ademe rappelle que ça reste un véhicule. Pour limiter la pollution et le changement climatique, le premier levier est la sobriété : limiter les déplacements, raccourcir les chaines logistiques. Ensuite : utiliser les transports en commun, faire du vélo, partager les véhicules. Et seulement en dernier ressort, agir sur l’efficacité technique des véhicules. » Un constat partagé par Stéphane Amant, chez Carbon 4 : « Les tanks électriques qui pèsent deux tonnes n’ont rien à voir avec l’écologie. La mobilité électrique ne peut pas remplacer la mobilité thermique avec les mêmes usages. On ne pourra pas y arriver sans sobriété. »

Bon. Imaginons que vous n’ayez pas encore lu Reporterre et qu’illuminé(e) par le discours d’Emmanuel Macron à l’usine Valeo, vous décidiez de vous renseigner sur les aides gouvernementales à la mobilité propre. Vous vous rendez sur le site du ministère de la Transition écologique. Sur la page Prime à la conversion, bonus écologique : toutes les aides en faveur de la mobilité propre, dans la colonne de gauche, vous découvrez l’onglet « Et si vous rouliez en électrique ? ». Là, vous apprenez que le véhicule électrique n’est rien moins qu’« un outil au service de l’environnement ». Parfait ! Et en plus, vous n’aurez rien à changer, car « une voiture électrique convient probablement à vos besoins ». Il suffit de renseigner sur un moteur de recherche vos habitudes quotidiennes et vos goûts pour vous voir conseiller une panoplie de voitures rutilantes : des modèles SUV de toutes marques, des Tesla Model S de 2,2 tonnes emportant 540 kg de batterie. Ô mais... vous n’êtes plus sur le site gouvernemental, mais sur la page « jerouleenelectrique.com », animée par l’Avere (Association nationale pour le développement de la mobilité électrique). Sauf qu’il est difficile de le savoir au premier abord : c’est le ministère de la Transition écologique qui vous y envoie, et son logo, de taille respectable, s’affiche encore en haut à droite. On est pourtant passé directement de la « mobilité propre » aux intérêts économiques des empires automobiles français. Sans… transition, pourrait-on dire, puisque l’internaute est tout simplement invité à acheter le modèle électrique « qui lui convient », sans réflexion sur ses usages et avec un bilan écologique potentiellement catastrophique.

Du point de vue de l’écologie, le passage à l’électromobilité est un pari pour le moins fragile

La voiture électrique soulève encore d’autres questions. On peut se demander quelles sont les conséquences écologiques du renouvellement accéléré du parc automobile induit par les « primes à la conversion ». Si les voitures à essence partent prématurément à la casse avant que leur production n’ait réellement été amortie, à quel point le passage à l’électrique est-il justifié ? Peu d’études le renseignent. Et si ces mêmes voitures thermiques quittent le marché français pour atterrir, par exemple, dans les pays du Maghreb, ne risque-t-on pas, au lieu de bénéficier de leur substitution, d’additionner au niveau mondial les coûts écologiques de l’électrique et du thermique ? Un afflux vers les pays pauvres de véhicules polluants d’occasion peu chers, associé à la baisse du baril de pétrole, ne risque-t-il pas d’inciter à la consommation de voitures personnelles dans des régions où elles ne sont pas encore systématiques ? Dans les pays riches, au niveau des usages, le déploiement de véhicules électriques commence déjà à se traduire par un effet rebond — c’est-à-dire un effet involontaire de surconsommation induit par l’efficacité accrue de l’objet. L’Agence européenne pour l’environnement constate, en Suède et en Norvège, que les possesseurs de véhicules électriques ont tendance à remplacer certains de leurs trajets à pied ou en transport en commun par leur nouvelle acquisition. Pourquoi ? Parce que « le coût de fonctionnement d’un véhicule électrique est largement inférieur à celui d’un véhicule thermique » ; parce qu’étant donné le prix d’achat supérieur des électriques, « leurs possesseurs peuvent être tentés de davantage les utiliser pour amortir cet investissement » ; et enfin, en raison des « incitations des collectivités locales à la voiture électrique » (parking gratuit, exemptions de péages, etc.) [8].

Du point de vue de l’écologie, le passage à l’électromobilité s’apparente donc à un pari pour le moins fragile. En France, ce n’est rien moins qu’un pari à 8 milliards d’euros de fonds publics qui nécessite d’espérer que les usagers n’achèteront ni berline ni SUV, utiliseront les transports en commun pour partir en vacances, feront du covoiturage, ne rechargeront pas leurs véhicules en mode rapide parce qu’ils sont pressés (ce qui fait décroître la longévité de la batterie), ni tous en même temps aux heures de pointe (auquel cas, ils sont alimentés par des centrales électriques diesel), ne remplaceront pas leurs trajets en vélo par une balade en Zoe — et de prier pour qu’on arrive à gérer les fuites et les déchets qui sortent des centrales nucléaires, ou qu’on les démonte rapidement. Et, bien entendu, de prier pour que les batteries et les métaux que contiennent les autos électriques soient bel et bien recyclés, sans quoi les ravages des activités minières sont voués à s’intensifier — et les véhicules électriques serviront autant à délocaliser les pollutions qu’à déplacer les personnes.

• Retrouvez le deuxième volet de notre enquête « La voiture électrique cause une énorme pollution minière ».

Notes

[1] « Sensitivity Analysis in the Life-Cycle Assessment of Electric vs. Combustion Engine Cars under Approximate Real-World Conditions », Eckard Helmers, Johannes Dietz and Martin Weiss, Sustainability, février 2020, p. 2.

[2] Interview de Guillaume Devauchelle, directeur de l’innovation de Valeo, Challenge, 17/03/2020.

[3] Tesla Impact Report 2019.

[4] « Lithium-Ion Vehicle Battery Production », IVL, 2019, p. 5.

[5] La précédente version de cet article citait une étude IVL de 2017 en lui associant comme « retour sur investissement carbone » pour certains véhicules électriques le chiffre de 250.000 km, ce qui avait été déduit par certains commentateurs et s’avère erroné.

[6] « Sensitivity Analysis in the Life-Cycle Assessment of Electric vs. Combustion Engine Cars under Approximate Real-World Conditions », Eckard Helmers, Johannes Dietz and Martin Weiss, Sustainability, février 2020.

[7] Voir notamment les diagrammes pages 26, 58 et 60 du rapport de l’Agence européenne pour l’environnement.

[8] « Electric vehicles from life cycle and circular economy perspectives », rapport de l’AEE, 2018, p. 43. ** Document 4 : la voiture électrique cause une énorme pollution minière.. 02/09/2000

Source : Reporterre

https://reporterre.net/La-voiture-e...

**

Document 5 : Derrière la voiture électrique, l’empire des Gafam. 03/09/2000

Source : Reporterre Durée de lecture : 9 minutes https://reporterre.net/Derriere-la-...

Très bonne réflexion sur les conséquences de la production et de l’utilisation des voitures autonomes impliquant l’usage de l’intelligence artificielle. Un bilan énergétique phénoménal.

[rappelons que le magazine Reporterre est totalement indépendant il n’est sponsorisé par aucune entreprise privée.]

Hervé Debonrivage


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