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La candidate du Nouveau Front populaire pour Matignon, Lucie Castets, a prôné mercredi un "changement de méthode" en faisant "confiance au travail collectif", manière de saluer la reprise de l’usine Duralex par ses salariés autant que d’appuyer ses ambitions gouvernementales.
La haute fonctionnaire de 37 ans, désignée la semaine dernière par les quatre formations du NFP, a rendu visite aux salariés de l’emblématique manufacture verrière dont le projet de reprise en Scop a été validé vendredi par le tribunal de commerce d’Orléans, sauvant 226 emplois.
Devant l’usine de vaisselle réputée incassable, à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), Mme Castets a fait part de "la nécessité d’un changement de méthode", réclamé par les salariés dans la direction de leur entreprise mais qui doit également s’appliquer selon elle à la conduite du pays. "On le porte, nous, Nouveau Front populaire. Et moi, personnellement, je porte un changement de méthode. Ce n’est pas qu’un slogan", a-t-elle martelé en disant vouloir "faire confiance davantage aux salariés et aux représentants syndicaux".
"Ça contraste beaucoup avec ce qui est fait aujourd’hui par le gouvernement sortant", a-t-elle ajouté.
Accompagnée des représentants de chaque parti du NFP - la cheffe des Ecologistes Marine Tondelier, le patron des socialistes Olivier Faure, les députés LFI Antoine Léaument et Hadrien Clouet ainsi que Léon Deffontaines, tête de liste communiste aux dernières européennes -, Lucie Castets a pris le temps de visiter l’usine dont elle a vanté "le savoir-faire".
Chaussures de sécurité aux pieds et veste de protection sur les épaules, elle s’est attardée sur les chaines de production en interrogeant sur la pénibilité dans des hangars, accablés par la chaleur du fait des fours.
"Duralex, c’est toute mon enfance, c’est regarder son âge au fond du verre à la cantine, c’est le bol de ma grand-mère dans lequel le buvais mon chocolat chaud", a-t-elle souri.
Alors que le ministre de l’Industrie démissionnaire Roland Lescure s’était interrogé sur cette visite, qu’il imaginait destinée à "saluer" l’action gouvernementale - 19 millions d’euros de soutien de l’Etat et des collectivités depuis 2022 -, Lucie Castets a admis que "tous les acteurs publics se sont mobilisés sur le dossier".
"C’est important de le reconnaître. C’est un gage que moi, je sais travailler avec d’autres gens, que quand les gens se mobilisent dans une bonne direction, alors on sait le reconnaître", a-t-elle encore glissé.
Emmanuel Macron, qui a invoqué une "trêve olympique", a pour l’instant opposé une fin de non recevoir à sa candidature, laissant le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal gérer les affaires courantes.
"On est au travail, on se prépare", a-t-elle pourtant insisté mercredi, quatre jours après un premier déplacement dans un quartier populaire de Lille.
Objectif : "mettre en place un rapport de force pour qu’elle soit nommée", explique son entourage qui rappelle que le NFP est arrivé en tête des législatives anticipées.
Sa majorité ultra relative l’expose toutefois, s’il devait être appelé aux affaires, à un risque de censure.
"L’idée, c’est de gouverner avec tous ceux qui auront envie de mettre en œuvre nos propositions", a expliqué Lucie Castets, promettant "des compromis" avec "toutes les personnes de bonne volonté qui partagent nos grandes orientations politiques".
"On redonnera toute sa place au travail parlementaire" : "discuter avec des gens qui ne sont pas nécessairement favorables au nouveau Front populaire mais aux grandes priorités qu’on porte", a-t-elle poursuivi, évoquant la revalorisation des rémunérations des "infirmières qui travaillent la nuit" ou celle des "enseignants".
Engagée notamment dans la défense des services publics, Lucie Castets s’était entretenue dans la matinée avec une intersyndicale CFDT, CGT, Unsa, FSU et Solidaires, notamment pour évoquer l’abrogation de la réforme des retraites.
