Paquet « pouvoir d’achat » : des miettes mais surtout, surtout, pas d’augmentation des salaires

mercredi 20 juillet 2022.
 

Le pouvoir d’achat est LA priorité absolue des Français. 40% des Français ne partiront pas en vacances cet été. Les prix de l’essence et des produits vitaux explosent, l’inflation bat des records historiques et devrait atteindre 7% en décembre. L’ensemble des syndicats du pays demandent une augmentation des salaires face à l’urgence. La réponse du gouvernement ? Des miettes, des chèques et des mesurettes dans son « paquet pouvoir d’achat » examiné à partir d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Pire, le gouvernement choisit de faire payer l’inflation aux travailleurs au profit des rentiers. Toujours plus pour le capital, toujours moins pour le travail. Travailler plus pour gagner moins. Un choix explosif. Notre article.

Pouvoir d’achat : 55 euros le 10 du mois, ce qu’il reste en moyenne aux 38 millions de Français gagnant moins de 2000 euros par mois

55 euros le 10 du mois : c’est ce qu’il reste en moyenne aux 38 millions de Français gagnant moins de 2000 euros par mois, pour survivre. Avec ça, près d’1 Français sur 2 ne pourra pas partir en vacances cet été. L’horizon est sombre, les bouffées d’oxygènes faméliques. À l’explosion des prix des produits de première nécessité, s’ajoutent l’augmentation des prix de l’essence et du gasoil « et en même temps » des prix du train, malgré le gros mensonge du patron de la SNCF. Très compliqué donc de pouvoir aller s’évader quelques jours cet été en pleine canicule, après 2 ans de restriction des libertés.

+44% sur les pâtes premier prix, +23,5% sur le riz, +10,93% sur la farine, +13,4% sur le lait, +7% sur les œufs, +15,31% sur les pâtes, +14% sur les steaks hachés, +11,34 % sur les viandes surgelées, +8,84% sur les légumes en conserve, +17,97% sur les huiles, +39,2% sur le café arabica, et ainsi de suite. Les prix s’envolent, les profits explosent, les salaires eux, ne suivent pas. Élisabeth Borne avait promis qu’elle serait la Première ministre du « compromis ». Que nenni. Tous les syndicats du pays réclament l’augmentation des salaires face à l’urgence, le mot est banni du texte qui arrive ce lundi à l’Assemblée nationale.

Paquet « pouvoir d’achat » : le double discours du gouvernement

« Un double discours : un souci affiché face à l’urgence sociale dans la communication gouvernementale, en coulisses vous organisez sciemment la diminution du pouvoir d’achat. Ce projet de loi est une arnaque, et vous le savez très bien ». Le ton est assuré, les coups sont lâchés. Ceci est pourtant le premier discours au perchoir de Clémence Guetté. Mais l’ancienne secrétaire générale du groupe LFI lors de la précédente mandature et responsable du programme des insoumis qui a rassemblé 22% à la présidentielle, est désormais bien rodée aux textes de lois macronistes.

Et ce « paquet pouvoir d’achat », arrivé ce lundi à l’Assemblée nationale, est une immense arnaque. Il pourrait tristement se résumer ainsi : des miettes malgré une inflation historique. L’équation est simple : l’inflation devrait continuer à exploser pour atteindre 7 à 8% en décembre. Combien de points de pouvoir d’achats vont perdre les salariés ? 3, 4, 5% ? Le gouvernement promet des primes pour les entreprises qui le voudront bien, des miettes payées par… le contribuable.

Un mot est terriblement absent du projet de loi : salaire. Malgré un chapitre intitulé « valorisation du travail et partage de la valeur », l’augmentation des salaires, les dividendes et les profits records des profiteurs de crise ne sont pas mentionnés. Cocasse dans un projet de loi censé répondre à l’urgence sociale. La question du partage de la valeur ajoutée n’est en effet jamais posée. Malheureusement, tristement, rageusement, prévisible. Depuis 40 ans, le transfert de la richesse produite se fait toujours dans le même sens : du travail vers le capital. Et ce projet de loi va accentuer le processus, notamment sur la question cruciale des loyers, premier poste de dépenses des Français.

Loyers : le gouvernement choisit de faire payer l’inflation aux locataires (travailleurs) au profit des propriétaires (rentiers)

La hausse des loyers de 3,5 % va en effet avoir une conséquence concrète. Comme toujours, il s’agit ici de gratter le vernis de la communication gouvernementale : cette hausse revient à faire porter aux locataires, en immense majorité salariés, la charge de l’inflation. Au profit des propriétaires. On parle donc, à travers ce paquet pouvoir d’achat censé améliorer la vie des Français, d’un transfert du coût de l’inflation, du travail vers la rente. Un choix politique. Celui d’Emmanuel Macron.

