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On se rappelle qu’à peine investi, Trump a pensé montrer au monde sa puissance sur les faibles en renvoyant par avions militaires des migrants colombiens à Bogotá. Refus de survol du pays par Gustavo Petro, président colombien. Invoquant la dignité des personnes à bord et les conditions de leur transfert. « Ils sont Colombiens, libres et dignes, dans leur pays qui les aime. Un migrant n’est pas un délinquant, mais un être humain qui veut travailler, évoluer et vivre sa vie », a-t-il déclaré après avoir envoyé des avions civils aux USA pour les rapatrier.
C’est maintenant sur le terrain culturel, de la langue et des idées que le Président Petro mène la bataille avec Trump et l’impérialisme américain. Avec une lettre aux accents glissantiens (Édouard Glissant) de « L’intraitable beauté du monde/adresse à Barack Obama ». Sa lettre ci dessous mobilise les foules en Amérique du Sud. Elle circule et est lue dans des théâtres, dans la rue… Elle réveille les consciences. Elle illustre que la langue et la culture sont aussi des armes de combat et que nous en priver, c’est nous affaiblir. Elle rappelle que David a sa chance contre Goliath. Ce jour où Trump annonce sa volonté de colonisation de Gaza et de la transformer… en « Côte d’Azur du Moyen-Orient ». Elle fait vivre que nous sommes les plus nombreux.
La lettre du Président Petro est politique et poétique. Elle questionne l’état des choses et des forces existantes. Ses emprises. Ses représentations. Ses aliénations. Tout ce dont les pouvoirs néolibéraux se servent pour asseoir leur domination économique et idéologique. Elle convoque un avenir impensable à changer, sans imaginaire, sans sensible, sans symboles et concepts nouveaux. Elle invoque le courage, la fierté et la joie. Le Président Petro et la Colombie ouvrent une voie. L’insoumission se fait le relais du Président Petro dans ses colonnes.
Par Laurent Klajnbaum
Lettre ouverte de Gustavo Petro, président colombien, à Donald Trump. Elle a un énorme succès en Colombie et en Amérique Latine
« Trump, je n’aime pas trop voyager aux États-Unis, c’est un peu ennuyeux. Mais j’avoue qu’il y a des choses louables. J’aime aller dans les quartiers noirs de Washington, où j’ai vu une bagarre entre noirs et latinos avec des barricades. Ce qui me semblait absurde, parce qu’ils devraient s’unir ensemble.
J’avoue que j’aime bien Walt Whitman, Paul Simon, Noam Chomsky et Henry Miller. J’avoue que Sacco et Vanzetti, qui ont mon sang, sont mémorables dans l’histoire des USA et je les suis. Ils ont été condamnés à la chaise électrique, assassinés par les dirigeants fascistes des USA.
Je n’aime pas votre pétrole, Trump. Vous allez anéantir l’espèce humaine à cause de votre avidité. Peut-être qu’un jour, autour d’un verre de whisky, que j’accepterais malgré ma gastrite, on pourra en parler franchement. Mais c’est difficile, car vous me considérez comme une race inférieure. Ce que je ne suis pas, ni aucun colombien.
Donc, si vous connaissez quelqu’un qui est têtu, c’est moi. Point final. Vous pouvez essayer de réaliser un coup d’État contre moi, avec votre force économique et votre arrogance. Comme vous l’avez fait avec Salvador Allende, au Chili. Mais je mourrai sans peur. J’ai déjà résisté à la torture et je vous résisterai.
Je ne veux pas d’esclavagistes à côté de la Colombie. On en a eu beaucoup et on s’en est libérés. Ce que je souhaite, à côté de la Colombie, ce sont les amoureux de la liberté. Si vous ne pouvez pas m’accompagner sur ce terrain, nous vous quitterons. La Colombie est le cœur du monde et vous n’avez pas compris que, c’est la terre des papillons jaunes, de la beauté des Remedios, mais aussi des Aureliano Buendía (résistant du roman de Cent ans de solitude de Federico Garcia Marquez, figurant un personnage qui se lève contre l’oppression), dont je suis l’un des représentants, comme tous les Colombiens.
Vous allez peut-être me tuer, mais je survivrai dans mon peuple, qui existait avant le vôtre, en Amérique. Nous sommes des peuples des vents, des montagnes, de la mer des Caraïbes et de la liberté. Vous n’aimez pas notre liberté ?!
OK, je ne vous serre pas la main, car je ne serre pas la main des esclavagistes blancs. Je serre la main des héritiers libertaires blancs d’Abraham Lincoln et des fermiers noirs et blancs des États-Unis. Sur les tombes desquels j’ai pleuré et prié, sur un champ de bataille que j’ai atteint après avoir parcouru les montagnes de la Toscane italienne et après avoir été sauvé du Covid.
Ils sont les vrais États-Unis et devant eux, je m’agenouille, mais devant personne d’autre. Renversez-moi, Président Trump. Les Amériques, toutes entières, et l’humanité vous répondront.
La Colombie arrête maintenant de regarder vers le nord (ndr/ Les États-Unis), et regardera vers le monde. Notre sang vient de loin avec une longue histoire, du sang du califat de Cordoue, des latins romains, de la méditerranée, de la civilisation de cette époque, qui a fondé la République, la Démocratie à Athènes. Notre sang vient de la Résistance des noirs. Ces combattants sont devenus esclaves de votre fait. Mais la Colombie a été le premier territoire libre de l’Amérique, bien avant George Washington, de toute l’Amérique. Je me réfugie dans ses chants africains.
Ma terre est composée d’orfèvres qui travaillaient au temps des pharaons égyptiens et des premiers artistes au monde à Chiribiquete.
Vous ne nous gouvernerez jamais.
Le guerrier qui a chevauché nos terres en clamant la Liberté s’appelle Bolivar et s’oppose à vous.
Notre peuple est un peu craintif, un peu timide. Il est naïf et gentil, aimant, mais il saura comment gagner le canal de Panama, que vous nous avez pris avec violence. Deux cents héros de toute l’Amérique latine se trouvent à Bocas del Toro, le Panama d’aujourd’hui, anciennement Colombie, que vous avez assassiné.
Je lève un drapeau. Et, comme l’a dit Jorge Eliécer Gaitán, même s’il reste seul, il continuera d’être hissé avec la dignité latino-américaine qui est la dignité de l’Amérique. Ce que votre arrière-grand-père ne connaissait pas, le mien l’a fait, monsieur le président. Votre blocus ne me fait pas peur, car la Colombie, en plus d’être le pays de la beauté, est le cœur du monde. Je sais que vous aimez la beauté comme moi. Ne lui manquez pas de respect et donnez-lui votre douceur.
À partir d’aujourd’hui, la Colombie est ouverte au monde entier, avec les bras ouverts. Nous sommes des bâtisseurs de liberté, de vie et d’humain. On m’informe que vous imposez un tarif de 50 % sur les fruits de notre travail humain pour entrer aux États-Unis. Je fais de même : 50 % sur tous vos produits. Notre peuple plantera du maïs en Colombie et nous nourrirons le monde. »
Gustavo Petro, président de la République de Colombie
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