Salaires VS dividendes. La lutte des classes à l’Assemblée nationale. Le palais Bourbon examine à partir de ce lundi la transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise. Le gouvernement poursuit deux objectifs : faire croire qu’il se préoccupe de la rémunération du travail alors qu’il refuse d’augmenter les salaires, démontrer qu’il n’a jamais rompu le dialogue avec les syndicats bien qu’il ait piétiné la démocratie avec la réforme des retraites. L’occasion pour Matthias Tavel, député de La France insoumise (LFI), de démolir le gouvernement. Notre article.

« Entendre M. Dussopt parler de démocratie sociale est aussi crédible qu’entendre Gargantua affirmer qu’il se lancerait dans un programme minceur ».

« Entendre M. Dussopt parler de démocratie sociale est aussi crédible qu’entendre Gargantua affirmer qu’il se lancerait dans un programme minceur. Comme les Ogres, les dévoreurs de droits sociaux ne sont jamais rassasiés ». À peine arrivé à la tribune, première punch pour Matthias Tavel. Le jeune député de Loire-Atlantique défend une motion de rejet du projet de loi « partage de la valeur » du gouvernement. Comme nous le soulignions ce matin dans nos colonnes, on ne peut plus parler de « partage de la valeur », mais de braquage du capital sur le travail dans la répartition de la valeur ajoutée.

Le nouveau rapport de l’ONG Oxfam « l’inflation des dividendes », sorti ce 26 juin 2023, ne peut souffrir d’aucune contestation tant les chiffres sont énormes : entre 2011 et 2021, les 100 plus grandes entreprises cotées ont versé à leurs actionnaires en moyenne 71% de ce qu’elles ont gagné chaque année. Les chiffres donnent le tournis : 61 milliards d’euros de dividendes pour Total Energies, 53 milliards pour Sanofi, et ainsi de suite. Les responsables de la catastrophe climatique et sociale, ils ont des noms, ils ont des adresses, ils ont des visages. « La prédation du capital ne ralentit pas » a rappelé le député insoumis, utilisant l’exemple du PDG du groupe Stellantis (lire notre article : Carlos Tavarez, le PDG qui gagne 1 139 fois plus que ses salariés), qui gagne un SMIC mensuel toutes les 2 heures, dénonçant « la toute-puissance du capital ».

« Cette oligarchie vit au-dessus de nos moyens ! » : La France, un paradis fiscal pour ultra riches

En 10 ans, la rémunération des PDG du CAC 40 a augmenté de 90%. Dans les 100 plus grandes entreprises françaises, entre 2011 et 2021, les versements aux actionnaires ont augmenté de 57% alors que ceux pour les salariés n’augmentaient que de 22% ! « Cette oligarchie vit au-dessus de nos moyens ! » : nouvelle punch du député de 35 ans, ancien directeur de cabinet de Jean-Luc Mélenchon, qui en connait donc un rayon en punchlines acérées. « La France est aujourd’hui un paradis pour millionnaires et actionnaires. Notre pays est champion d’Europe des dividendes versés aux actionnaires ». L’insoumission.fr a récemment mis plusieurs fois en avant le travail de l’économiste de Gabriel Zucman et notamment son chiffre de 2% d’impôt sur le revenu (IS) seulement pour les 370 premières fortunes du pays, un chiffre récemment confirmé par l’étude choc de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) réalisé en collaboration avec Bercy (pour approfondir le sujet, lire notre Désintox : « trop de taxes » ? 4,5% d’impôt pour le CAC 40, 25% pour les PME).

Le député de la 8ème circonscription de la Loire Atlantique a rappelé les bases au gouvernement : « comme le disait déjà Victor Hugo, c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ! En effet, les salaires réels, c’est-à-dire une fois l’inflation prise en compte, ont baissé l’an dernier ». Du motoriste Man Diesel à St Nazaire jusqu’à à Disneyland Paris, du nettoyage industriel comme chez Atalian ou ISS jusqu’à Carrefour, ou Grand Frais de Verbaudet à la fonction publique, le député insoumis a rappelé que dans tout le pays les travailleuses et les travailleurs réclament le juste salaire.

« Les dividendes climaticides » : en 2019, 45% des dividendes et rachats d’action par les 100 plus grandes groupes françaises auraient suffi à financer la transition écologique

« Les dividendes sont climaticides ! Les actionnaires sont écocidaires ! ». Matthias Tavel enfile les punchs comme des perles. Et de rappeler le chiffre le plus important de l’étude d’OXFAM sorti ce matin : en 2019, 45% des dividendes et rachats d’action par les 100 plus grandes entreprises françaises auraient suffi à couvrir leurs besoin investissements dans la transition écologique. Le grand capital détruit l’humain et la planète, les responsables de la catastrophe sociales sont les mêmes que les responsables de la catastrophe climatique : les 63 milliardaires qui polluent plus que la moitié des Français, les 100 multinationales à l’origine de 71% des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Matthias Tavel ne se contente pas de dresser le sombre bilan du hold-up de la richesse créée par le travail, du vol en bande organisé par le capital. Le député LFI, scolaire, d’égrainer les propositions : une proposition de loi pour faire l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, augmentation du SMIC à 1600 euros net, indexation des salaires sur l’inflation, encadrement des salaires de 1 à 20 au sein d’une entreprise, obligation d’augmenter les bas salaires pour éviter l’écrasement du SMIC, revalorisation du salaire minimum des apprentis, conditionnement du versement de dividendes à des hausses de salaires, et ainsi de suite. Des propositions rejetées par le gouvernement et par… Le Rassemblement national (RN).

« Une arnaque macro-lepéniste contre l’augmentation des salaires » : quand Matthias Tavel (LFI) rhabille l’alliance Macron & Le Pen au service du capital contre le travail

« Cette « désocialisation » des rémunérations est une arnaque partagée entre Macronistes et Lepénistes. Le mot lui-même traduit l’horreur de la chose. M. Macron comme l’extrême droite auront beau jeu ensuite de venir pleurer une soi-disant dé-civilisation ». La « désocialisation » dont parle le député insoumis, l’affaiblissement de la Sécurité sociale, sa destruction méthodique depuis 40 ans de néolibéralisme, de mise au service de l’État tout entier au service des intérêts privés du capital, et la défiscalisation, l’appauvrissement de l’Etat et de ses services publics, « sont au cœur de l’effondrement néolibéral de nos sociétés, de l’abandon de chacun au tous contre tous, ce que nous nommons pour notre part la dissociété » .

Préférence actionnariale ou priorité salariale ? « Augmentez les salaires, pas les actionnaires ! » : voilà ce que répond Matthias Tavel à l’alliance du gouvernement, du Rassemblement national et du capital contre les salaires. « Par cette motion de rejet, nous clamons que nous avons au contraire besoin d’une vraie loi pour la hausse des salaires et le partage des richesses, nous refusons donc la confiscation du débat, la confiscation des richesses, et tout bonnement la confiscation du juste salaire pour les travailleurs, qui, seuls, créent la valeur dans notre pays ». Dividendes VS salaires : la lutte des classes à l’Assemblée nationale.

Par Pierre Joigneaux.