L’allocution de Sarkozy au Vatican s’attaque à la laïcité de la République (8 articles d’analyse et allocution du nouveau chanoine)

jeudi 3 janvier 2008.
 

1) Nicolas Sarkozy a tenu au Latran un discours inquiétant pour la laïcité (par Henri Pena-Ruiz)

2) Sarkozy, le pape et Carla, par Vincent Présumey

3) Communiqué de L’OBSERVATOIRE CHRETIEN DE LA LAICITE

4) Laïcité : l’approche sarkozyenne dans le discours du Latran

5) Nicolas Sarkozy, la république, les religions, l’espérance

6) Nicolas Sarkozy veut remettre la religion au cœur de la vie de la cité

7) Nicolas Sarkozy président, plus près de toi, seigneur

8) Pour un Mickey de Neuilly enivré de pouvoir, pour un accro du show et du biz, la République peut bien n’être qu’un « jouet technologique"

8) Allocution de Nicolas Sarkozy

1) Nicolas Sarkozy a tenu au Latran un discours inquiétant pour la laïcité (par Henri Pena-Ruiz)

Durant la campagne présidentielle, le candidat Sarkozy n’a eu de cesse de revendiquer son appartenance religieuse : « Je suis de culture catholique, de tradition catholique et de confession catholique », déclarait-il en novembre 2004, à la veille de la parution de son livre la République, les religions et l’espérance. Jeudi 20 décembre, Nicolas Sarkozy s’est rendu au Vatican pour sa première visite officielle au pape Benoît XVI. Sa rencontre avec le chef suprême de l’Église catholique romaine a été l’occasion pour le président de la République laïque de « redire son respect et son attachement à la question spirituelle », que le chef de l’État a « toujours considérée » comme étant « au coeur de la vie de nos concitoyens ». Fait « unique chanoine d’honneur de la basilique Saint-Jean-de-Latran », Nicolas Sarkozy y a tenu un discours inquiétant pour la laïcité.

Qu’est-ce qui vous a frappé dans le discours de Nicolas Sarkozy, qui déclare, parlant de la visite du pape en France l’an prochain : « Je suis comptable de tous les espoirs que cette perspective suscite chez mes concitoyens catholiques » ?

Henri Pena-Ruiz. Le premier choc, c’est le non-respect de la déontologie, de la part d’un président de la République qui se déclare « président de tous les Français » mais qui, ostensiblement, accorde un privilège public de reconnaissance à ceux des Français qui sont croyants. Cela veut dire que les athées ou les agnostiques sont moins bons que les autres, qu’ils n’ont pas bien compris ce qu’est la vie, n’ont pas choisi la bonne spiritualité ? C’est très choquant du point de vue de la citoyenneté. L’exigence qui incombe à un président de la République, certes élu par une majorité des Français, est de les représenter tous. Nicolas Sarkozy ne le fait pas. La deuxième chose, c’est une transgression de la limite privé-public. Le croyant Nicolas Sarkozy est tout à fait libre de croire, et personne ne lui conteste cela. Mais il n’a pas à ériger sa croyance personnelle en référence obligatoire de toute la France, de toute la République. C’est une faute grave du point de vue de la déontologie politique : le président ne respecte pas l’exigence d’universalité, de représentativité de tous les Français.

C’est ce qui apparaît dans le passage où le chef de l’État évoque sa « conviction profonde » d’une « frontière entre la foi et la non-croyance », qui ne serait pas « entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas » mais « traverse(rait) chacun de nous » ?

Henri Pena-Ruiz. Le problème avec Nicolas Sarkozy c’est justement que ce qu’il appelle sa « conviction profonde » est érigé en voie officielle de la France. Visiblement il est incapable de tracer la ligne de démarcation entre ce que personnellement il croit et ses fonctions de président de la République. À cet égard, son attitude tranche avec celle de ses prédécesseurs : jamais le général de Gaulle, François Mitterrand ou même Jacques Chirac n’ont confondu leurs croyances personnelles et leurs fonctions officielles. Dans une République, les personnes qui représentent la nation, à un titre ou un autre, doivent observer un devoir de réserve. Professeur dans un établissement public, je n’ai pas à faire état de mes croyances personnelles dans l’exercice de mes fonctions. Ce qui s’applique aux enseignants, aux fonctionnaires, doit s’appliquer au premier magistrat de la République.

La « République laïque » a-t-elle vraiment « sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle », comme le pense Nicolas Sarkozy ?

Henri Pena-Ruiz. Il alimente une confusion constante entre spiritualité et religion. La spiritualité, c’est la vie de l’esprit, la vie de la conscience humaine qui s’affranchit de l’immédiat. Elle est irréductible à la religion. La religion est une forme de spiritualité parfaitement respectable, mais il y en a d’autres. Un artiste qui crée des oeuvres qui dépassent les limites du vécu immédiat, de l’utilité immédiate, fait oeuvre spirituelle. Un savant qui élucide les lois du réel ou un philosophe qui réfléchit sur les principes de la lucidité et de la sagesse font aussi oeuvre spirituelle. À entendre Nicolas Sarkozy, il n’y aurait de spiritualité que religieuse, puisqu’à aucun moment il ne cite d’autre forme. Il alimente également la confusion entre religion et pouvoir spirituel. Si la religion est respectable, c’est en tant que démarche spirituelle, pas en tant que credo obligé, imposé par le pouvoir temporel. Il fait vivre une confusion que l’émancipation laïque avait brisée, entre la libre spiritualité et le privilège public, officiel, de la religion.

N’existe-t-il pas un risque, lorsque le président d’une République laïque souligne la « désaffection des paroisses rurales », le « désert spirituel des banlieues », la « disparition des patronages », de le voir confier à la religion un rôle de régulateur social ?

Henri Pena-Ruiz. Le « désert spirituel des banlieues » instille l’idée que l’on peut avoir une politique sociale catastrophique, par la disparition des services publics, par le retrait de l’État de ses fonctions sociales de production d’égalité, etc. ; à condition de confier à la religion un rôle de lien social. De « supplément d’âme d’un monde sans âme », comme disait Marx. On reconnaît là cette idéologie très typique qui associe l’ultralibéralisme et le complément caritatif. Mais les banlieues n’ont pas besoin de plus de religion, de plus de charité, elles ont besoin d’une véritable politique de promotion de l’égalité sociale. Ce qui ne veut pas dire égalitarisme, mais renforcement de la présence de l’État. On sait que le projet européen actuel prévoit la concurrence privée de tous les services publics, ce qui sera une dénaturation, car lorsqu’un service public n’est plus assujetti qu’à l’impératif de compétitivité économique, sa finalité sociale est reléguée au second plan. Comme on a par ailleurs une mondialisation capitaliste tout à fait indifférente à l’humanité, la seule solution qui restera sera « le supplément d’âme d’un monde sans âme », l’aspiration à l’infini : dans le monde fini, vous êtes malheureux, dans le monde infini, vous serez heureux. C’est la réapparition, très naïve, de la fonction qui était dévolue à la religion dans les sociétés traditionnelles, de compensation par la référence à un au-delà après la vie temporelle. C’est un retour à une formule éculée. Alors que la religion pourrait être une forme d’interrogation sur la condition humaine, qui interviendrait sur la base d’une vie accomplie. Que les hommes, une fois assurée leur dignité dans la vie concrète, temporelle, se tournent librement vers la religion comme réflexion sur la finitude humaine, c’est très respectable. De la même façon, d’autres peuvent conclure, comme Albert Camus ou Jean-Paul Sartre, à l’humanisme athée, où, tout en étant conscient de sa finitude, l’homme produit quelque chose qui le dépasse. Avec Nicolas Sarkozy, on n’est pas du tout dans cette perspective. On est dans l’idée bushienne, ou thatchérienne, d’une religion qui joue un rôle d’intégration sociale. On n’a pas à déléguer la paix des banlieues à l’intervention des responsables religieux locaux. La paix des banlieues se construit par la justice sociale, le développement des services publics, la construction de logements sociaux, le désenclavement des cités... Ce n’est pas du tout la direction que l’on prend.

C’est une constante chez lui : Nicolas Sarkozy a une fois de plus adapté son discours à l’auditoire.

