Echos des Amfis 2012. La France insoumise prépare la « bataille générale »

samedi 3 septembre 2022.
 

Lors de leurs universités d’été à Valence, les Insoumis, convaincus d’une situation explosive sous l’effet de l’inflation, anticipent une rentrée mouvementée. Jean-Luc Mélenchon en appelle à la mobilisation pour le « droit à la dignité ».

Sa venue était annoncée, en marge d’un débat, aux Amfis d’été du mouvement, près de Valence (Drôme). Son titre, faussement interrogatif : « Retour de l’inflation, retour de la lutte des classes ? ».

Après un tour de table d’un panel de syndicalistes, l’ancien candidat à la présidentielle intervient. Sa contribution, très attendue par les militantes et militants massés devant la scène en plein air, se transforme en conférence. L’homme aux 22 %, revenu d’une tournée en Amérique latine, annonce une rentrée mouvementée. Ce n’est pas la première fois. Mais le contexte de guerre en Ukraine, de crise climatique paroxystique et d’abstention massive aux élections de 2022 rend l’atmosphère plus électrique que jamais.

Le scrutin présidentiel n’a « rien résolu » à la colère qui couve dans la population et, avec une inflation qui pourrait « aller jusqu’à 10 % », l’issue inévitable est une explosion sociale, annonce-t-il en substance, en jouant volontiers les prophètes : « Par la force des choses, l’inflation est un accélérateur de la lutte de classes. À quel endroit ça va craquer ? »

Mélenchon « en retrait », « jamais en retraite »

Potentiellement du côté des femmes, qui, du fait de la répartition des tâches dans la société, « ont en charge la totalité de la vie de famille », avance-t-il : « Si elles se mettent en mouvement, tout est perdu pour le pouvoir. » Ou peut-être des jeunes, « frontalement agressés » par l’augmentation des prix, le blocage des salaires et la mise en cause prochaine du système des bourses. D’où que vienne le refus, où que prenne l’étincelle de la révolte, le chef de file des Insoumis lance un appel clair à ses troupes : il faudra être là.

« La modification d’un rapport de force entre les classes ne s’est jamais passée tranquillement. On ne sait où, quand, comment, mais vous devez vous attendre à une répétition sous une autre forme des “gilets jaunes”, avec des assemblées citoyennes. […] Notre tâche va être de participer à toute forme de lutte qui se met en place pour le droit à la dignité », lance le tribun.

Sans mandat, le vétéran des Insoumis joue toujours un rôle de boussole pour son mouvement, dont certains membres manifestent la volonté de se structurer plus clairement en interne. « Tant que j’en aurai la force, même si je me mets en retrait, je ne serai jamais en retraite », répète-t-il à qui veut l’entendre durant ces universités d’été. Et puisque la bataille parlementaire à l’Assemblée nationale (où LFI est passée de 17 à 75 député·es ) ne dépend plus de lui, c’est en dehors de l’institution qu’il compte tenir la tranchée.

« Notre intérêt est qu’il y ait une bataille générale », lance-t-il même, sans craindre l’inflation des mots. À la rentrée, les syndicats appellent à une grève, le 29 septembre, pour la hausse des salaires. Début octobre, les Insoumis investiront pour leur part la rue, en espérant rallier largement les organisations sociales, associatives et politiques de gauche, pour une « marche contre la vie chère ».

Après le temps des élections et le temps parlementaire, celui des mouvements sociaux est donc venu. « Cela ne s’est pas fait depuis la “marée populaire” contre Macron en 2018, c’est un signe de très bonne santé : l’organisation est capable d’évoluer en fonction de la nouvelle situation », commente la députée insoumise Aurélie Trouvé, copilote de ce rendez-vous. Pour elle, l’enjeu est aussi « de s’implanter territorialement, de faire vivre le mouvement en dehors des campagnes électorales, et de se préparer en cas de dissolution ».

Côté militant, le message est reçu cinq sur cinq. Engagé à Paris, où il était chef de file de LFI dans la 7e circonscription avant l’avènement de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes), Yann Kubacki, 27 ans, ne semblait attendre que ces mots d’ordre. Attaché à l’implantation dans les quartiers populaires, ce développeur web indépendant prévoit des collectes de fournitures scolaires et de denrées alimentaires pour répondre à l’augmentation des prix. « L’idée, ce n’est pas de faire voter, c’est de se greffer aux luttes qui viennent ; ne pas être à l’avant-garde, mais les accompagner, car la rentrée va être explosive », explique-t-il.

Cet été, il a mis à profit son temps libre pour lire un livre d’Éric Hazan sur la Révolution française, et considère désormais que la situation est « pré-révolutionnaire ». Interrogée à ce sujet, l’historienne Ludivine Bantigny nuance, parlant toutefois de situation « potentiellement explosive » : « Il y a une crise d’hégémonie, de la manière de gouverner. Le pouvoir ne peut plus gouverner par le consentement, il le fait donc par une forme d’autoritarisme, qui peut déboucher sur une explosion incroyable, alors que les crises – de l’eau, des prix de l’énergie... – se matérialisent. »


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