Celle qui n’est pas encartée, et issue de la société civile, multiplie également les rencontres avec le milieu associatif pour discuter du programme.
"Il s’agit que les mesures proposées soient de plus en plus concrètes", commente une proche.
Inconnue du grand public il y encore dix jours, celle qui est à la tête de la Direction des finances de la mairie de Paris profite de la période estivale pour tenter de s’installer dans le paysage politique et d’obtenir du président de la République qu’il la nomme à Matignon.
AFP
BFM Business
Le tribunal de commerce d’Orléans, après avoir analysé les trois offres de reprise de la verrerie Duralex, a retenu vendredi la proposition de Société coopérative de production (Scop), soutenue par 60% du personnel et portée par la direction du site.
Ce projet de coopérative, qui a obtenu l’appui des élus locaux, dont celui de la région, prévoit le maintien de la totalité des emplois de l’entreprise placée en redressement judiciaire fin avril. L’entreprise comptait encore récemment 228 salariés mais une démission et un départ à la retraite ont porté ce chiffre à 226
Le tribunal a évoqué un "projet marketing et commercial cohérent et sérieux" avec des "garanties fortes", estimant que la Scop apparaît en mesure de maintenir les "activités des salariés dans des conditions réalisables".
La flambée des prix de l’énergie
Deux autres offres de reprise de ce fleuron de l’industrie française basé à La Chapelle-Saint-Mesmin près d’Orléans étaient en lice : celle de la SARL Tourres et Cie, détenue par Stéphanie et Adrien Tourres, qui prévoyait de conserver 183 salariés, et une offre émanant de Carlesimo
Duralex a régulièrement été confrontée à des difficultés financières depuis une vingtaine d’années.
Après une nouvelle procédure de redressement judiciaire il y a trois ans, l’entreprise a subi la flambée des prix de l’énergie après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d’euros de l’Etat.
En 2023, son chiffre d’affaires est tombé à 24,6 millions d’euros, contre plus de 31 millions en 2022.
L’entreprise, qui fut la fierté de la production industrielle française, qualifiée de "tour Eiffel de la vaisselle", était jusqu’alors aux mains de la Compagnie Française du Verre, également propriétaire de Pyrex, qui l’avait reprise à la barre de ce même tribunal en 2021.
Depuis avril, l’entreprise qui produit les verres iconiques est en redressement judiciaire. Une partie des salariés veut faire de la société une Scop, quand d’autres soutiennent le projet d’un repreneur. Le tribunal de commerce d’Orléans doit se prononcer le 26 juillet.
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Les fameux verres Duralex seront-ils désormais produits par une coopérative ? Vendredi 26 juillet, le tribunal de commerce d’Orléans doit se prononcer sur le sort de la célèbre verrerie du Loiret. Face au projet de société coopérative de production (Scop) porté par une majorité de salarié·es et par la CFDT, soutenus par les élus locaux, deux autres sociétés ont présenté des projets.
Tourres et Compagnie, détenue par le couple Stéphanie et Adrien Tourres, possède déjà deux verreries, l’une spécialisée dans le flaconnage de luxe, Waltersperger, en Seine-Maritime, et l’autre spécialisée dans l’art de la table, La Rochère, en Haute-Saône. Elles emploient à elles deux 140 salarié·es. La petite entreprise propose de reprendre la verrerie, mais en ne conservant que 183 des 227 salarié·es, et elle assure que des synergies seront opérées au sein du groupe pour réduire les coûts.
L’autre offre de reprise est portée par Carlesimo Investissements, groupe industriel qui possède également deux fonderies (Navylest International, spécialisé dans les quilles en plomb pour les bateaux, et Lory International) dans le département de la Loire. Elle prévoit la reprise de seulement 125 salarié·es, et ne semble pas devoir l’emporter.