Henri Pena-Ruiz. Absolument. Mais là il dit des choses scandaleuses, choquantes à tous égards. Sarkozy parle du respect des racines chrétiennes de la France et évoque pêle-mêle l’art, les traditions populaires, l’activité intellectuelle... Il ne cite d’ailleurs que des intellectuels catholiques. C’est scandaleusement discriminatoire : on passe sous silence Sartre, Camus, etc. Monsieur Sarkozy réécrit singulièrement l’histoire. Je pense par exemple à ce héros que fut le jeune communiste athée Guy Môquet, qui n’hésita pas à engager sa vie pour défendre la liberté de notre pays. Il doit se retourner dans sa tombe d’entendre Nicolas Sarkozy dire que, quand on ne croit pas en Dieu, on n’a pas d’espérance, parce qu’on ne s’adosse pas à une perspective de l’infini. Alors que Guy Môquet avait des valeurs, était capable de dépasser l’immédiateté de sa condition de jeune homme pour penser le devenir de l’humanité. Ce qu’il dit aujourd’hui est insultant pour Guy Môquet comme pour toutes les personnes qui agissent dans notre monde pour plus d’humanité et de justice, mais qui ne croient pas en Dieu. D’un seul coup, ils se retrouvent relégués à la condition d’hommes n’ayant pas compris ce qui est bon, ce qui est important pour la spiritualité. C’est très choquant, politiquement et moralement.

Un passage du discours de Latran fait écho à celui de Constantine, dans lequel Nicolas Sarkozy ne voit les civilisations qu’à travers le filtre de leurs religions dominantes : le Maghreb c’est l’islam, l’Europe c’est la chrétienté. À Latran, il reprend à son compte la possibilité d’un « choc des civilisations ». Y voyez-vous une dérive ?

Henri Pena-Ruiz. On est en pleine confusion idéologique. Ce qui est dramatique, c’est qu’il reprend à son compte la thèse de Samuel P. Huntington, auteur de The Clash of Civilizations (le Choc des civilisations - NDLR), de façon communautariste, en réduisant les civilisations à leurs religions dominantes. Mais la civilisation française, ce n’est pas seulement les racines chrétiennes. Qu’est-ce qui a permis de déboucher sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le 26 août 1789 ? La philosophie des Lumières. Or elle véhicule la thèse du droit naturel, qui vient du droit romain, distinguant res privata et res publica. Ce droit vient de la philosophie stoïcienne préchrétienne. Les idéaux de la modernité, comme la démocratie, inventée en Grèce au VIe siècle avant Jésus-Christ, ne viennent pas du christianisme.

Mais il est une composante de notre identité française ?

Henri Pena-Ruiz. Évidemment que le christianisme a joué un rôle dans le développement de l’Occident ! Pas seulement positif d’ailleurs. C’est en Occident qu’on a inventé le thème du peuple déicide créant l’antisémitisme, la notion d’hérésie et les bûchers de l’Inquisition, l’index des livres interdits... Giordano Bruno brûlé vif en place de Rome en 1600, Galilée obligé de se rétracter sur le mouvement de la Terre en 1632 sous peine d’être condamné à mort, les 3 500 protestants massacrés à Paris lors de la nuit de la Saint-Barthélémy, les assassinats légaux du chevalier de La Barre, de Callas...

Se placer uniquement du point de vue des catholiques est donc une erreur.

Henri Pena-Ruiz. Tout ce qui est partiel est partial. C’est une lecture à sens unique de l’histoire de parler de « souffrance des catholiques » et de passer sous silence les violences innombrables de 1 500 ans, non pas de catholicisme, mais de pouvoir temporel de l’Église. On ne compte pas le nombre de victimes du cléricalisme politique. Les vraies violences sont là. En 1864 encore, dans le Syllabus, le pape Grégoire XVI lance l’anathème contre la liberté de conscience et les droits de l’homme...

Peut-on parler de « souffrance des catholiques » à propos de la loi du 9 décembre 1905 instaurant la séparation de l’Église et de l’État ?

Henri Pena-Ruiz. C’est invraisemblable ! D’abord cette loi a été faite par des gens qui n’étaient pas forcément athées : Jean Jaurès, Aristide Briant ou Ferdinand Buisson ont certes évolué vers la libre-pensée, mais même chez Jaurès il y a des accents quasiment déistes dans certains textes. La seule « violence » a été la neutralisation des édifices publics, c’est-à-dire qu’on a enlevé les crucifix des palais de justice, des mairies... C’est une façon pour la République de dire que la croyance n’engage que les croyants et que ses symboles doivent être communs à tous les hommes. Les historiens, de quelque bord que ce soit, sont d’accord pour reconnaître que cette loi a été équitable et généreuse. On a même laissé à la disposition des croyants leurs lieux de culte alors qu’ils étaient propriété de l’État ! On n’attendait aucun loyer pour la jouissance de ces lieux, alors que les municipalités sont chargées de les entretenir lorsqu’ils existaient avant 1905. En principe, si l’Église veut construire un nouveau lieu, c’est à elle de le financer.

Ce discours (comme les écrits précédents de Nicolas Sarkozy) montre-t-il que la loi de 1905 pourrait, sinon être réécrite,du moins être aménagée ? Est-ce la fin de la laïcité à la française ?

Henri Pena-Ruiz. Le risque est présent, malgré la réaffirmation par Nicolas Sarkozy de son souci de ne pas y toucher. On ne peut pas être complètement rassuré par cette affirmation, dans la mesure où l’ancien ministre de l’Intérieur et des Cultes, Nicolas Sarkozy, avait mis sur pied et approuvé les conclusions de la commission Machelon, qui propose une révision de la loi, pudiquement baptisée « toilettage ». Si on réécrit l’article 2, ce n’est pas un toilettage, c’est une destruction : l’État ne doit pas subventionner la construction de lieux de culte. Or Nicolas Sarkozy, qui ne cesse de dire qu’il veut redonner plus d’importance publique à la religion, a des projets qui reviennent constamment, comme le financement de la construction de mosquées, au motif que les musulmans n’ont pas assez de lieux de culte. Mais si on le fait pour une religion, il faudra le faire pour toutes les autres, au nom du principe d’égalité républicaine. La vraie solution est sociale. Toutes les personnes issues de l’immigration maghrébine ou turque, celles qui comptent le plus de musulmans, doivent jouir de la plénitude de leurs droits sociaux. Si les biens publics (santé, culture, logement...) leur sont accessibles, sans discrimination, les croyants, faisant des économies sur ces budgets, que l’État assumerait, pourraient d’autant plus librement se cotiser pour financer leurs lieux de culte. Selon une enquête conjointe du CEVIPOF et de Sciences Po, seulement 17 % des personnes se reconnaissant dans l’islam pratiquent dans des lieux de culte. Faut-il financer uniquement cette minorité ?

Entretien réalisé par Grégory Marin pour L’Humanité

2) Sarkoky, le pape et Carla, par Vincent Présumey

Désolés, chers lecteurs. Ce titre pourrait vous promettre du croustillant, au moins qu’on se foute un peu de leur gueule à ces profiteurs peu reluisants. Mais il ne s’agit ici que de colère.

Car ce que Sarkozy est allé raconter sous le nez du pape est d’un niveau de gravité au moins égal à celui de ses déclarations de campagne électorale sur le caractère "génétique" de la pédophilie et du suicide des ados. Quelques extraits commentés seront utiles.

Notons d’abord, mais on le savait déjà, que Nicolas Sarkozy est un ignorant : « C’est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l’Eglise. Les faits sont là (sic !!!). En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de la France et sur la christianisation de l’Europe.

A de multiples reprises, ensuite tout au long de son histoire, les souverains français ont eu l’occasion de manifester la profondeur de l’attachement qui les liait à l’Eglise et aux successeurs de Pierre. Ce fut le cas de la conquête par Pépin le Bref des premiers Etats pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus ancienne représentation diplomatique. »

Tout professeur ou étudiant d’histoire médiévale sursautera devant ce condensé de sottises. La France n’est pas née avec Clovis, chef flamand qui, pour prendre l’Aquitaine aux Wisigoths, s’est allié aux évêques catholiques et à la vieille noblesse foncière gallo-romaine également devenue catholique. Le mythe de la France "fille aînée de l’église", auquel Clovis n’avait pas pensé, s’est formé bien plus tard sous les monarques capétiens, surtout sous Louis XIV qui voulait faire du catholicisme la religion obligatoire et expulsa pour cela, tortura, envoya aux galères les protestants. Pépin le Bref, à propos duquel il circule que Sarkozy le court aurait commis le lapsus Pétain le Bref, n’était pas plus un roi "français" que Clovis, la France n’existant toujours pas au VIII° siècle. Il mena à bien une opération de brigandage par laquelle il attribua au pape la bande de territoires qui devait être ensuite le malheur de l’Italie sous le nom d’ "Etats pontificaux", jusqu’en 1870, composés des derniers morceaux de l’empire byzantin que n’avaient pas pris les Lombards, et dont le pape avait pris le contrôle : comme l’empereur d’Orient ne pouvait plus le protéger il a fait appel aux Francs en inventant l’idée de reconstruire un empire d’Occident, une invention chrétienne aux conséquences elles aussi très graves dans l’histoire de l’Europe. Quant à cette histoire de représentation diplomatique, c’est tout simplement n’importe quoi. Il n’y connaît rien, il raconte n’importe quoi (ce qui n’est pas le cas, notons-le, du vieux renard Ratzinger, qui s’y connaît, lui, en histoire canonique).

