Quand nos gouvernants comprendront-ils Hiroshima et Nagasaki ?

mercredi 23 août 2023.
 

Le 6 août, jour de commémoration du bombardement atomique d’Hiroshima, Ersilia Soudais, Députée LFI-NUPES vice-présidente du groupe d’amitié France-Japon à l’Assemblée Nationale, a participé au congrès international contre les bombes atomiques et à hydrogène. Elle nous rappelle dans cet article les failles persistantes dans la prise de conscience de l’ampleur de cette tragédie, qui a ouvert une nouvelle ère marquée par la capacité de l’humanité à se détruire elle-même.

Ce texte a été écrit par Ersilia Soudais, députée LFI-NUPES, de retour du Japon.

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Lorsqu’est survenu l’effroyable tragédie d’Hiroshima, le traitement médiatique n’a pas permis à l’opinion publique occidentale de prendre la mesure de la chose. Le journal Le Monde titrait ainsi, le 8 août 1945 : « Une révolution scientifique. Les Américains lancent une première bombe atomique sur le Japon ». Peu de monde s’est montré lucide. Parmi les rares personnalités conscientes de la situation, nous pouvions compter Albert Camus, qui le même jour écrivait dans Combat : « On nous apprend […], au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes, que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. […] Il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer une découverte qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. »

Et voilà que le 9 août, cela recommençait à Nagasaki.

Sumiteru Taniguchi, survivant de cette deuxième bombe atomique, a très bien exprimé, le 3 septembre 1985, face à la télévision française, l’horreur de la scène qu’il avait vécue. Autour de lui, des enfants jouaient, et voilà que d’un coup, il n’y avait plus personne. Ce n’était que le début de son calvaire et de celui de tous les survivants.

Albert Camus avait d’autant plus raison de s’alarmer qu’on ne peut résumer les victimes de ces scènes apocalyptiques au chiffre effrayant des personnes ayant succombé immédiatement aux deux bombes atomiques, soit plus de 70000 pour Hiroshima et plus de 40000 pour Nagasaki. S’y ajoute celui des victimes mortes, des années plus tard, des suites de leurs brûlures ou de leur irradiation, portant respectivement le nombre de décès à 140000 et 80000. Difficile également de ne pas songer à l’ostracisation et à la négation de la souffrance subies par celles et ceux qu’on appelle les « hibakushas ».

Depuis les catastrophes d’Hiroshima et de Nagasaki plane sur le monde la menace qu’un conflit se nucléarise et dégénère en une destruction totale de l’humanité. A l’heure où les tensions entre puissances dotées de cette arme reviennent en force, cette crainte se trouve renforcée. Les pays membres du G7, qui se sont retrouvés cette année à Hiroshima, ont exprimé le souhait d’« un monde sans armes nucléaires ». Mais pour y parvenir, suffit-il de blâmer la Russie, la Corée du Nord, la Chine et l’Iran ? Les puissances occidentales dotées de l’arme, et qui ne respectent pas elles-mêmes les termes du Traité de non-prolifération, ne doivent-elles pas également se remettre en question ?

À ce propos, on pourrait s’étonner que les États-Unis n’aient toujours pas présenté d’excuses. Il aura fallu attendre 71 ans pour qu’un président américain mette les pieds à Hiroshima, en la personne de Barack Obama, et cette visite n’était pas placée sous le signe des excuses. Cela aurait sans doute abîmé le mythe des Héros de la Seconde Guerre Mondiale.

Daisuke Miyachi, petit-fils d’une hibakusha d’Hiroshima, s’est montré très critique. Selon lui, « les États-Unis, qui ont toujours 4700 ogives nucléaires, n’ont rien appris des erreurs du passé ».

Et c’est bien là le drame suprême d’Hiroshima et de Nagasaki : personne ou presque n’a réellement compris.

Dans ce cadre, le Congrès international contre les bombes atomiques et à hydrogène, qui s’est déroulé du 4 août au 9 août 2023 à Hiroshima et Nagasaki, prend tout son sens. Pour Setsuko Thurlow, Hibakusha et prix Nobel de la Paix, il ne s’agit pas de demander « de la compassion », mais de permettre à l’humanité de perdurer.

Le Prix Nobel de littérature Kenzaburô Ôe disait en effet qu’Hiroshima est une « lime » où affûter sa pensée et penser les temps présents. Pour Minoru Tagawa, représentant du Parti Communiste Japonais, ce drame est l’occasion de penser à la société que nous voulons : « Nous demandons que le budget militaire, en particulier celui des armes nucléaires, soit réduit et consacré aux soins médicaux, à l’amélioration de la vie des citoyens de chaque pays, au soutien aux pays en développement, aux mesures contre le réchauffement climatique, etc. »

ERSILIA SOUDAIS


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