Dans l’expectative, les salarié·es sont divisé·es. La CFDT, le syndicat majoritaire de l’entreprise, soutient la Scop, mais la CGT, deuxième organisation de la verrerie, estime que l’offre de Tourres et Compagnie est la plus viable. S’il y a une chose sur laquelle tous et toutes sont néanmoins d’accord, c’est la nécessité de ne pas reproduire les erreurs du passé.
La société française aux verres mythiques avait pris ses 227 salarié·es de court quand, en avril dernier, elle a annoncé placer la verrerie en redressement judiciaire, seulement trois ans après une précédente procédure, en septembre 2020. L’entreprise, qui comptait alors 248 salarié·es, avait finalement été rachetée par le groupe français International Cookware, renommé La Maison française du verre, également propriétaire de Pyrex. Et pourtant, les difficultés ne sont allées que grandissant.
En novembre 2022, les fours ont été mis en veille pour cinq mois, et les employé·es placé·es en chômage partiel, sur décision de la direction, prise à la gorge par la hausse des prix de l’énergie. Les quelque 15 millions d’euros d’aide de l’État pour sortir l’entreprise de la crise n’ont visiblement pas suffi. En 2023, le chiffre d’affaires de New Duralex International n’était que de 24,6 millions d’euros, en chute libre par rapport aux 31 millions de 2022.
Pour Suliman El Moussaoui, conducteur de machine pour la verrerie depuis dix-sept ans et délégué syndical CFDT, la chute du chiffre d’affaires ne peut pas être expliquée que par l’inflation. « Le fonctionnement de l’usine est chaotique depuis vingt ans. Chaque repreneur pensait à son intérêt propre et pas à celui de Duralex, assure-t-il. Et au niveau commercial, les directions successives sont restées sur leurs acquis sans chercher à innover vraiment. »
De son côté, François Dufranne, sableur et délégué syndical CGT, répète à propos de la verrerie pour laquelle il travaille depuis trente-deux ans : « C’est compliqué. » Outre le covid puis la hausse des prix de l’énergie consécutive à la guerre en Ukraine, il raconte surtout une reprise qui s’est mal passée.
« Je me souviens bien du plan industriel de Pyrex, ça avait l’air sérieux. Mais ils ont pensé que Duralex pouvait travailler comme Pyrex, proposer de nouveau produits du jour au lendemain. Sauf que chez Pyrex, ils peuvent changer la fabrication en deux heures de temps, parce qu’ils travaillent du verre recuit, pointe-t-il. Nous, on a le trempage du verre à faire, quand on fait un changement, c’est beaucoup plus long. Et avec seulement deux lignes de production, nous sommes obligés de produire de gros volumes. »
« On est dans une entreprise où il manque un étage, complète un ancien membre de la direction. Nos produits sont commercialisés dans peu de magasins. On n’a pas d’équipes en interne pour le marketing, pour le commercial, pour trouver de nouveaux marchés, pour innover. C’est à cause de ça aussi que notre entreprise stagne. »
Un rapport sur l’état de la verrerie a été mené par un cabinet extérieur sur commande de la direction en 2022, et les constats abondent dans le sens des syndicalistes : « À ce jour, au niveau industriel, Duralex est “abandonné” : aucun projet d’amélioration des performances n’est en cours, les équipes ne sont plus accompagnées… » Ce rapport indépendant resté confidentiel n’a jamais été communiqué entièrement aux représentant·es du personnel.
Lors de l’audience de présentation des différents projets, qui a eu lieu le 17 juillet au tribunal de commerce d’Orléans, deux visions se sont affrontées. Le projet de Scop, porté par l’actuelle direction du site – notamment par le directeur, François Marciano – a soulevé les passions. Devant le tribunal, nombre de salarié·es affichaient leur préférence pour ce projet, chasubles à la gloire de la Scop sur le dos. C’est peu étonnant : il s’agit du seul projet de reprise prévoyant le maintien de tous les emplois. Sur le volet industriel, les défenseurs de la Scop promettent de « diversifier l’offre de produits », « étendre les marchés » et « développer les partenariats ».