Un peu plus loin Sarkozy cite soudain le philosophe grec Héraclite : Si l’on n’espère pas l’inespérable, on le reconnaîtra pas. (Il s’agit en fait d’une mauvaise traduction d’un fragment d’Héraclite rapporté par Clément d’Alexandrie). Outre que ceci en dehors de tout contexte ne veut strictement rien dire -et les mouvements de mentons ne changent rien à la nullité de la pensée-, les bonnes âmes pourront se dire "mais où va-t-il chercher tout ça ? ". Tout ça, c’est du toc ; Héraclite pour ce que l’on en connaît est un penseur dialectique, qui met en valeur les oppositions, le choc des contraires et le combat. Rien à voir avec cette eau de sacristie insipide et inculte.

Ceci établi, passons au plat de résistance : « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. (...) Tout autant que le baptême de Clovis, la laïcité est également un fait incontournable dans notre pays. Je sais les souffrances que sa mise en oeuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant [la mise en oeuvre de la loi avant son adoption ? Sarkozy croit que cela se passait comme avec lui ! Passons ...] comme après 1905. Je sais que l’interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du passé. C’est surtout par leur sacrifice dans les tranchées de la Grande guerre, par le partage des souffrances de leurs concitoyens, que les prêtres et les religieux de France ont désarmé l’anticléricalisme ; et c’est leur intelligence commune qui a permis à la France et au Saint-Siège de dépasser leurs querelles et de rétablir leurs relations. » En clair, cela veut dire que la loi de 1905, séparant les églises et l’Etat, garantissant le caractère privé de la religion -une notion totalement absente du discours de Sarkozy, et pour cause- n’était pas une loi de liberté, ne garantissait pas la paix civile, agressait injustement les malheureux catholiques ; et que les choses ont finalement bien tourné parce qu’il y a eu l’union sacrée dans le carnage patriotique de 1914-1918, vrai acte fondateur, à l’encontre de la loi de 1905, de la "laïcité positive" à la sauce Sarko, et que les prêtres ont fait preuve d’intelligence contre le satanique et liberticide anticléricalisme. La laïcité, explique donc Sarkozy, est "devenue une condition de la paix civile", ce qu’elle n’était donc pas au départ. Pas faux : elle a été dévoyée dans l’union sacrée pour la défense de l’ordre établi. Car en effet la laïcité de 1905 (la seule laïcité véritable, qui ne privilégie pas les religions), est pour Sarkozy fondamentalement mauvaise, car elle veut nier le "baptême de Clovis" : « 

Elle n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a voulu le faire. Elle n’aurait pas dû ». C’est le même reproche que Franco faisait à la République espagnole. Soulignons ce passage :

« Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, et dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire. »

Par la métaphore de la "racine", l’imagerie saint-sulpicienne qui se veut "spirituelle" tend la main à une autre imagerie, celle de la "terre et les morts" de Maurice Barrès, penseur nationaliste des années 1900, en allemand le Blut und Boden (le sang et le sol) de sinistre mémoire. Sans qu’il y ait équivalence entre les deux systèmes de représentations, il y a des passerelles. On remarquera que le thème de l’ "identité nationale", appellation d’un ministère et d’un ministres désormais célèbres, se situe bien à la charnière de ces deux sphères idéologiques -celle de l’intégrisme chrétien et celle du racisme ethnique. N. Sarkozy était d’ailleurs accompagné devant Ratzinger du polygraphe français Max Gallo, que l’on peut de plus en plus considérer comme un sous-produit de Maurice Barrés.

Les militants laïques doivent méditer particulièrement cette interprétation sarkozyste des évènements récents : « le peuple français a été aussi ardent pour défendre la liberté scolaire que pour souhaiter l’interdiction des signes ostentatoires à l’école ». Sont ici mis sur le même plan la défense de la soi-disant "liberté de l’enseignement", c’est à dire le détournement de nos impôts pour payer des écoles contrôlées par l’Eglise catholique essentiellement, et la loi sur les signes religieux à l’école, interdisant de fait avant tout le voile musulman, et accessoirement les kippas et les trop grandes croix. Sarkozy a ici raison, non en ce qui concerne l’ "ardeur" du peuple, mais le contenu de la loi chiraquienne : la loi de 1905 par elle-même suffisait à proscrire les signes ostentatoires et permettait un combat éclairé et non discriminatoire contre le voile, alors que la loi de 2003 et le rapport Stasi sur laquelle elle se fonde ont pour base la volonté de faire cohabiter les différentes "communautés" dans une école conçue comme celle de "toutes les religions" (voir la Lettre de Liaisons de janvier 2004, consultable sur le site des archives de Liaisons).

Mais le pire est un peu plus bas. Après avoir affirmé qu’il ne voulait pas abroger la loi de 1905, Sarkozy se livre à une attaque en règle contre son application :

« Qu’il me soit également permis de rappeler les critiques virulentes dont j’ai été l’objet au moment de la création du Conseil français du culte musulman. Aujourd’hui encore, la République maintient les congrégations sous une forme de tutelle, refuse de reconnaître un caractère cultuel à l’action caritative ou aux moyens de communication des Eglises, répugne à reconnaître la valeur des diplômes délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholique alors que la Convention de Bologne le prévoit, n’accorde aucune valeur aux diplômes de théologie. »

Il faut donc libérer les congrégations de tout contrôle, en leur permettant notamment, ajouterons-nous, de pomper encore plus de subventions publiques ; reconnaître le caractère cultuel des actions caritatives, ce qui mène très loin contre la santé publique et dans les quartiers, et faire des diplômes catholiques des diplômes d’Etat, permettant l’embauche de fonctionnaires agréés en tant que tels par les autorités cléricales. Voila la "laïcité positive" ! A part ça, on dit qu’on ne remet pas en cause la loi de 1905 ...

Le tout est complété par une attaque contre toutes les morales et éthiques non religieuses, républicaines, sociales, etc. -en fait contre tous les courants républicains et libéraux puis révolutionnaires et socialistes qui, depuis 1789, se sont affirmés contre la prééminence de la religion. Pompant cette fois ci sur la prose d’un Régis Debray, Sarkozy explique que la morale de l’incroyant est plus faible que celle du croyant. Oh certes, il le dit d’abord avec les subtilités jésuitiques et universitaires de ceux qui ont écrit son discours : « Même celui qui affirme ne pas croire ne peut soutenir en même temps qu’il ne s’interroge pas sur l’essentiel. Le fait spirituel, c’est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c’est la réponse des religions à cette aspiration fondamentale. » Grossièreté et jésuitisme se conjuguent ici : évidemment l’incroyant s’interroge lui aussi (peut-être même, bien souvent, un peu plus !) sur "l’essentiel", et il peut revendiquer une "spiritualité" qui ne saurait toutefois équivaloir à cette "recherche de la transcendance" qui, dans la bouche de la médiocrité qui nous gouverne, ne veut rien dire du tout si ce n’est "agenouille toi devant ce qui te dépasse et reconnaît que cela t’échappera toujours". Si la "transcendance" c’est ça, non merci. Or, ajoute padre Sarko : « ... la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini ». C’est la thèse de Ratzinger dans sa dernière encyclique contre le matérialisme athée : en clair, pas de morale sans religion. Finalement, puisqu’il ne peut pas s’empêcher d’être grossier, il fallait aussi que Sarkozy le dise grossièrement :

« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »

L’instituteur ne vaut pas le curé, mais il doit s’en approcher le plus possible. Ite missa est.

