"Quand Marx nous aide à penser la dévastation sociale que Trump et Musk nous préparent"

lundi 10 février 2025.
 

La récente victoire de Donald Trump recouvre un énorme paradoxe. Elle va coûter très cher aux personnes de condition modeste qui ont cru devoir voter pour lui. Comme le soulignait Karl Marx, à toute époque, l’idéologie dominante tend à être celle de la classe dominante, qui détient l’essentiel des moyens d’assurer son hégémonie idéologique. En général, donc avec de rares exceptions, les bénéficiaires d’un système votent selon leurs intérêts propres. Quant aux exploités, victimes de ce système, ce n’est pas le cas, et une minorité mise à part, ils tendent à voter pour ceux qui les exploitent, c’est-à-dire à rebours de leurs intérêts d’exploités.

Tel est le tour de magie que permet la possession des grands moyens de conditionnement par les plus riches. Le capitalisme totalement dérégulé que préparent Donald Trump et Elon Musk va externaliser les coûts sociaux, écologiques, et humains de leur frénésie de profit, ainsi dopée au détriment des plus pauvres. Ajoutons la réduction drastique de la dépense publique, mot d’ordre ânonné par les ultralibéraux pour détruire les services publics, déjà bien faibles aux États-Unis, et nous pouvons imaginer la dévastation sociale qui se prépare.

Un triple coût

La notion de « coût social », clairement pensée par Karl Marx dans Le Capital (1867), côtoie désormais celle de coût écologique et de coût humain du profit capitaliste. Interrogeons-nous sur les dommages d’une économie qui sous prétexte d’efficience réduit l’humain à une simple « ressource » (les fameuses « ressources humaines ») voire au résidu facultatif d’une logique obsessionnelle de profit.

« Faisons d’abord une bonne économie, on verra ensuite s’il est possible de faire du social » : telle est l’affirmation fréquente, et symptomatique, des « experts » qui congédient l’humain hors de l’activité économique. Ils ne veulent considérer celle-ci qu’à l’aune d’une approche comptable et financière.

La quête de profit a pourtant des conséquences néfastes pour les hommes qu’elle réduit à des instruments de production. Contrairement au principe de responsabilité cher à Hans Jonas, elle n’assume pas les coûts écologiques, humains et sociaux d’une telle réduction. Étonnante irresponsabilité que cette « externalisation » de coûts très réels, qui ne figurent donc pas dans les livres de compte des entreprises, et ce, pour le plus grand bien de leurs actionnaires.

Ces coûts vont peser sur la puissance publique, dont pourtant le néo-libéralisme récuse par principe l’intervention dans le champ économique. Qui donc assiste qui ? C’est l’économie capitaliste qui est assistée. De fait, les dommages causés à la santé et à l’équilibre nerveux des producteurs, mais aussi aux équilibres écologiques, ne sont pas pris en charge par les auteurs de l’initiative capitaliste. N’oublions pas les 35 suicidés de France Télécom qui ne purent supporter les méthodes de leur PDG Didier Lombard, dont la Cour de cassation vient de confirmer la condamnation le 21 janvier 2025. Tel est l’impensé du néo-libéralisme, qui baptise liberté le droit d’exploiter sans règles ni limites.

Les âges du capitalisme

Un peu d’histoire. Le premier âge du capitalisme, à l’époque de la première révolution industrielle, était celui d’une exploitation débridée des ouvriers, sans aucune régulation de la durée du travail et de ses conditions. Guizot proclamait alors « Enrichissez-vous ! », comme Emmanuel Macron nommé ministre de l’Économie et des Finances par François Hollande, conseillant d’emblée aux jeunes étudiants de rêver d’être milliardaires.

Le second âge du capitalisme, celui du compromis des Trente Glorieuses entre la logique du profit et les droits sociaux conquis de haute lutte, qui la tempèrent et l’humanisent, a laissé la place aujourd’hui au troisième âge, celui du néo-libéralisme qui entend déconstruire le code du travail, les droits sociaux et les services publics. Le retour de l’argent roi dans le cadre de la mondialisation capitaliste consiste à noyer l’humain « dans les eaux glacées du calcul égoïste », selon la formule du Manifeste du Parti communiste de 1848.


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