Un an après la victoire historique du 29 mai 2005, et au grand dam des « ouistes maintenus » - toujours omniprésents dans les grands médias -, qui voulaient la disqualifier comme un égarement passager et la remiser au rayon des mauvais souvenirs, la base antilibérale du « non » ne s’est pas effritée, bien au contraire. Ce ne sont pas seulement les sondages qui le disent - 98 % des électeurs ayant rejeté le traité constitutionnel européen (TCE) en feraient de même aujourd’hui, et 10 % de ceux qui ont voté « oui » se joindraient à eux - ; ce sont surtout les grondements venus des profondeurs de la société française, tels qu’ils se manifestent dans les luttes sociales.
Au niveau européen, le vent du boulet du « non » français et néerlandais a conduit les institutions communautaires, y compris la Commission Barroso, à adopter un profil anti-social moins prononcé. C’est ainsi que le Parlement européen, pourtant à majorité libérale, a rejeté la directive libéralisant les services portuaires sous la pression des syndicats et des élus des littoraux. Ce même Parlement a également voté des amendements atténuant quelque peu, sans pour autant le supprimer, le caractère scélérat du projet original de directive Bolkestein. Ces amendements ont ensuite été repris par la Commission pour proposition au Conseil. Même si cette nouvelle mouture reste inacceptable, elle montre que l’ombre portée du 29 mai est toujours là, présente.
Le gouvernement français, lui, a choisi d’ignorer le tremblement de terre de la déroute du « oui ». Au lieu de prendre en compte l’exigence, manifestée par le scrutin, de ruptures avec les politiques néolibérales, il a répondu par des mesures de privatisation (EDF, GDF, SNCM, autoroutes, etc.) et de libéralisation (CNE, CPE) supplémentaires ! Ce faisant, il a renforcé et élargi le front des résistances constitué par ceux qui ont rejeté le TCE. La crise des banlieues et la victoire contre le CPE, après des mobilisations massives, s’inscrivent dans le prolongement direct du 29 mai dans la mesure où elles remettent en cause frontalement quelques-unes des politiques découlant des clauses des traités européens en vigueur et reprises par le TCE : paupérisation des services publics, primat de la finance, organisation de l’insécurité sociale, acceptation du chômage et extension de la précarisation du travail.
Depuis quelques mois, une pré-campagne présidentielle, à grand renfort d’opérations médiatiques personnalisées et de sondages dépourvus de signification à un an de l’échéance, est organisée avec pour principal objectif d’empêcher tout débat de fond sur la « question libérale » et de brouiller les repères. Cette démarche se heurtera rapidement aux aspirations populaires à des changements de fond dont le « non » a été le vecteur. Rejeté par les citoyens lors du référendum, le néolibéralisme ne saurait revenir masqué lors des élections de 2007. Sans s’ingérer dans des actions de recomposition ou d’alliances qui relèvent des seuls partis politiques, Attac présentera et mettra en débat les ruptures avec le libéralisme qu’elle est en train d’élaborer dans le cadre de son Manifeste 2007.
Comme il existe peu de domaines où ces ruptures ne se heurteront pas à la « contrainte » européenne, et même si le rappel de cette évidence fâchera ici ou là, Attac ne cessera de la rappeler : il ne saurait y avoir de réorientation profonde des politiques nationales sans, en même temps, une réorientation des politiques de l’Union. C’est dire que la question européenne - déclinaison continentale de la « question libérale » - surplombe la plupart des autres. Test d’honnêteté politique, la réponse à lui apporter constitue donc le préalable à toute promesse électorale de changement.
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