Nul doute que Sarkozy est ici à l’unisson de Ratzinger qui canonisait récemment les prêtres franquistes ayant mis en oeuvre le meurtre des institutrices et instituteurs laïques espagnols et catalans.

Reste la cerise finale : ne reculant devant rien, Sarkozy a expliqué aux ecclésiastiques présents que lui, président, comprenait les prêtres parce que leur vocation et les sacrifices qu’elle est censée impliquer sont au fond très proches. Il est permis de rire, naturellement, surtout quand on pense à l’ombre longiligne de Carla Bruni à laquelle tous ont du penser en matière de "sacrifices". Mais ces propos sont parfaitement en cohérence avec le contenu politique de tout le discours : l’institution présidentielle, comme son ancêtre directe l’institution monarchique, est un sacerdoce, une cléricature. A quand le sacre ? A quand la présidence de droit divin ?

En attendant, Sarkozy fixe une perspective de combat. Il a expliqué que sa République a lui a besoin de croyants, pas d’incroyants : « Bien sûr, ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d’intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent ». Vieille rengaine de l’Inquisition : qui ne croit pas n’espère pas, qui ne croit pas n’est pas un bon citoyen, espérez c’est-à-dire croyez !

D’ailleurs, « la France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et ce en quoi ils croient. La campagne électorale de 2007 a montré que les Français avaient envie de politique pour peu qu’on leur propose des idées, des projets, des ambitions. Ma conviction est qu’ils sont aussi en attente de spiritualité, de valeurs, d’espérance. »

Nous voila prévenus : la destruction du droit du travail ira de pair avec l’offensive contre-révolutionnaire catholique. Ce discours abominable a été tenu avec les trois invités du président venus voir le pape avec lui : un amuseur de beaufs, Bigard, représentant de l’idée qu’il se fait du "peuple" ("pipi ? hi hi hi ! Caca ? ha ha ha !" - Amen), Denis Gilbert, "curé des loubards", et Max Gallo, déjà cité. Le scatologue pour beaufs, le curé pour pauvres et l’allumé du bocal composaient ainsi une trinité résumant la "France de Sarko". Comme l’écrit La Croix : « Jamais un chef de l’Etat français n’avait si vigoureusement défendu l’héritage catholique de son pays ». La Croix est oublieuse de ses propres amours. Car le seul équivalent de tels discours, suivi d’actes, c’est le maréchal PETAIN.

Oui, mais, et Carla, dans tout ça ? On y vient. Qu’on le veuille ou non, l’affichage -à Disneyland- du président avec la dite Carla (Cécilia, Rachida, Carla, Fadela, Rama, Yasmina ... on va finir par le croire fétichiste des femmes en A) relève de la même politique. Quand la régression est en marche, elle doit concerner tous les domaines. Si le président, c’est le roi, alors les petites maîtresses du roi font partie du cirque présidentiel et ont une fonction politique. Au moins dans le registre du symbolique, il était triplement nécessaire que l’inconscient institutionnel de la V° République monarchique soit rassuré envers la virilité présidentielle, puisqu’il y avait eu :

1°) la peur sociale devant les cheminots et les jeunes,

2°) le sacrifice quasi sacerdotal du président devant son Altesse Khadafi comme rançon d’une politique afro-méditérranéenne de gangster,

3°) le divorce de la légitime.

Il était donc nécessaire, dans cette logique là, de faire savoir au bon peuple -celui que Bigard fait rire, d’une part, mais aussi celui des hauts fonctionnaires d’autorité dont la propre autorité est censée être une émanation de celle du chef suprême, comme l’aura des prêtres leur vient de leurs évêques qui le tiennent du pape- que la virilité du chef était encore en état de marche, compte tenu des batailles sociales qu’il lui falloir encore soutenir en 2008, car le plus dur reste à faire, ainsi qu’il le dit lui-même souventes fois ...

Vincent Présumey

3) Communiqué de L’OBSERVATOIRE CHRETIEN DE LA LAICITE

Le discours du président de la République à Saint Jean de Latran est effarant

On ne peut pas se contenter d’ironiser sur le nouveau chanoine - tradition pour le moins obsolète, y compris dans l’Eglise catholique.

Nicolas Sarkosy ne parle pas dans ce discours au nom de tous les Français, ni des seuls chrétiens, ni même au nom des catholiques de France, mais au nom d’une sensibilité catholique traditionaliste qu’il assume comme la sienne... et celle de toute la France.

Par exemple, sous le nom de fait historique, il remet à l’honneur l’idéologie intégriste de la France « fille aînée de l’Eglise ».

Il continue d’invoquer les racines chrétiennes de la France, alors même que cette formulation n’a pas été retenue dans les textes européens.

De plus, il ne tient pas compte des apports spirituels, humanistes, culturels des religions non catholiques, des agnostiques et athées dans notre pays, estimant même que l’aspiration spirituelle qui est en tout homme ne trouve sa réalisation que dans la religion.

Président de la République, élu par des Français de toutes convictions, il exprime des positions personnelles d’ordre convictionnel, spirituel ,voire religieux, en mettant gravement en cause l’exercice laïque de sa fonction, allant jusqu’à identifier son ambition politique et la vocation sacerdotale !

L’affirmation verbale dans ce discours de l’actualité des lois de séparation de 1905 est contredit par la tonalité générale du discours. L’allusion au livre « La République, les religions et l’Espérance », que Nicolas Sarkosy a remis au pape, nous laisse craindre en réalité une remise en cause juridique inquiétante de cette loi, ce dont certaines propositions du rapport Machelon sont sans doute une esquisse.

L’Observatoire Chrétien de la laïcité, avec tous les laïques français, continuera de défendre la laïcité telle qu’elle est définie dans les deux premiers articles de la Loi de 1905 comme dimension essentielle de la démocratie.

Jean Riedinger Secrétaire de l’Observatoire Chrétien de la laïcité

4) Laïcité : l’approche sarkozyenne dans le discours du Latran Texte publié par Le Monde

C’est une véritable régression dans la manière de concevoir la laïcité que Nicolas Sarkozy vient de nous proposer dans son discours de Rome, sous prétexte de nous en offrir une version positive et moderne. Cela tient à ce que sa réflexion implique à la fois un contresens théorique, une ignorance historique et un parti pris idéologique difficilement acceptables. Le contresens, d’abord. La laïcité, telle que la France la revendique depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne se définit pas positivement par une ouverture de principe aux croyances religieuses. Elle consiste bien plutôt dans un retrait ou une abstention qui fait devoir à la République de ne pas porter atteinte à la liberté de conscience et de culte et, par conséquent, de n’en reconnaître ou de n’en soutenir aucun en particulier. Elle garantit ainsi, à l’encontre du prosélytisme religieux, la liberté absolue d’être sans religion.

Si la laïcité a un sens positif, ce n’est pas celui que lui prête notre président. Elle a pour fonction non de libérer les croyances, c’est-à-dire de les favoriser, mais de libérer des croyances instituées que les différentes églises ont toujours, peu ou prou, voulu imposer. Appuyée sur la raison, elle doit former l’esprit critique et le libre jugement de chacun, de façon à ce qu’il prenne ses distances avec tous les contenus de pensée religieux qui prétendent se soustraire au débat rationnel et fonder leur légitimité sur une source transcendante échappant à l’intelligence profane. Cette démarche n’interdit en rien que l’on retrouve et donc que l’on accepte les croyances religieuses, mais contrôlées par la raison humaine : des croyances qui ne s’opposent pas à ses acquis scientifiques et moraux, et débarrassées alors des emportements irrationnels qui les ont trop souvent caractérisées.

C’est ici que la prise de position de M. Sarkozy révèle une ignorance étonnante, si elle n’est pas feinte. L’identité progressiste de la France républicaine ne s’est pas construite avec l’héritage chrétien officiel mais, pour l’essentiel, contre lui. Laissons de côté le grave passif de l’Eglise catholique dans son rapport aux sciences : au nom d’une Révélation dogmatisée, elle s’est régulièrement opposée aux grandes théories scientifiques, comme celles de Galilée ou de Darwin, pour autant qu’elles mettaient en cause sa vision du monde et de l’homme.

