Portrait – Pauline Léon, révolutionnaire et féministe

lundi 29 mai 2023.
 

- 13 mai 1793, elle fonde avec Claire Lacombe la Société des républicaines révolutionnaires.

Pauline Léon (1768-1838) illustre le sort réservé aux femmes révolutionnaires populaires et radicales dans l’Histoire de France : l’oubli. Les figures féminines de la Révolution Française les plus célèbres sont d’origine sociale aisée et d’opinion politique « modérées ». Jusqu’à aujourd’hui, pour une femme, mieux vaut être belle et douce si on veut passer à la postérité. L’Histoire et la mémoire sont des enjeux essentiels de la bataille culturelle. Malgré une place unique dans notre Histoire, celle de la première Présidente d’une organisation féministe, excusez du peu, qui connait Pauline Léon ?

Portrait d’une femme du peuple, par le peuple et pour le peuple, qui entre dans la lutte politique à 20 ans par la prise de la Bastille. En 1793, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen proclame que l’insurrection « est pour le peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». À la tête de l’organisation révolutionnaire qu’elle a créé, la Société des citoyennes révolutionnaires républicaines, Pauline Léon milite pour inclure les femmes dans ce peuple appelé à défendre sa liberté. Récit.

L’insoumission lance sa rubrique culture : série de portraits de femmes révolutionnaires, Rosa Luxemburg, Louise Michel et donc Pauline Léon, entretien avec Édouard Louis « ramener le réel en politique », mais aussi critique de livres, de films, de séries, de documentaires, de pièces de théâtre, d’exposition, de BD… Rejoignez la bataille culturelle, écrivez nous à contact@linsoumission.fr et proposez nous une œuvre culturelle que vous souhaiteriez mettre en avant grâce à l’insoumission.fr !

Pauline Léon, sois jeune et révolte-toi

De 16 à 19 ans, vendre du chocolat à des aristocrates de Saint-Germain des Prés.

À 20 ans, prendre la Bastille.

À 22 ans, s’inviter au club des Cordeliers, écouter Desmoulins, Marat, Fabre d’Églantine, Hébert depuis la tribune.

À 23 ans, prendre la parole, devant tous ces grands hommes, pour réclamer avec vigueur le droit des femmes à porter les armes pour défendre la Révolution.

À 23 ans toujours, devoir céder sa pique alors qu’elle est prête à marcher sur le palais des Tuileries un soir d’août 1792 qui conduit à la chute de monarchie.

À 24 ans, fonder la première organisation révolutionnaire réservée aux femmes.

À 25 ans, être forcée de choisir entre la mort ou le renoncement à son combat, décider de sauver sa vie.

Telle est, à grands traits, la jeunesse de Pauline Léon, révolutionnaire méconnue qui resta toujours fidèle au camp du peuple.

« Oui, Messieurs, ce sont des armes qu’il nous faut »

Dans ce portrait, nous nous concentrerons sur un aspect du combat politique menée par Pauline Léon, celui qui nous semble le plus central de son action : le droit pour les femmes de porter et d’apprendre à manier les armes.

Le 6 mars 1792, c’est la première fois, en l’état de nos connaissances, que Pauline Léon est entendue par l’Assemblée nationale. Elle y lit une pétition, qui réclame ce droit. L’argument est simple. Dans le chant révolutionnaire composé un mois plus tard par Rouget de Lisle et entonné par l’armée du Rhin, on trouve cette strophe :

Entendez-vous dans nos campagnes,

mugir ces féroces soldats,

qui viennent jusque dans vos bras,

égorger vos fils et vos compagnes.

Et bien, Pauline Léon affirme que les « compagnes » n’ont guère envie de se laisser égorger sans pouvoir se défendre. Son message peut se résumer ainsi : « des armes pour les citoyennes ».

Le 12 mai 1793, c’est une délégation entière de la Société des Citoyennes Républicaines Révolutionnaires, créée deux jours plus tôt par la chocolatière, qui se rend aux Jacobins. Avec toujours le même message :

« Que des compagnies d’amazones se forment pour combattre les ennemis de l’intérieur […]. Nous avons arrêté que toutes les femmes, depuis l’âge de dix-huit ans jusqu’à cinquante, se formeront en corps d’armée […]. Nous allons faire une collecte pour armer les femmes des sans-culottes qui n’auraient pas les moyens de se procurer des armes. »

Un discours répété le lendemain à la section révolutionnaire sans-culotte du Muséum (quartier du Louvres, dont tous les représentants à la Commune de Paris furent guillotinés le jour ou le lendemain de la mort de Robespierre).

« Que des compagnies d’amazones sortent de leurs faubourgs, des halles et des marchés de cette cité immense ! C’est là qu’habitent les véritables citoyennes, celles qui, dans ce séjour de corruption ont conservé des mœurs toujours pures et seules ont senti le prix de la liberté et de l’égalité. »

On voit donc l’importance pour l’organisation révolutionnaire créée par Pauline Léon de ce droit à porter et apprendre à manier les armes afin de défendre leur propre survie et celle de la République. On voit également comment ces femmes font le lien entre les représentants politiques, la politique institutionnelle et l’action insurrectionnelle menée par les sections de sans-culottes.

Le 27 mai, après une nouvelle harangue aux Jacobins des membres de la société présidée par Pauline Léon « Il est temps de nous montrer ; n’attendons pas les poignards dans notre lit ; formons nous en phalanges et faisons rentrer l’aristocratie dans le néant ». Telle est la réponse qui leur est faîte : « La société se rappelle combien vous avez été utiles au 10 août, elle se félicite de vous voir dans son sein ». On voit par cette phrase, que le soutien des Jacobins se limite à des mots. Le combat féministe débute. Les Citoyennes Républicaines révolutionnaires réalisent elles à quel point cette route est longue et semée d’embûches ?

Cette phrase permet également de rappeler que l’activisme de Pauline Léon ne se militent pas à des adresses et des pétitions bien rédigées.

On l’a vu, dès le 14 juillet 1789, il est très vraisemblable qu’elle participe à la Bastille. Elle écrit à propos de cet événement depuis sa prison en 1794 : « J’éprouvais le plus vif enthousiasme et quoique femme je ne demeurai pas oisive ; l’on me vit du matin au soir animer les citoyens contre les artisans de la tyrannie […], barricader les rues et exciter les lâches à sortir de leurs maisons ».

Le 10 août 1792, l’anecdote rapportée est celle-ci : Pauline Léon se rassemble avec les sections insurrectionnelles de Paris pour prendre d’assaut le Palais des Tuileries et abolir la monarchie. Cependant, elle est contrainte de céder son arme, une pique (une lance), à un homme qui se trouvait désarmées.

Ainsi, Pauline Léon est cette figure d’une militante complète. Femme d’un milieu populaire, elle lie lutte féministe et lutte sociale. À la tête de son organisation, la Société des Citoyennes Républicaines Révolutionnaires, elle fait le pont entre les institutions et la rue. Savante et courageuse, pour atteindre ses objectifs, elle utilise à la fois les mots, l’art oratoire, son talent rhétorique, et sa force physique.

Refusons de laisser la bourgeoisie dicter notre mémoire collective, notre Histoire

Pour finir cet article, un point « bataille culturelle ».

Malgré une place unique dans notre Histoire, celle de la première Présidente d’une organisation féministe, excusez du peu, qui connait Pauline Léon ?

Pour l’auteur de ce portrait, c’est le discours de Jean-Luc Mélenchon lors de la séance inaugurale de l’Institut La Boétie qui a éveillé pour la première fois la flamme de la curiosité.


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