« On était terrifiés. Je me suis pris un grand coup dans le ventre »

mardi 11 avril 2023.
 

Ce que le 49.3 fait à la jeunesse

« On se retrouve à avoir la boule au ventre quand on va en manif’ alors que c’est un droit légitime. » Lundi 20 mars, après l’annonce de l’échec de la motion de censure suite au recours à l’article 49.3 par le gouvernement concernant la réforme des retraites, des manifestations spontanées se sont élancées dans tout Paris et autres villes de France.

Ce soir-là, alors qu’un cortège évolue dans le quartier de Châtelet-Les Halles, des policiers chargent et frappent violemment des manifestants coincés contre un mur. Parmi eux, une jeune étudiante se prend un puissant coup de matraque dans le ventre. Mercredi 22 mars matin, sur les conseils de son avocat, Maître Arié Alimi, elle est allée porter plainte auprès de l’IGPN, la police des polices.

« Lundi, il n’y a pas eu de casse mais des poubelles brûlées et des barrières renversées », explique la jeune femme qui se trouvait en fin de cortège. « La police est rapidement arrivée et a lancé des lacrymogènes. On continuait dans une rue, j’étais toujours pas mal derrière et je voyais les agents de la BRAV-M qui commençaient à arriver. Ça faisait peur. »

Ces agents, Politis en a déjà parlé. Ils sont membres de la 12CI, compagnie d’intervention de Paris. Le même soir, un policier de cette compagnie frappe violemment un homme, qui finit inconscient au sol. L’étudiante décide de s’écarter contre un mur pour laisser passer la charge.

« C’est à ce moment-là qu’ils sont venus nous frapper. Je me disais que j’étais en sécurité sur le côté, je n’avais rien fait. On était terrifié. Je me suis pris un grand coup dans le ventre. » Choquée, elle quitte la scène au plus vite. « J’essayais de courir, car j’avais tellement mal, en me tenant le ventre. »

En rentrant chez elle, la jeune femme ne compte pas porter plainte ni faire de signalement, estimant que « de toute manière, ça n’aboutit jamais ». Mais après avoir vu la vidéo filmée par le journaliste indépendant, Jules Ravel, elle décide de prendre un avocat. C’est sur ses conseils qu’elle se rend chez son médecin généraliste afin de faire attester sa blessure. Elle ressortira avec 3 jours d’ITT (incapacité totale de travail).

Audition à l’IGPN sans attente

Mercredi, elle se rend donc aussi à l’IGPN. « Généralement, ils donnent un rendez-vous et là ils m’ont reçu directement et ont même prévenu l’état-major. » Preuve que son cas est pris au sérieux. Dans la foulée une enquête contre la 12CI est ouverte pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique ».

Après son audition, elle ressort aussi avec un rendez- vous à l’UMJ, unité médico-judiciaire, pour faire constater sa blessure. Mais 5 jours après le coup reçu, la plaignante doute de l’utilité réelle de cet examen. « Ça sera trop tard et c’est pour ça que j’ai pris les devants en allant chez mon généraliste », explique-t-elle.

Malgré tout, l’étudiante décide quand même de se rendre le lendemain au rassemblement sur la place de la République, symbole d’une jeunesse qui ne lâche rien. « Après le coup de lundi, ça m’a mis une claque mais j’y suis quand même retournée le lendemain », lance-t-elle avec un regard déterminé. Mais face à la douleur et à la peur, elle ne reste qu’une heure sur la place.

On a peur, on se fait nasser, on se fait frapper mais on sera toujours là !

Car la violence dont elle a été victime n’est pas que physique, elle est aussi psychologique. Elle explique que ces derniers jours ont été « très difficiles. » À la douleur s’ajoutent des nuits blanches. « Je n’ai pas vraiment réussi à dormir depuis. Je ne fais que me remémorer la scène. » Pour celle qui manifeste depuis la première réforme des retraites en 2019, les prochaines manifestations se feront avec « la boule au ventre. » Car en face, la police fait peur.

Ne rien lâcher

« Au-delà du coup porté, c’est la façon dont ils agissent qui me terrorise. Ils sont en chasse. » En seulement quelques années de manifestations, la jeune étudiante a vu la violence s’exercer. « Ça me fait peur, j’ai vu des gens en sang, des hurlements, forcément ça dissuade. »

Mais la jeunesse est têtue. Elle ne se laisse pas faire et ne baisse pas les bras. « D’un côté, ça m’a encore plus déterminé. » Pour elle, le gouvernement et la police ont franchi un point de non-retour. « Ils pensent qu’en continuant comme ça ils vont nous démotiver et en fait non. On a peur, on se fait nasser, on se fait frapper mais on sera toujours là ! »

Maxime Sirvins


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