Ne parlons que des grands bouleversements sociopolitiques qui font désormais consensus : la République elle-même, les droits de l’homme, l’égalité de l’homme et de la femme, les conquêtes sociales, la conception civile du mariage, la libération sexuelle et l’acceptation du droit à la différence dans ce domaine (comme l’homosexualité). Tout cela a été refusé et combattu par l’institution religieuse, avec virulence.

Une conception exigeante de la laïcité se doit de rappeler ces faits, et appeler à une vigilance constante, dans la tradition de la philosophie des Lumières, face aux menaces dont est porteuse toute foi quand elle n’est pas soumise à l’examen critique. A la racine de l’approche sarkozyenne de la laïcité, qui rompt avec la tradition républicaine française, il y a un parti pris idéologique : l’idée que l’homme ne saurait se passer de la religion et du fondement qu’elle est censée apporter à ses choix moraux. Il rejoint ici clairement Benoît XVI qui, dans sa dernière encyclique, défend un scepticisme radical quant à la possibilité pour l’humanité d’améliorer sa condition historique sans le secours de la foi.

Toute l’histoire de l’humanité nous prouve que l’homme a su progresser sans l’aide des religions (même si elles ont pu aussi aider à ce processus) et qu’il n’a pas besoin de la référence à une transcendance (...). Vouloir enraciner la morale dans la religion, c’est faire dépendre les valeurs qui doivent réunir toute l’humanité de croyances particulières, souvent opposées entre elles et dont la pérennité est rien moins qu’assurée ; c’est s’exposer soi-même au relativisme et au nihilisme à l’instant même où on croit les combattre.

Une société réellement laïque ne trouvera donc dans les doctrines éthiques des différentes religions qu’un élément parmi d’autres de sa discussion sur les normes qui doivent régir notre vie collective et individuelle, sans leur conférer le moindre statut privilégié. Elle fera, par conséquent, du pouvoir humain de juger, partagé par tous, le fondement exclusif de ses prises de position morales : seul ce qui est universel peut décider de ce qui vaut universellement, par-delà les croyances ou les incroyances des uns et des autres.

Yvon Quiniou agrégé de philosophie, membre du comité de rédaction de la revue "Actuel Marx"

5) Nicolas Sarkozy, la république, les religions, l’espérance (Libération)

Le locataire de l’Elysée a provoqué les applaudissements des nonnes et d’une partie de l’assistance lorsqu’il martelé, sans oublier les autres « grands courants spirituels », que « les racines de la France sont essentiellement chrétiennes ». « Je m’attendais à un discours conventionnel, il a exprimé ses propres positions », se félicite le vieux cardinal jésuite Albert Vanhoye. « Il a parlé de la nécessité de la transcendance et de l’apport de l’Eglise catholique dans la société. Comme président de la République française, il ne pouvait aller plus loin. »

Dans les palais pontificaux, les propos sur la « République laïque [qui] a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle » ou « le besoin de la France d’avoir des catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et ce en quoi ils croient » ont en tout cas fait sensation.

Au cours de son entrevue avec Joseph Ratzinger, Nicolas Sarkozy en a profité pour lui présenter les membres de sa - toujours aussi surprenante - délégation : Henri Guaino et Max Gallo, le prêtre des banlieues Guy Gilbert (« Sarkozy, c’est mon pote ») et l’humoriste Jean-Marie Bigard. Le spécialiste des « lâchers de salopes » était aussi ému que son ami le Président : « Si je suis là, c’est parce qu’il sait que je prie dix fois par jour. Il a dit au pape que j’étais un homme bien et que je remplissais le stade de France. » La mère de Carla Bruni était, semble-t-il, dans les jardins du Vatican pendant que le Président s’entretenait avec le pape.

Sources : Article d’Éric Jozsef, sur Libération.fr

6) Nicolas Sarkozy veut remettre la religion au cœur de la vie de la cité (Le Monde)

Le "discours du Latran" laissera plus de traces que la visite officielle de Nicolas Sarkozy, jeudi matin 20 décembre au Vatican, au pape Benoît XVI. Les deux hommes ont constaté leur proximité de vues sur la place de la religion dans la vie publique et, à l’étranger, sur le Liban, le Proche-Orient, l’Afrique, et la libération des otages de Colombie.

Le discours prononcé jeudi soir par le président français à la basilique du Latran, lors de la prise de possession - toute symbolique- de son siège de "chanoine d’honneur", est un acte politique d’une autre ampleur, une tentative d’enterrer la "guerre des deux France" (cléricale et révolutionnaire) et de réconcilier, pour de bon, la République laïque et l’Eglise catholique.

C’est la première fois que Nicolas Sarkozy en tant que président -il avait déjà affiché ses convictions comme ministre de l’intérieur- choisissait aussi nettement son camp, sans complexe ni dogme préétabli, sur un terrain aussi miné.

Le discours du Latran est, d’abord, une relecture de l’histoire de France à partir de ses "racines" chrétiennes, d’évidence inspirée par Henri Guaino et Max Gallo, qui faisaient partie de la délégation française à Rome. "Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes, martèle M. Sarkozy. J’assume pleinement le passé de la France et ce lien particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise.

Nicolas Sarkozy rappelle comme le christianisme a façonné la nation française, sa culture, son éthique, ses arts et cite Pascal, Bossuet, Péguy, Claudel, Bernanos, Mauriac, Maritain, Mounier, René Girard et des théologiens comme de Lubac et Congar.

Il ne craint pas d’évoquer les "souffrances" infligées au clergé par la loi de séparation de 1905 (expulsion des congrégations, querelle des inventaires). L’interprétation aujourd’hui consensuelle de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 relève, dit-il habilement, d’une "reconstruction rétrospective". Mais on ne bâtit pas l’avenir d’une nation en ressassant les "blessures du passé".

C’est un ton nouveau. Pour Nicolas Sarkozy, la religion n’est plus un tabou, alors que, pour François Mitterrand ou Jacques Chirac, elle relevait d’abord de la conviction privée. Sur les "racines" chrétiennes, le président de la République prend ostensiblement ses distances avec Jacques Chirac, avec Lionel Jospin et aussi Valéry Giscard d’Estaing, ex-président de la Convention européenne, qui avaient invoqué la laïcité "à la française" pour faire obstacle à la mention des racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule du traité constitutionnel. On doute cependant que Nicolas Sarkozy relance la polémique dans l’Union sur cette épineuse question.

"SACRIFICES"

La laïcité, selon Nicolas Sarkozy, n’est pas en péril, mais le discours du Latran en propose une autre pratique. Il n’est pas question de remettre en cause les "grands équilibres" de la loi de 1905, dont Jacques Chirac disait qu’elle était un "monument" inviolable.

Mais, à contre-courant des campagnes hostiles à la religion liées à la montée des intégrismes, puis d’un "antichristianisme" si souvent dénoncé par René Rémond, enfin d’un nouvel athéisme revendiqué par le philosophe Michel Onfray, le président affirme que la France a tout à gagner à une "laïcité positive", à une reconnaissance effective de la place des courants spirituels dans la vie publique, à leur concours dans la définition d’une "morale" pour le pays.

Des allusions à une laïcité "épuisée" ou guettée par le "fanatisme" vont faire des vagues. Ne craignant pas de choquer, M. Sarkozy dit que l’intérêt de la République est de compter des populations qui "croient" et "espèrent" et qu’il n’est pas de bonne politique sans référence à une "transcendance".

A Rome, on n’en attendait pas tant. Les catholiques n’ont jamais été si bien traités. Dans un troisième temps, le président lance un appel aux "catholiques convaincus" pour qu’ils l’aident à répondre au besoin de sens, de repères, d’identité et d’espérance. Il loue l’exemple des moines de Tibéhirine et de Mgr Claverie, évêque d’Oran, tués en 1996 en Algérie.

S’il n’a pas un mot pour l’islam, il confirme l’utilité de la commission Etat-Eglise catholique lancée, en 2002, par Lionel Jospin, reprise par ses successeurs. Et, dans un hommage au clergé français pour les "sacrifices" endurés, sans précédent dans la bouche du président d’une République laïque, il arrachera bien des sourires sur le visage des cardinaux, évêques, prélats et prêtres venus l’écouter, en tentant cette comparaison entre la vocation sacerdotale et celle de chef de l’Etat : "On n’est pas prêtre à moitié. Croyez bien qu’on n’est pas non plus président à moitié. Je comprends les sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi-même, je sais ceux que j’ai faits pour réaliser la mienne !" Curieux discours que celui du Latran fondateur, mais aussi naïf et un peu provocateur.