« Vous ne trouvez pas bizarre que ce soit l’ancien directeur qui, soudainement, ait plein d’idées et veuille tout changer alors qu’il est aux manettes depuis des années ? », interroge, agacé, le délégué syndical CGT. Et François Marciano de se défendre : « Je n’étais pas décisionnaire, je suis directeur de site salarié. Je suis l’intendant, je gère les bâtiments, la sécurité, les relations avec les clients, mais je ne pilote ni le commercial, ni l’industriel, ni le marketing… Tout cela était géré par les managers de La Maison française du verre. »
Pour Suliman El Moussaoui, de la CFDT, « se faire racheter présente de toute façon des risques ». Alors autant y aller en étant entouré des collègues, « qui connaissent Duralex mieux que personne ». « On prend notre destin en main. On veut montrer aux anciens dirigeants que nous, on peut réussir », lance-t-il. Déjà 140 salarié·es ont mis la main à la poche pour acheter une part de l’entreprise. La mise minimale est de 500 euros, payable en plusieurs fois. Certain·es ont d’ores et déjà mis davantage au pot.
Les salarié·es ont pour l’instant 60 000 euros disponibles. C’est loin d’être suffisant pour obtenir des prêts de la part des banques et se positionner comme racheteurs potentiels de la verrerie. Alors, une ribambelle d’acteurs publics ont mis la main à la poche. La région Centre-Val-de-Loire a accordé une avance remboursable de 1 million d’euros et a apporté, en participation, l’équivalent des sommes mises sur la table par les salarié·es.
« Nous soutenons le projet et avons accordé cette aide financière pour que les banques comprennent bien que le projet est solide et soutenu par la région », commente François Bonneau, président socialiste du conseil régional. Les garanties aux prêts bancaires ont été fournies par la Banque publique d’investissement. La métropole d’Orléans, elle, s’est engagée à racheter le foncier, qu’elle louera à la Scop en attendant qu’elle puisse le reprendre. Le coût est évalué entre 5 et 7 millions d’euros.
« On parle beaucoup de relocalisation, de faire revenir des entreprises sur le territoire, mais il faut déjà se battre pour maintenir celles qui sont déjà là, ajoute François Bonneau. Duralex, c’est une industrie historique et emblématique de la région. Là, on a 227 salariés complètement passionnés par leur verrerie, on les soutient. »
Mais là encore, la CGT se montre fort méfiante. « Je trouve que la présentation de la Scop devant le tribunal de commerce était beaucoup trop politique. C’était le show, estime François Dufranne. Je ne leur fais pas vraiment confiance pour l’avenir de Duralex. Ils sont là maintenant, mais quand on sera en difficulté dans un ou deux ans, la région et la métropole seront-elles toujours à nos côtés ? »
Pis, l’ouvrier imagine un avenir sombre où la verrerie pourrait être remplacée par des lotissements : « Dans quelques années, si Duralex ne tient pas, qu’est-ce qui empêchera la métropole de récupérer le foncier pour y construire des logements ? » La section CGT croit davantage dans l’offre du couple Tourres. Même si leur proposition actera le licenciement d’une quarantaine de salarié·es.
« Évidemment qu’on est contre les licenciements, c’est le gros point noir de la proposition, indique François Dufranne. Mais leur projet est le seul qui tienne au niveau industriel. Ils ont déjà des verreries, ils savent faire. Qu’est-ce qui est mieux ? Perdre quarante salariés maintenant, ou voir notre verrerie fermer totalement dans quelques années, avec le risque que tout le monde se retrouve sur le carreau ? »
Pour son homologue de la CFDT, ces inquiétudes ne sont pas fondées. « Il est trop pessimiste », balaie le délégué syndical CFDT, qui se voit déjà salarié-dirigeant de la future coopérative Duralex. « Je pense vraiment que la région et la métropole mouillent la chemise et veulent nous accompagner pour le maintien de cette industrie dans la région », défend lui aussi l’actuel directeur du site, François Marciano.
Khedidja Zerouali
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