Le Conseil d’État suspend la dissolution des Soulèvements de la Terre

lundi 21 août 2023.
 

Dans une décision rendue le vendredi 11 août, suite à l’audience du mardi 8 août, le Conseil d’État a suspendu la dissolution des Soulèvements de la Terre.

C’est un camouflet pour Gérald Darmanin et une victoire pour le mouvement écologique. Vendredi 11 août, le Conseil d’État a suspendu en référé la dissolution des Soulèvements de la Terre qui avait été annoncée le 21 juin dernier par le ministre de l’Intérieur.

Les avocats des Soulèvements avaient déposé un recours devant la plus haute juridiction administrative en France le 26 juillet dernier. « C’est un rappel du fait que l’on ne peut pas dissoudre à tour de bras et que la protection des libertés doit primer dans un État de droit », a déclaré à Reporterre Aïnoha Pascual, l’une des avocates des Soulèvements de la Terre.

Cette décision du Conseil d’État est d’abord une victoire pour les libertés publiques. « Le décret attaqué porte une atteinte grave et immédiate à la liberté d’association, à la liberté d’expression et à la liberté de manifestation et […] il est susceptible d’empêcher la vente et d’entraîner la destruction du livre On ne dissout pas un soulèvement », écrivent les juges.

Ainsi les Soulèvements, comme les 180 comités locaux de soutien, vont pouvoir continuer à se réunir et appeler à des actions. « Il est de nouveau possible de se revendiquer sans risque de l’appartenance aux Soulèvements de la Terre », assure Aïnoha Pascual.

Autre victoire sur la définition même des Soulèvements. Le gouvernement assurait qu’il s’agissait d’un groupement de fait susceptible d’être dissous sur le fondement des dispositions de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure, plus connu sous le nom de loi Séparatisme.

« Une erreur manifeste » « Une erreur manifeste », répond le Conseil d’État, qui parle des Soulèvements comme « d’un courant de pensée », en accord avec les revendications du collectif. Un conglomérat composite réunissant associations, syndicats et partis politiques, dépourvu de dirigeants et de membres identifiés, mais largement soutenu au sein de la société civile.

Près de 150 000 personnes se sont déclarées sympathisantes via une pétition et plus d’une trentaine d’associations s’étaient jointes au recours contre cette dissolution : de Greenpeace à Solidaires en passant par les Amis de la Terre.

Pour leur avocat, Sébastien Mabille, « cette décision marque un coup d’arrêt au processus criminalisation des militants écolos. C’est aussi un camouflet pour le ministère de l’Intérieur car cela fait des mois qu’il s’investit sur ce sujet pour en arriver à un échec total. »

150 000 sympathisants Les partis politiques de gauche s’étaient également ralliés au mouvement, notamment Europe Écologie-Les Verts et la France Insoumise.

« Le gouvernement, déjà condamné pour inaction climatique, est maintenant désavoué par la justice dans sa tentative de dissolution des SLT. Le gouvernement ferait mieux de s’attaquer au problème de raréfaction de la ressource en eau plutôt qu’aux messagers qui, eux, respectent le cadre républicain », a déclaré sur Twitter Marine Tondelier, la cheffe des Verts.

Pour Jean-Luc Mélenchon, « la macronie et ”l’arc républicain” ont voulu violer la loi en interdisant une ligue d’associations citoyennes. Une idée avance en France. La légitimité de la désobéissance civique fait son chemin ».

Désarmement La désobéissance civile a été longuement abordée durant l’audience du recours le 8 août dernier. L’État accusait les membres des Soulèvements d’appeler à des agissements violents contre les biens, notamment en appelant au désarmement.

« L’agissement violent contre infrastructures est le fonds de commerce des Soulèvements de la Terre », assurait Pascale Léglise, à la tête de la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur durant l’audience.

« Ils s’autorisent également des agissements violents contre les personnes », avait-elle affirmé, rappelant le nombre de gendarmes blessés à Sainte Soline. Une théorie abondamment réfutée par l’ensemble des soutiens des Soulèvements : « Si des appels à la violence avaient été proférés, les gens ne seraient pas venus avec leurs enfants en poussette », avait déclaré l’eurodéputé Benoit Bitteau.

Cet argumentaire a convaincu le Conseil d’État : « Les actions promues par les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens, qui se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile, dont il revendique le caractère symbolique, ont été en nombre limité. »

« Seulement des atteintes aux biens de portée symbolique » Le décret de dissolution se fonde sur six des vingt-trois actions promues par le collectif depuis sa création « dont il résulte seulement des atteintes aux biens de portée symbolique », estime le Conseil d’État.

« Il a indiqué, suivant notre raisonnement, que les Soulèvements de la Terre n’appelaient pas à des violences à l’encontre des personnes. Concernant ensuite les agissements contre les biens, le Conseil d’État vient indiquer que tout type d’atteinte aux biens n’est pas de nature à justifier une dissolution », a déclaré l’avocate Aïnoha Pascual.

« Les Soulèvements de la Terre appellent certes à de la désobéissance civile, mais les dégradations qui ont pu être constatées revêtent un caractère symbolique et sont en nombre limité, poursuit-elle. Elles ne justifient pas que soit porté atteinte à la liberté d’expression ou à la liberté de réunion et d’association »

« La mesure de dissolution n’est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée » Au final, le Conseil d’État déclare que « la mesure de dissolution n’est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à la finalité de sauvegarde de l’ordre public », est-il écrit dans la décision rendue par le Conseil d’État.

Ce jugement est provisoire, une nouvelle audience sur le fond aura lieu, vraisemblablement à l’automne. Pourrait-elle annuler totalement le décret de dissolution ? L’avocat Sébastien Mabille se veut optimiste : « D’ici l’audience sur le fond, il faudrait que le ministère apporte davantage d’éléments pour démontrer la réalité des griefs à l’encontre des Soulèvements. Ce qui m’étonnerait car il a déjà produit 243 pages de notes blanches des services de renseignements qui n’étaient qu’un agrégat de copies d’écrans et de tweets. »

« Ce n’était pas suffisant. Il serait vraisemblable que la décision soit annulée car il est rare que le Conseil d’État suspende et ensuite confirme », analyse-t-il.

Depuis le début des mandats d’Emmanuel Macron, c’est la troisième fois que le Conseil d’État suspend une dissolution puis l’annule totalement. [1] « Jamais un président n’a autant dissout, avec une trentaine de procédures au total, rappelle Sébastien Mabille. Cette manière d’annoncer une dissolution dès lors qu’une organisation tient des propos qui peuvent déplaire est une pratique qui doit cesser. »


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