Henri Tincq

7) Nicolas Sarkozy président, plus près de toi, seigneur ( par Jocelyn Bézecourt, Riposte laïque, article d’août 2007)

Elu le 6 mai 2007 président de la République par 18 983 138 français, c’est-à-dire 30 % des personnes résidant sur le sol français, Nicolas Sarkozy multiplie les génuflexions envers les sectes monothéistes depuis sa prise en main du goupillon présidentiel :

10 mai 2007 : un cardinal du Vatican se réjouit de l’élection de Nicolas Sarkozy On frétille au Vatican : le 10 mai, Jean-Louis Tauran s’est réjouit de "la position extraordinairement ouverte" du nouveau président (AFP, 20 juin 2007). L’entretien est paru dans le journal des évêques italiens Avvenire et le cardinal français y rappelle les vœux très pieux de Sarkozy exprimés dans son missel "La République, les religions, l’espérance" (Editions du Cerf, 2004), comme la réforme de la loi de 1905 et un financement facilité des religions par l’Etat et les collectivités publiques.

18 mai 2007 : nomination de Christine Boutin comme ministre du Logement et de la Ville. Opposée à l’IVG, autant qu’à la pilule du lendemain, Christine Boutin a déposé, en janvier 2005, une "Proposition de loi tendant à favoriser l’aide aux femmes enceintes en difficulté", qui consiste en une "prévention de l’IVG" par un financement public de la propagande anti-IVG. Auparavant, elle s’était opposée au PACS en montrant la Bible à l’Assemblée Nationale en 1998 (dans son "explication", elle prétend que ce geste "n’affectait aucunement la laïcité républicaine, bien au contraire"). La députée des Yvelines est "consulteur" auprès du Conseil Pontifical pour la Famille depuis 1995 et, en juillet 2006, elle participe au Congrés théologique et pastoral international de Valence en Espagne sur le thème de la transmission de la foi dans la famille. Elle avait d’ailleurs fondé en 1993 l’Alliance pour les droits de la vie (Le Monde 21 juin 2007), dont l’objectif est identique, la lutte contre l’IVG. Christine Boutin est aussi présentée comme une sympathisante de l’Opus Dei (Opus Dei, les chemins de la gloire, Peter Hertel, Editions Golias, 2002). Concernant l’islam, elle est favorable au port du torchon islamique à l’école et elle a participé amicalement au congrés 2006 de l’UOIF. En novembre 2006, interrogée par Karl Zéro sur Canal +, elle estime que Georges Bush pourrait être à l’origine des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats Unis d’Amérique (vidéo sur Liberation.fr, 5 juillet 2007). La composition de son cabinet est à l’image de ses convictions catholiques. Elle en a nommé directeur le préfet Jean-Paul Bolufer, opposé à l’avortement et à l’homosexualité (Prochoix 1er juin 2007). Y officie aussi en tant que conseillère technique Christine Dechefdebien, condamnée en 1992 à quatre mois de prison avec sursis et 5000 francs d’amende pour sa participation à un commando anti-IVG dans un hôpital public de Pau (Le Monde, 5 juillet 2007). Enfin, on y trouve un curé, Jean-Marie Petitclerc (polytechnicien et salésien), nommé fin juin 2007 comme chargé de mission pour les relations avec les acteurs locaux (Liberation.fr 5 juillet 2007).

20 juin 2007 : Le Vatican félicite Sarkozy pour son "ouverture" Un grand espoir agite les soutanes vaticanes : l’élection de Sarkozy laisserait entrevoir la possibilité d’inscrire la mention d’une imaginaire identité chrétienne dans la Constitution européenne. C’est le cardinal Tarcisio Bertone, le secrétaire d’Etat du Vatican, qui voit dans son accession au trône un "changement d’orientation" relativement à cette question : "C’est une bonne chose, parce qu’une saine laïcité peut être parfaitement compatible avec la reconnaissance de ses racines, de ses origines chrétiennes et de son identité chrétienne" (AFP, 20 juin 2007).

Juin 2007 : Nicolas Sarkozy a écrit à Benoît XVI Non content de multiplier les attentions envers toutes les sectes monothéistes, Nicolas Sarkozy y ajoute la déférence en écrivant au pape Benoît XVI en réponse à ses bons vœux. Au menu de la missive du valet : les chrétiens persécutés dans le monde et la situation des personnes prises en otage par divers groupes armés, aux Philippines comme en Colombie avec Ingrid Betancourt (La Croix, 21 juin 2007).

4 juillet 2007 : Michèle Alliot-Marie inaugure la Maison de la Conférence des Evêques de France La ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, a inauguré, le 4 juillet, la nouvelle maison de la Conférence des Evêques de France, au 58, avenue de Breteuil à Paris. Dans son discours, prononcé en présence du Nonce apostolique et du Président de la Conférence des Evêques de France, la ministre a commencé par noter que le quartier des ministères, dans lequel se trouve le bâtiment, est aussi "celui de nombreux lieux de foi et de réflexion". Le hasard, bien sûr, a placé les émissaires du Vatican à côté du pouvoir politique. L’intervention de la ministre s’est inscrite dans le partenariat déjà existant avec l’organisation catholique : "Je m’associerai avec plaisir et intérêt aux manifestations et rencontres qui nous permettront ensemble de faire avancer les grandes questions qui nous sont posées." Et, sans rire, Michèle Alliot-Marie évoque une bien curieuse "évolution vers la modernité" de la Conférence des Evêques de France. Enfin, elle sacre l’Eglise comme un guide qui nous sortira de l’incertitude : "Dans un monde qui a vu s’effondrer la plupart des repères idéologiques et moraux, les religions ont plus que jamais vocation à éclairer la société, qu’elle soit civile ou politique. Je remercie l’Eglise catholique de la contribution déterminante qu’elle apporte à ce débat."

Juillet 2007 : Michèle Alliot-Marie veut organiser la formation des imams Fidèle écho de la voix de son nouveau maître, Michèle Alliot-Marie prend en charge le dossier de la formation des imams. L’objectif, comme toujours, est la constitution d’un islam gallican qui devienne un partenaire de l’Etat : "Aujourd’hui, les contenus existent, les musulmans sont au pied du mur et l’Etat a la volonté de construire et de maîtriser un islam français", indique-t-on à son cabinet (Le Monde, 7 juillet 2007).

14 juillet 2007 : les Petits Chanteurs à la Croix de Bois participent au défilé des armées Le 14 juillet, la chorale catholique des Petits Chanteurs à la Croix de Bois a chanté, avec le Chœur des armées françaises, la Marseillaise, le Chant des Partisans et l’Hymne à la joie de Beethoven, qui est l’hymne européen (Reuters, 14 juillet 2007).

30 juillet 2007 : Lettre de mission de Nicolas Sarkozy à Michèle Alliot-Marie Dans sa lettre de mission adressée à la ministre des cultes, Nicolas Sarkozy reprend la terminologie abondamment utilisée dans son libre La République, les religions, l’espérance en estimant que les religions seraient porteuses d’une "espérance" : "L’espérance n’est pas une menace pour la République." Nicolas Sarkozy confie aussi à Michèle Alliot-Marie le soin de garantir à l’islam les facilités nécessaires à son développement en France : "Nous voulons que tous les croyants de notre pays puissent pratiquer et transmettre leur religion dans des conditions dignes. Vous veillerez à cet effet à ce que les dispositions déjà en vigueur qui permettent la construction de lieux de culte soient appliquées. Vous nous proposerez des solutions concrètes s’agissant des cimetières confessionnels. Vous accompagnerez des projets de formation d’imams en France. "

7 août 2007 : Pluie d’éloges suite au décès du cardinal Lustiger Suite au décès du cardinal Lustiger le 5 août, Nicolas Sarkozy, François Fillon (Premier ministre), Michèle Alliot-Marie et Christine Albanel (ministre de la Culture) n’ont pas été avares d’éloges à propos de cet ennemi résolu du siècle des Lumières (AFP, 7 août 2007).

10 août 2007 : Nicolas Sarkozy traverse l’Atlantique pour assister aux obsèques du cardinal Lustiger En vacances aux USA, Sarkozy est revenu spécialement à Paris afin d’assister, à la cathédrale Notre-Dame, aux obsèques du cardinal Lustiger. Pour lui, l’ancien archevêque de Paris était "une grande figure de la vie spirituelle, morale, intellectuelle et naturellement religieuse de notre pays" (Libération, 7 août 2007). Plusieurs ministres et secrétaires d’Etat ont assisté aux funérailles : François Fillon, Jean-Louis Borloo, Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux, Luc Chatel, Nathalie Kosciusko-Morizet et André Santini (AFP, 10 août 2007).

