Beaucoup cité, mais « très souvent mal compris ». Ainsi Yohann Douet résume-t-il la postérité d’Antonio Gramsci (1891-1937) dans l’espace public, en s’étonnant « qu’un révolutionnaire marxiste fasse à ce point consensus, même chez les héritiers de ceux qui l’ont fait mourir en prison ». De fait, même l’extrême droite a prétendu s’inspirer du penseur sarde pour forger sa stratégie politique, alors même que celui-ci a fini sa vie dans les geôles du régime fasciste de Mussolini.

Dans L’Hégémonie et la révolution (Éditions Amsterdam), le docteur en philosophie précise la signification des principaux concepts de Gramsci, et restitue leur cohérence : celle d’un théoricien animé par l’émancipation des « subalternes », ces groupes sociaux dominés par d’autres et dépourvus de la maîtrise de leurs destins. Autant dire que l’hégémonie ou la « bataille culturelle », tant invoquées par les responsables politiques de tous bords, ne se réduisent pas à des tactiques rhétoriques ou des stratégies médiatiques.

Yohann Douet dialogue, pour ce nouveau numéro de l’émission « Écrire l’histoire », avec le professeur en études italiennes Romain Descendre, coauteur avec Jean-Claude Zancarini de L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci (La Découverte). Articles, lettres, cahiers de prison… toute la production du militant communiste a été passée au crible de cette enquête intellectuelle sans précédent en langue française. « Contre les mythes, contre les simplifications, voire les falsifications », les deux chercheurs y montrent comment Gramsci, ayant alerté ses camarades à propos de la régression stalinienne, n’en est pas moins resté fidèle à son idéal révolutionnaire.