Problème, le gouvernement contredit son propre discours. Emmanuel Macron a en effet martelé, lors des campagnes présidentielle puis législatives : « le travail paie ». Son nouveau projeeeet ? Défendre « la valeur travail ». Une prétendue priorité gouvernementale, rappelée lors du discours présidentiel du 14 juillet. Vous n’y croyez pas ? Vous avez bien raison.

Emmanuel Macron a une nouvelle fois choisi son camp : le capital contre le travail. En plein tourbillon du scandale Uber Files, révélant aux yeux du monde entier son deal secret au profit d’Uber, son lobbying en faveur du grand capital contre l’avis du gouvernement de l’époque et de la justice de son pays, Macron récidive avec le « paquet pouvoir d’achat ». Ce dernier arbitre en faveur de la rentre, contre le travail. L’explosion du coût de la vie va être supportée par les locataires, pas les propriétaires. Par les travailleurs, pas les rentiers.

Injuste ? Terriblement. Une fois n’est pas coutume, avec ce texte de loi, la maxime du capitalisme va encore s’aggraver : les riches toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvre. En France, seuls 4% des ménages disposant d’un seul bien immobilier le mettent en location. À l’autre bout de la chaîne, la moitié du parc locatif privé appartient à des foyers possédant plus de cinq biens – soit 3,5 % des ménages français. Vous avez bien lu : 3,5% d’ultra riches possèdent la moitié des logements du pays. Mais le gouvernement ne choisit pas d’exiger que cette poignée de propriétaires séparatistes participe à l’effort face à l’inflation historique. Non, il va demander l’effort, une fois n’est pas coutume, aux travailleurs.

« Ceux qui ne sont rien » auront des miettes

Parlons-en justement, des travailleuses et des travailleurs. Leur ancienne ministre est désormais à Matignon. Et comme son chef, elle leur a fait des promesses. « Le travail, c’est la création de richesses ». Marxiste, Élisabeth Borne ? « Le travail, c’est la clé de l’émancipation ». À deux doigts de parler d’exploitation et de travail aliéné ? Rassurez-vous. Mais quand même. Un auditeur naïf de son discours de politique générale y aurait cru. La priorité du gouvernement, le pouvoir d’achat des travailleuses et travailleurs ?

« Les travailleurs de la deuxième ligne, ont assuré la continuité de notre économie ». Un petit air de déjà vu quand même. Vous vous souvenez de la grosse carotte d’Emmanuel Macron lors du premier confinement ? « Il faudra se rappeler que notre pays tout entier repose aujourd’hui sur ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». Une augmentation massive des salaires après le confinement ? On connait la suite.

Mais revenons à Élisabeth Borne. Quand elle était ministre du travail, un rapport parlementaire lui a été remis. Le rapport Erhel. Il s’intitule : « reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne ». 17 métiers y sont identifiés : « camionneurs, agents d’entretien, caissiers, manutentionnaires, caristes, salariés du bâtiment, aides à domicile, agents de sécurité, vendeurs de produits alimentaires, ouvriers de l’agro-alimentaire ». Les travailleurs de la deuxième ligne qu’évoque Élisabeth Borne. On parle de 4,6 millions de salariés.

Que dit le rapport remis à la ministre il y a déjà deux ans ? « Ces travailleurs (de la seconde ligne NDLR) sont deux fois plus souvent en contrat courts que l’ensemble des salariés du privé. Ils perçoivent des salaires inférieurs de 30% environ. Ils connaissent plus souvent le chômage. Ils ont peu d’opportunités de carrière. Ils ont des horaires de travail fragmentés, qui ne permettent pas une conciliation satisfaisante avec la vie familiale… Ils travaillent dans des conditions difficiles. Ils sont exposés plus fréquemment à des risques professionnels. Ils ont deux fois plus de risques d’accidents ».

Qu’a été fait pour les premiers de corvées, « ceux qui ne sont rien », les petits, ces travailleurs de la seconde ligne ? Rien. Par contre, une donnée nouvelle est venue fracasser leur quotidien : l’inflation historique de 5,2%, plus forte explosion des prix en France depuis 36 ans. Dans le texte « paquet pouvoir d’achat », pas une seule fois le mot augmentation des salaires. Circulez, il n’y a rien à voir ? Attendez, vous oubliez la revalorisation « historique » des fonctionnaires, selon Stanislas Guerini. Celle-ci est en réalité… inférieure à l’inflation. Un crachat historique envoyé à la figure de tous les fonctionnaires qui tiennent ce pays à force de burnout et de cœurs lessivés.

