Macronistes de gauche : une tragi-comédie sans fin

mercredi 24 janvier 2024.
 

Attal Premier ministre nous a été vendu comme un énième « virage social », le bougre étant l’incarnation la plus pure de l’aile gauche de la Macronie. Une semaine plus tard, l’exécutif ressemble à un gouvernement Sarkozy.

La loi Immigration n’aura pas été un dérapage ni un accident de parcours. Après avoir « offert sur un plateau d’argent » cette loi à la droite et à l’extrême droite, Emmanuel Macron acte ce virage avec un changement d’exécutif : avec le départ d’Élisabeth Borne, c’est toute « l’aile gauche de la Macronie » qui risque de prendre le large.

Le plus extraordinaire, c’est que tous les éditorialistes de la place de Paris auront vu en la nomination de Gabriel Attal un énième « virage social ». Combien de fois ont-ils vendu père et mère pour ce virage social depuis 2017 ? Qu’importe les faits, la légende de « l’archange Gabriel » est déjà écrite : Attal, « l’homme à gauche de la Macronie », ce macroniste de la première heure qui, comme Jupiter, a fait ses armes du côté des socialistes… Seulement voilà, si Attal, comme Macron, vient bien du PS, l’affirmer revient avant tout à dire qu’il n’y est plus. Et surtout qu’il ne suffit pas de dire que l’on est quelque chose pour l’être. Mais cette fois-ci, contrairement à l’arnaque Élisabeth Borne (elle était de gauche, n’oubliez pas), Gabriel Attal ne fait même plus semblant. La quasi-totalité des ministres dits de gauche ont été évincés et la nouvelle équipe se compose notamment de…

Vautrin au Travail : au RPR en 1980

Darmanin à l’Intérieur : au RPR en 1998

Lecornu à la Défense : à l’UMP en 2002

Bergé en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les Discriminations : à l’UMP en 2005

Dati à la Culture : à l’UMP en 2006

Le Maire à l’Économie : à l’UMP en 2007

Lebec aux Relations avec le Parlement : à l’UMP en 2007

Béchu à la Transition écologique : à l’UMP en 2008

Des 14 ministres qui forment l’équipe de Gabriel Attal, huit proviennent des rangs de la droite. Pour autant – accrochez-vous bien ! –, Prisca Thévenot, porte-parole du gouvernement, n’a « pas l’impression » que le gouvernement Attal est « de droite » (vous aussi, n’avez-vous pas « l’impression » que la Terre est plate et que le Soleil tourne autour d’elle ?).

Alors que Libération acte « la fin du ‘en même temps’ » – il n’est jamais trop tard –, Challenges s’étonne d’un « demi-tour idéologique » et France Inter entonne le « crépuscule de l’aile gauche de Macron ». Mais où étaient-ils tous cachés depuis 2017 ? La meilleure réponse vient d’Emmanuel Macron en personne, cité par Le Point : « Je suis au clair. Qu’est-ce qu’il a, mon cap ? Il est le même depuis six ans. Qu’est-ce qu’ils ne comprennent pas ? »

Spoiler : les Macronistes de gauche ne vont rien faire

Mécontente de voir tous ses ministres évacués, l’aile gauche de la Macronie envisagerait une fronde. « Ce n’est plus du pragmatisme, c’est de la prostitution », commentait auprès de Libé un tenant de l’aile gauche la composition du gouvernement Attal 1. Selon Europe 1, « une trentaine de députés réfléchit même à quitter le groupe Renaissance pour monter son propre groupe de gauche. Clément Beaune ou Élisabeth Borne pourrait en prendre la tête ». Auprès de franceinfo, un conseiller ministériel se confie : « Il ne faut pas sous-estimer son pouvoir de nuisance ». La nuisance, est-ce dont tout ce qu’ils leur restent ?

Attention tout de même à ne pas faire montre d’un peu d’empathie. Un macroniste de gauche n’est pas un salopard. Il y croit réellement au macronisme originel, au « en même temps ». Clément Beaune, jusqu’alors ministre des Transports, pense dur comme fer qu’il peut infléchir la politique nationale à gauche en étant au gouvernement. C’était lui à l’initiative du groupe des ministres frondeurs contre la loi Immigration – vous savez, ceux qui devaient démissionner si elle passait et qui n’ont pas bougé, excepté Aurélien Rousseau. C’est presque émouvant tant de ferveur. Il faut donc prendre au premier degré l’idée qu’Élisabeth Borne, après avoir fait passer en force la réforme des retraites et fait sauter la digue avec la loi Immigration, sans parler des réformes du chômage, du RSA, des allocations, des dizaines de polémiques sur les violences policières ou Depardieu, celle-là serait la cheffe du macronisme de gauche. Il va falloir de bons arguments pour apparaître crédible aux yeux du public.

Car, malgré leurs pudeurs de gazelle, ils seront demain au rendez-vous pour s’en prendre encore aux minorités, aux droits fondamentaux, aux libertés publiques. Ils avaleront d’autres couleuvres. Quand bien même ils scissionneraient à l’Assemblée en créant leur groupe – ce qui ferait sûrement mal à l’égo d’Emmanuel Macron, mais pas tant à sa politique. Au mieux peut-on attendre d’eux un vote « contre », si Gabriel Attal ne leur impose pas ses 49.3. Comme si Emmanuel Macron avait besoin d’eux, quand son problème principal est qu’à force de siphonner LR et de mépriser François Bayrou et Edouard Philippe, il se met toute la droite à dos.

Car elle est bien là, la triste réalité du macronisme de gauche : à trop y croire, ils ne voient pas que les dindons de la farce, les premiers de cordée de cette tragi-comédie, c’est eux. Et après avoir insulté la gauche à chacune de leurs interventions télévisées, les macronistes de gauche quémanderont à nouveau que l’on construise un barrage à l’extrême droite en votant pour des candidats toujours plus à droite. Jusqu’à quand ?

Loïc Le Clerc


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