Dès 1993, l’État a été alerté des maltraitances de Bétharram

samedi 1er mars 2025.
 

Selon les informations de Mediapart, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques a été alertée dès 1993 d’un grave cas de violence physique : un surveillant a perforé le tympan d’un élève. François Bayrou, alors ministre de l’éducation et président du département, n’avait pas réagi.

David Perrotin et Antton Rouget

https://www.mediapart.fr/journal/fr...[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20250219-203313&M_BT=1489664863989

Après avoir reçu des victimes de Notre-Dame-de-Bétharram dans sa mairie de Pau (Pyrénées-Atlantiques), samedi 15 février, François Bayrou s’est dit « bouleversé », réitérant qu’il ignorait tout des violences, physiques comme sexuelles, subies par les élèves de l’établissement catholique. Les maltraitances y étaient pourtant si courantes qu’elles ont donné lieu à plusieurs procédures judiciaires.

On connaissait celle lancée par Jérôme*, un parent d’élève ayant remué ciel et terre pour obtenir la condamnation, en 1996, du surveillant général du pensionnat qui avait frappé et humilié son fils Marc, malgré l’intense campagne menée par les notables de la région pour défendre l’institution. L’enfant a définitivement perdu l’audition d’une oreille.

On découvre désormais que l’école Notre-Dame-de-Bétharram avait déjà été condamnée par la justice en 1993, à une époque où François Bayrou était déjà ministre de l’éducation nationale et président du conseil général, à indemniser un élève qui avait, lui aussi, reçu des coups sur la tête de la part d’un surveillant. L’adolescent en question, Jean-Baptiste*, alors âgé 13 ans, a eu le tympan perforé.

Les faits se sont déroulés le 24 juin 1993, autour de 20 h 50, dans le dortoir du collège, et les blessures ont été constatées le lendemain par un ORL de Pau, qui a conclu à une incapacité totale de travail (ITT) de huit jours en raison d’une « perforation postéro-inférieure tympanique », d’après les documents consultés par Mediapart.

Un mois plus tard, un second médecin constatait que la cicatrisation de la plaie n’était toujours pas effective, et Jean-Baptiste devait continuer d’être soigné. Dans ce contexte, le tribunal de grande instance de Pau condamne, le 2 décembre 1993, Notre-Dame-de-Bétharram à verser une provision de 10 000 francs (environ 2 500 euros) au père de la victime pour les blessures occasionnées, dans l’attente d’expertises complémentaires pour une évaluation précise du préjudice.

C’est à ce moment-là que l’État est officiellement alerté de l’affaire : l’établissement catholique saisit directement le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Jean-François Denis, pour que l’État participe à l’indemnisation. Cette demande pour le moins audacieuse est formulée par le directeur de l’établissement, le père Carricart (lequel sera ensuite directement mis en cause pour des viols), qui développe le raisonnement suivant : le collège étant lié à l’État par un contrat d’association, la responsabilité de l’État peut se substituer à celle des personnels de Notre-Dame-de-Bétharram.

Sollicité par Mediapart pour savoir ce qu’il est advenu de cette saisine, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques ne nous a pas répondu à l’heure du bouclage de cet article.

Bayrou, président du département

Quoi qu’il en soit, cette sollicitation prouve qu’en 1993, alors que François Bayrou est ministre de l’éducation nationale depuis déjà neuf mois et préside le conseil général, l’État est informé des violences dans l’établissement où travaille aussi l’épouse de l’élu le plus puissant du Béarn. Pourtant rien ne se passe, ni au niveau du rectorat ni au niveau des services de protection de l’enfance (sous la responsabilité du président du conseil général).

Il faut attendre 1996 pour que, à la faveur d’une nouvelle affaire de violences, les services réagissent à la médiatisation de l’affaire. Comme Mediapart l’a raconté sur la base des archives de l’époque, l’inspecteur d’académie des Pyrénées-Atlantiques de l’époque, Pierre Polivka (engagé à l’UDF, le parti de François Bayrou), annonce publiquement en avril 1996 qu’un contrôle va être réalisé, tout en expliquant d’emblée que son rôle est de « veill[er] sur la qualité de l’enseignement pédagogique » et « s’arrête là ».


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