Les fonctionnaires obtiennent une revalorisation… inférieure à l’inflation

Le dégel du point d’indice des fonctionnaires a eu lieu ce 1er juillet 2022 : une augmentation de 3,5% alors que l’inflation devrait atteindre les 7% dès la rentrée. Et la communication gouvernementale ose parler d’une augmentation historique. Une nouvelle grossière arnaque de la macronie. Une provocation pour l’ensemble des agents publics. Un mépris affiché pour des professions marquées par une paupérisation sans précédent, où les départs et crises de vocations ne se comptent plus, notamment à l’Hôpital Public et dans l’Éducation nationale.

Le point d’indice était gelé depuis 2010 suite à la crise financière de 2008. Ces dernières années, il n’avait été revalorisé que deux fois : de 0,6 %, en 2016 et en 2017 lors des deux dernières années du quinquennat d’Hollande. Soit + 1,2 % en douze ans. Les fonctionnaires attendent ni plus ni moins qu’un rattrapage de leur salaire des douze dernières années. Les miettes annoncées mardi 28 juin par Stanislas Guerini, le ministre de Transformation et de la Fonction publiques, ne font que nourrir la colère des agents, qui voient leur pouvoir d’achat baisser drastiquement.

Des milliards sans contrepartie pour le capital, et « en même temps » des miettes pour le travail

Mais ce mépris pour toutes ces femmes et tous ces hommes qui font tourner le pays, n’est malheureusement pas nouveau. Depuis la première lueur d’Emmanuel Macron à la tête du pays, la couleur avait été affichée, cartes sur table. Suppression de Impôt sur la fortune (ISF) et « en même temps » baisse de l’aide personnalisée au logement (APL). Le plan de « relance » suite à la crise Covid-19 avait entérinée la couleur : le rouge sang. La couleur de la guerre sociale féroce qu’Emmanuel Macron impose au travail, au profit du capital.

Le schéma de sa politique de l’offre est tristement connu : des milliards déversés sans aucune contrepartie sociale sur les grands groupes, l’explosion des dividendes et des profits faramineux pour les profiteurs de crise, et « en même temps », des licenciements économiques malgré le gavage d’argent public. Le plan de « relance » avait ainsi distribué 100 milliards d’euros à des entreprises réalisant pour certaines les marges les plus importantes de l’histoire du pays. Combien pour le peuple ? 900 millions d’euros pour les plus fragiles, 0,9% du plan de « relance ». Résultat ? Le ruissellement a bien eu lieu, dans la poche des 500 familles. Elles ont doublé leur magot sous Macron, passant de 500 à 1 000 millards en 5 ans.

Et vous n’avez encore rien vu. Il se pourrait fort que les miettes envoyées à travers ce « paquet pouvoir d’achat », soient les dernières. Un vieux refrain réactionnaire commence à faire son retour : celui du chantage à la dette publique. Bruno Le Maire a ainsi évoqué la « cote d’alerte » atteinte, selon lui, par les finances du pays. Peu importe que la fameuse règle d’or de 3%, ait été bafouée à… 170 reprises au cours des 10 dernières années. La politique économique que prépare le gouvernement se résume en un mot : l’austérité. Sanglante. Combien de lits d’hôpitaux, de postes d’enseignants supprimés ? On ne le saura que trop vite.

En attendant, comme toujours, la priorité est donnée au capital sur le travail. Ce choix politique, dans un pays où 5 milliardaires détiennent autant que 27 millions de personnes, qui a connu dans un passé pas si lointain les mouvements des Gilets Jaunes et des retraites, plus longs mouvements sociaux en France depuis un demi siècle, semble extrêmement risqué.

La demande est déjà très faible, la consommation s’étant affaissée de 1,5 % au premier trimestre. La confiance des ménages est en chute libre, au même niveau qu’en décembre 2008, après le déclenchement de la crise des subprimes. Ce choix réactionnaire de soutenir l’offre plutôt que la demande, l’austérité plutôt que l’investissement massif dans la bifurcation écologique et dans nos services publics à bout de souffle, le capital plutôt que le travail, les petits plutôt que les gros, la caste plutôt que le peuple, alors même que l’inflation est historique, est un choix explosif.

Par Pierre Joigneaux


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