Congrès des écologistes : Marine Tondelier en passe de prendre La Suite

mercredi 30 novembre 2022.
 

L’élue municipale à Hénin-Beaumont et cadre dirigeante de longue date est arrivée largement en tête du premier tour du congrès d’Europe Écologie-Les Verts. Mélissa Camara, candidate proche de Sandrine Rousseau, arrive troisième derrière la proche de Yannick Jadot, Sophie Bussière.

Cette fois-ci, comme souvent lors des congrès du parti écolo et au contraire de ses primaires, pas de surprise. Les adhérentes et adhérents d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), convoqué·es à leurs congrès décentralisés ce 26 novembre (un vote en régions qui fait office de premier tour, avant le congrès du 10 décembre à Rungis, dans le Val-de-Marne), ont confirmé le scénario que beaucoup anticipaient depuis des semaines.

Avec 46,97 % des suffrages exprimés, Marine Tondelier et la motion « La Suite » arrivent largement en tête. Dans la continuité de la précédente direction, elle rassemble la grande majorité des élu·es du parti. Son score est plus élevé que celui de son prédécesseur Julien Bayou en 2019 (41,3 %), alors qu’il n’y avait que quatre motions en lice. « C’est un score historique pour le mouvement : seule Cécile Duflot l’avait dépassé, quand elle était secrétaire nationale sortante, en 2011 », se félicite Marine Tondelier, saluant « un beau message de confiance ».

Pour l’élue d’opposition à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), ce résultat traduit « une volonté de sortir des affrontements, de passer à la suite » : « On avait du mal à sortir du mauvais remake de la primaire », explique-t-elle, en référence au duel entre Yannick Jadot et Sandrine Rousseau. Il n’y avait pourtant pas beaucoup de suspense concernant ce résultat. Claire Desmares, candidate de la motion « Ce qui nous lie » (qui obtient 9,66 % des suffrages exprimés), l’avait ainsi pronostiqué, lors du débat avec ses cinq concurrentes le 22 novembre dernier.

Samedi, dans la foule compacte des militantes et militants réunis à la bourse du travail de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), bureau de vote pour l’occasion, on discutait surtout de l’ordre d’arrivée des motions derrière celle de Marine Tondelier. Et surtout de l’enjeu de la deuxième place, convoitée par Mélissa Camara, candidate proche de Sandrine Rousseau alliée à une partie de l’aile gauche, dans la motion « La Terre, nos luttes ».

Un camouflet pour l’aile gauche et les rousseauistes

Théo Garcia-Badin, candidat au bureau exécutif sur cette liste, comptait sur la mobilisation des jeunes du parti, une bonne part des quelque 11 000 adhérent·es, dont beaucoup n’avaient pas voté au précédent congrès en 2019. Une mobilisation de la jeunesse aurait été, selon lui, favorable à sa candidate, qui prône davantage de radicalité. Peine perdue. Avec une participation d’environ 50 % du corps électoral (soit environ 5 500 votant·es), Mélissa Camara, élue municipale à Lille (Nord), décroche la troisième place (13,53 %), derrière l’avocate Sophie Bussière, du « Printemps écologiste » (18,07 %), soutenue par Yannick Jadot.

Le coup est dur pour les rousseauistes qui, après la surprise de la primaire des écologistes en 2021, espéraient continuer de hisser l’écoféminisme au sein du parti. D’autant plus qu’en 2019, l’aile gauche avait obtenu 23 % des suffrages exprimés. La raison de ce camouflet, selon les partisan·es de Mélissa Camara, est à chercher du côté d’une campagne « anti-Rousseau » menée en creux par l’ensemble du parti. Les attaques contre la « twitterisation de la vie politique » ou l’idée qu’il faut être « des radicaux du collectif », selon l’expression de Marine Tondelier, visaient explicitement la députée de Paris, accusée d’avoir une stratégie personnelle.

J’ai vu ce qui fonctionnait ou pas, les travers, les fausses routes, les impasses. La suite, ce n’est pas la continuité.

Marine Tondelier, candidate au secrétariat national d’EELV

Celle-ci, présente pour voter à la bourse du travail de Saint-Denis, expliquait son souhait de faire d’EELV « un lieu d’amplification des luttes » ou encore « un pont entre les deux mondes » de l’activisme et des institutions. Elle se heurte à une majorité rétive.

Un scénario finalement assez prévisible, alors qu’en 2021 Sandrine Rousseau avait surtout entraîné derrière elle des non-encarté·es engagé·es dans la primaire ouverte, mais qui n’ont visiblement pas adhéré depuis au parti écolo. « Ce que représente Sandrine à l’extérieur ne se traduit pas à l’intérieur », constate Alain Coulombel, porte-parole d’EELV et tenant de l’aile gauche, déçu de ce résultat qui « n’est pas à la hauteur de ce qu’on attendait ».

Marine Tondelier, cadre locale puis nationale du parti proche de Cécile Duflot depuis une quinzaine d’année, responsable des Jeunes écolos puis de l’organisation des Journées d’été écologistes, bénéficie à l’inverse d’un important réseau interne, encore renforcé depuis qu’elle a dirigé la campagne d’Éric Piolle, maire de Grenoble, à la primaire des écologistes. Sa promesse de « refondation » de l’organisation et sa main tendue à l’ensemble des autres motions durant toute sa campagne semblent avoir porté leurs fruits.