22 août 2007 : Sarkozy en colère contre Panafieu pour ne pas avoir assisté aux obsèques de Lustiger

Selon Le Canard Enchaîné du 22 août, Nicolas Sarkozy a gratifié de sa colère habituelle Françoise de Panafieu pour ne pas avoir assisté aux funérailles de Lustiger parti vérifier les hallucinations catholiques sur l’au-delà. Alors que le pèlerin Sarkozy a fait un aller-retour spécial depuis sa villa luxueuse aux USA, la candidate à la Mairie de Paris n’est pas venue se prosterner à Notre-Dame en souvenir de l’entêté contre-révolutionnaire.

Jocelyn Bézecourt

8) Pour un Mickey de Neuilly enivré de pouvoir, pour un accro du show et du biz, la République peut bien n’être qu’un « jouet technologique ». Texte publié par Le Monde

C’est lui qui le dit, qu’on - la République = Lui - aurait besoin de croyants (Le Monde 22/12/2007). Bien sûr, pour croire au Père Noël (Lui). Pour croire aux bienfaits de sa politique, pour idolâtrer le Dieu Marché et le Veau d’or, pour se prosterner devant les idoles du Libéralisme, pour devenir les adeptes de Sa nouvelle religion du Plus-toujours Plus : plus de croyants indolents, prêts à gober ses tours de passe-passe, sa magie de pacotille, ses minables numéros d’illusionniste fatiguant.

Ce qui manque le plus - « en vérité je vous le dis »... - dans ce bas monde, c’est bien l’esprit critique, celui de la distanciation et du doute méthodique. Celui par lequel les vessies ne sont plus prises pour des lanternes. L’esprit, oui, mais celui des Lumières. Celui qui éclaire, contre les obscurantismes qui minent l’humanité pauvre au Profit des Vatican de tous ordres - c’est le mot - et de tous les intégrismes : économiques, politiques, religieux. C’est l’esprit critique qui, il y a plus de deux siècles, a désacralisé le pouvoir divin et la monarchie, et mis au monde la République démocratique - sans cesse recommencée depuis.

En lieu de quoi, le « discours de Latran » (plutôt écrit par Max Gallo que par Jean-Marie Bigard, tous deux du pèlerinage), nous serine les vieilles lunes d’imprécateur : « L’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes qui espèrent ». Ben voyons. Et croyons au ciel plutôt qu’au paradis sur terre, c’est plus sûr - surtout pour « L’intérêt de la République ». Quel intérêt ? Quelle République ? On se paie les grands mots pour pas cher, et on espère que ça rapporte gros. Chacun ses croyances et les vaches seront bien gardées.

Sur ce registre, ce matin dans le poste, j’entendais des marchands de « jouets technologiques », ces fameuses consoles à se projeter dans le virtuel - toujours ça de pris sur la sinistre réalité. L’un d’eux en bavait à la pieuse image des profits dégagés par le secteur : un doublement tous les dix ans ! Noël, cette croyance païenne totalement marchandifiée, ce moteur à croissance (qui tousse), quelle espérance pourtant ! Et pas que pour les enfants ! Donc, ce VRP, à l’image du président, se frottait les mains en se réjouissant que ce marché-là se soit tant « démocratisé ». C’est l’exact mot qu’il a osé. Sans barguigner, le type a tout bonnement naturalisé le rapprochement incongru et indécent entre « jouets technologiques » et « démocratie ».

C’est là que je voulais en venir : pour un ado attardé, pour un Mickey de Neuilly enivré de pouvoir, pour un accro du show et du biz, la République peut bien n’être qu’un « jouet technologique ».

Gérard Ponthieu gponthieu.blog.lemonde.fr

8) Allocution de Nicolas Sarkozy

Messieurs les cardinaux, Mesdames et Messieurs, Chers amis,

Permettez-moi d’adresser mes premières paroles au cardinal Ruini, pour le remercier très chaleureusement de la cérémonie qu’il vient de présider. J’ai été sensible aux prières qu’il a bien voulu offrir pour la France et le bonheur de son peuple. Je veux le remercier également pour l’accueil qu’il m’a réservé dans cette cathédrale de Rome, au sein de son chapitre.

Je vous serais également reconnaissant, Eminence, de bien vouloir transmettre à sa Sainteté Benoît XVI mes sincères remerciements pour l’ouverture de son palais pontifical qui nous permet de nous retrouver ce soir. L’audience que le Saint Père m’a accordée ce matin a été pour moi un moment d’émotion et de très grand intérêt. Je renouvelle au Saint Père l’attachement que je porte à son projet de déplacement en France au deuxième semestre de l’année 2008. En tant que Président de tous les Français, je suis comptable des espoirs que cette perspective suscite chez mes concitoyens catholiques et dans de nombreux diocèses. Quelles que soient les étapes de son séjour, Benoît XVI sera le bienvenu en France.

En me rendant ce soir à Saint-Jean de Latran, en acceptant le titre de chanoine d’honneur de cette basilique, qui fut conféré pour la première fois à Henri IV et qui s’est transmis depuis lors à presque tous les chefs d’Etat français, j’assume pleinement le passé de la France et ce lien si particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise.

C’est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l’Eglise. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de la France et sur la christianisation de l’Europe. A de multiples reprises ensuite, tout au long de son histoire, les souverains français ont eu l’occasion de manifester la profondeur de l’attachement qui les liait à l’Eglise et aux successeurs de Pierre. Ce fut le cas de la conquête par Pépin le Bref des premiers Etats pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus ancienne représentation diplomatique.

Au-delà de ces faits historiques, c’est surtout parce que la foi chrétienne a pénétré en profondeur la société française, sa culture, ses paysages, sa façon de vivre, son architecture, sa littérature, que la France entretient avec le siège apostolique une relation si particulière. Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. Et la France a apporté au rayonnement du christianisme une contribution exceptionnelle. Contribution spirituelle et morale par le foisonnement de saints et de saintes de portée universelle : saint Bernard de Clairvaux, saint Louis, saint Vincent de Paul, sainte Bernadette de Lourdes, sainte Thérèse de Lisieux, saint Jean-Marie Vianney, Frédéric Ozanam, Charles de Foucauld... Contribution littéraire et artistique : de Couperin à Péguy, de Claudel à Bernanos, Vierne, Poulenc, Duruflé, Mauriac ou encore Messiaen. Contribution intellectuelle, si chère à Benoît XVI, Blaise Pascal, Jacques Bénigne Bossuet, Jacques Maritain, Emmanuel Mounier, Henri de Lubac, René Girard... Qu’il me soit permis de mentionner également l’apport déterminant de la France à l’archéologie biblique et ecclésiale, ici à Rome, mais aussi en Terre sainte, ainsi qu’à l’exégèse biblique, avec en particulier l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem.

Je veux aussi évoquer parmi vous ce soir la figure du cardinal Jean-Marie Lustiger qui nous a quittés cet été. Son rayonnement et son influence ont eux aussi très largement dépassé les frontières de la France. J’ai tenu à participer à ses obsèques car aucun Français n’est resté indifférent au témoignage de sa vie, à la force de ses écrits, au mystère de sa conversion. Pour tous les catholiques, sa disparition a représenté une grande peine. Debout à côté de son cercueil, j’ai vu défilé ses frères dans l’épiscopat et les nombreux prêtres de son diocèse, et j’ai été touché par l’émotion qui se lisait sur le visage de chacun.

Cette profondeur de l’inscription du christianisme dans notre histoire et dans notre culture, se manifeste ici à Rome par la présence jamais interrompue de Français au sein de la Curie, aux responsabilités les plus éminentes. Je veux saluer ce soir le cardinal Etchegaray, le cardinal Poupard, le cardinal Tauran, Monseigneur Mamberti, dont l’action honore la France.