« Il y a 100 000 personnes qui sont passées par notre parti : il faut aller les voir, leur demander pourquoi elles ont adhéré et pourquoi elles sont parties, et refonder le parti à l’horizon de l’été 2023 », soutient ainsi Aminata Niakaté, conseillère de Paris et candidate au bureau exécutif pour « La Suite ».

Depuis des semaines, Marine Tondelier met un point d’honneur à ouvrir davantage le parti, qui, depuis sa création en 1984, n’a jamais dépassé les 10 000 militantes et militants actifs, en se fixant comme objectif de rassembler « un million de sympathisants » d’ici cinq ans, de bouleverser sa sociologie trop étroite, de simplifier son fonctionnement interne ou encore de se « réarmer idéologiquement ». Autant d’engagements qu’avaient déjà pris les précédentes directions du mouvement, de Cécile Duflot à Julien Bayou, en passant par Pascal Durand ou David Cormand (qui la soutient), critiquent ses opposant·es.

Ce à quoi Marine Tondelier rétorque : « Je ne me place pas au-dessus du lot ou en rejet de ce qui s’est fait avant. J’ai vu ce qui fonctionnait ou pas, les travers, les fausses routes, les impasses. La suite, ce n’est pas la continuité. »

Un front frileux sur la Nupes

L’ancien candidat à la présidentielle, Yannick Jadot, plaide lui aussi pour une refondation, mais en soutenant Sophie Bussière, sur une ligne plus autonomiste. « Aujourd’hui, beaucoup de Français sont convaincus par l’écologie, mais ils doutent de notre capacité à exercer des responsabilités. Il faut éviter le zigzag stratégique et doter le parti des leviers nécessaires pour exercer le pouvoir », défendait l’homme aux 4,6 % de la présidentielle de 2022, quelques heures avant le résultat. Et pour cause : son équipe avait notamment imputé sa contre-performance à un déficit organisationnel.

Le risque, c’est qu’on répète le scénario qui a échoué : celui de l’autonomie.

Alain Coulombel, soutien de Mélissa Camara

Sophie Bussière et Marine Tondelier se retrouvent toutefois sur le rapport distant à la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes), perçue comme une alliance de circonstance pour les élections législatives de 2022. Un point commun qui pourrait augurer d’une fusion en vue du deuxième tour, le 10 décembre.

« Les motions qui portent une écologie de responsabilité, valorisant sa singularité et son autonomie aux européennes, ont largement gagné et peuvent former un bloc fort, cohérent et majoritaire. La ligne de rapprochement avec LFI [La France insoumise] est très minoritaire », déclare ainsi Yannick Jadot dans le Journal du dimanche, où il annonce le lancement d’un club baptisé « Maison commune ».

En 2019, trois des quatre motions avaient fusionné avant le deuxième tour. « La Suite » a d’ailleurs fait savoir qu’elle travaillerait dans les 15 prochains jours à « rassembler l’ensemble du parti autour d’un projet commun et fédérateur ». « Marine veut travailler avec tout le monde, sur la base de la ligne claire qui se dégage de ce congrès. Elle est prête à le faire, en respectant la volonté des militantes et militants », explique Aminata Niakaté.

Les plus pro-Nupes au sein d’EELV sont toutefois dubitatifs quant à l’orientation générale qui se dégage de ce congrès, à l’instar d’Alain Coulombel : « Le risque, c’est qu’on répète le scénario qui a échoué : celui de l’autonomie », réagit-il. « On a un socle de 70 % d’adhérents qui a voté pour quelque chose qui nous éloigne de la Nupes, c’est pourquoi je suis déçu par notre résultat, commente-t-il. Le mouvement prend un tour de plus en plus éloigné de ce qu’on cherche à soutenir. »

Durant sa campagne, Mélissa Camara a mis l’accent sur la nécessité d’entretenir cette union en y renforçant l’influence des écologistes, tout comme Géraldine Böyer, de la motion « Rébellion, construction » (qui obtient 4,34 %), scission de l’aile gauche ouverte à un rapprochement avec LFI. « Je ne veux pas qu’en 2027 se répète 2022, car je ne suis pas sûre que le RN [Rassemblement national] ne passe pas dans cinq ans. Je refuse de rejouer le jeu de l’hégémonie et de qui sera le roi du cimetière. Il faut réaliser les conditions d’une coalition de gauche écologiste en 2027 », défendait Mélissa Camara il y a quelques jours.

La majorité du parti plaide d’ailleurs pour une liste autonome aux élections européennes de 2024. Marine Tondelier, qui souhaite renommer EELV « Les Écologistes », compte sur ce scrutin pour reprendre le leadership à gauche, comme en 2019. « Mon état d’esprit, a priori, c’est de discuter avec tout le monde, avec deux objectifs : une équipe opérationnelle, et un projet collectif qui soit clair. Il faut qu’on se mette d’accord avec celles et ceux qui le veulent sur un plan et qu’on le mette en œuvre. » Elle annonce d’ores et déjà : « On lance la refondation en janvier. »

Mathieu Dejean


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