Les racines chrétiennes de la France sont aussi visibles dans ces symboles que sont les Pieux établissements, la messe annuelle de la Sainte-Lucie et celle de la chapelle Sainte-Pétronille. Et puis il y a bien sûr cette tradition qui fait du Président de la République française le chanoine d’honneur de Saint-Jean de Latran. Saint-Jean de Latran, ce n’est pas rien. C’est la cathédrale du Pape, c’est la « tête et la mère de toutes les églises de Rome et du monde », c’est une église chère au coeur des Romains. Que la France soit liée à l’Eglise catholique par ce titre symbolique, c’est la trace de cette histoire commune où le christianisme a beaucoup compté pour la France et la France beaucoup compté pour le christianisme. Et c’est donc tout naturellement, comme le Général de Gaulle, comme Valéry Giscard d’Estaing, et plus récemment Jacques Chirac, que je suis venu m’inscrire avec bonheur dans cette tradition.

Tout autant que le baptême de Clovis, la laïcité est également un fait incontournable dans notre pays. Je sais les souffrances que sa mise en oeuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. Je sais que l’interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du passé. C’est surtout par leur sacrifice dans les tranchées de la Grande guerre, par le partage des souffrances de leurs concitoyens, que les prêtres et les religieux de France ont désarmé l’anticléricalisme ; et c’est leur intelligence commune qui a permis à la France et au Saint-Siège de dépasser leurs querelles et de rétablir leurs relations.

Pour autant, il n’est plus contesté par personne que le régime français de la laïcité est aujourd’hui une liberté : liberté de croire ou de ne pas croire, liberté de pratiquer une religion et liberté d’en changer, liberté de ne pas être heurté dans sa conscience par des pratiques ostentatoires, liberté pour les parents de faire donner à leurs enfants une éducation conforme à leurs convictions, liberté de ne pas être discriminé par l’administration en fonction de sa croyance.

La France a beaucoup changé. Les Français ont des convictions plus diverses qu’autrefois. Dès lors la laïcité s’affirme comme une nécessité et une chance. Elle est devenue une condition de la paix civile. Et c’est pourquoi le peuple français a été aussi ardent pour défendre la liberté scolaire que pour souhaiter l’interdiction des signes ostentatoires à l’école.

Cela étant, la laïcité ne saurait être la négation du passé. Elle n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû. Comme Benoît XVI, je considère qu’une nation qui ignore l’héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa culture, contre ce mélange d’histoire, de patrimoine, d’art et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, et dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire.

C’est pourquoi nous devons tenir ensemble les deux bouts de la chaîne : assumer les racines chrétiennes de la rance, et même les valoriser, tout en défendant la laïcité enfin parvenue à maturité. Voilà le sens de la démarche que j’ai voulu accomplir ce soir à Saint-Jean de Latran.

Le temps est désormais venu que, dans un même esprit, les religions, en particulier la religion catholique qui est notre religion majoritaire, et toutes les forces vives de la nation regardent ensemble les enjeux de l’avenir et non plus seulement les blessures du passé.

Je partage l’avis du pape quand il considère, dans sa dernière encyclique, que l’espérance est l’une des questions les plus importantes de notre temps. Depuis le siècle des Lumières, l’Europe a expérimenté beaucoup d’idéologies. Elle a mis successivement ses espoirs dans l’émancipation des individus, dans la démocratie, dans le progrès technique, dans l’amélioration des conditions économiques et sociales, dans la morale laïque. Elle s’est fourvoyée gravement dans le communisme et dans le nazisme. Aucune de ces différentes perspectives - que je ne mets évidemment pas sur le même plan - n’a été en mesure de combler le besoin profond des hommes et des femmes de trouver un sens à l’existence.

Bien sûr, fonder une famille, contribuer à la recherche scientifique, enseigner, se battre pour des idées, en particulier si ce sont celles de la dignité humaine, diriger un pays, cela peut donner du sens à une vie. Ce sont ces petites et ces grandes espérances « qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin » pour reprendre les termes même de l’encyclique du Saint Père. Mais elles ne répondent pas pour autant aux questions fondamentales de l’être humain sur le sens de la vie et sur le mystère de la mort. Elles ne savent pas expliquer ce qui se passe avant la vie et ce qui se passe après la mort.

Ces questions sont de toutes les civilisations et de toutes les époques. Et ces questions essentielles n’ont rien perdu de leur pertinence. Bien au contraire. Les facilités matérielles de plus en plus grandes qui sont celles des pays développés, la frénésie de consommation, l’accumulation de biens, soulignent chaque jour davantage l’aspiration profonde des femmes et des hommes à une dimension qui les dépasse, car moins que jamais elles ne la comblent.

« Quand les espérances se réalisent, poursuit Benoît XVI, il apparaît clairement qu’en réalité, ce n’est pas la totalité. Il paraît évident que l’homme a besoin d’une espérance qui va au-delà. Il paraît évident que seul peut lui suffire quelque chose d’infini, quelque chose qui sera toujours ce qu’il ne peut jamais atteindre. (...) Si nous ne pouvons espérer plus que ce qui est accessible, ni plus que ce qu’on peut espérer des autorités politiques et économiques, notre vie se réduit à être privée d’espérance ». Ou encore, comme l’écrivit Héraclite, « Si l’on n’espère pas l’inespérable, on ne le reconnaîtra pas ».

Ma conviction profonde, dont j’ai fait part notamment dans ce livre d’entretiens que j’ai publié sur la République, les religions et l’espérance, c’est que la frontière entre la foi et la non-croyance n’est pas et ne sera jamais entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, parce qu’elle traverse en vérité chacun de nous. Même celui qui affirme ne pas croire ne peut soutenir en même temps qu’il ne s’interroge pas sur l’essentiel. Le fait spirituel, c’est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c’est la réponse des religions à cette aspiration fondamentale.

Or, longtemps la République laïque a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle. Même après le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège, elle s’est montrée plus méfiante que bienveillante à l’égard des cultes. Chaque fois qu’elle a fait un pas vers les religions, qu’il s’agisse de la reconnaissance des associations diocésaines, de la question scolaire, des congrégations, elle a donné le sentiment qu’elle agissait parce qu’elle ne pouvait pas faire autrement. Ce n’est qu’en 2002 qu’elle a accepté le principe d’un dialogue institutionnel régulier avec l’Eglise catholique. Qu’il me soit également permis de rappeler les critiques virulentes dont j’ai été l’objet au moment de la création du Conseil français du culte musulman. Aujourd’hui encore, la République maintient les congrégations sous une forme de tutelle, refuse de reconnaître un caractère cultuel à l’action caritative ou aux moyens de communication des Eglises, répugne à reconnaître la valeur des diplômes délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholique alors que la Convention de Bologne le prévoit, n’accorde aucune valeur aux diplômes de théologie.

Je pense que cette situation est dommageable pour notre pays. Bien sûr, ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d’intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent. La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de prêtres, n’ont pas rendu les Français plus heureux. C’est une évidence.

Et puis je veux dire également que, s’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité. Comme l’écrivait Joseph Ratzinger dans son ouvrage sur l’Europe, « le principe qui a cours maintenant est que la capacité de l’homme soit la mesure de son action. Ce que l’on sait faire, on peut également le faire ». A terme, le danger est que le critère de l’éthique ne soit plus d’essayer de faire ce que l’on doit faire, mais de faire ce que l’on peut faire. C’est une très grande question.

Dans la République laïque, l’homme politique que je suis n’a pas à décider en fonction de considérations religieuses. Mais il importe que sa réflexion et sa conscience soient éclairées notamment par des avis qui font référence à des normes et à des convictions libres des contingences immédiates. Toutes les intelligences, toutes les spiritualités qui existent dans notre pays doivent y prendre part. Nous serons plus sages si nous conjuguons la richesse de nos différentes traditions.

C’est pourquoi j’appelle de mes voeux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire une laïcité qui, tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. Il ne s’agit pas de modifier les grands équilibres de la loi de 1905. Les Français ne le souhaitent pas et les religions ne le demandent pas. Il s’agit en revanche de rechercher le dialogue avec les grandes religions de France et d’avoir pour principe de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels plutôt que de chercher à la leur compliquer.

Messieurs les cardinaux, Mesdames et Messieurs, au terme de mon propos, et à quelques jours de cette fête de Noël qui est toujours un moment où l’on se recentre sur ce qui est le plus cher dans sa vie, je voudrais me tourner vers ceux d’entre vous qui sont engagés dans les congrégations, auprès de la Curie, dans le sacerdoce et l’épiscopat ou qui suivent actuellement leur formation de séminariste. Je voudrais vous dire très simplement les sentiments que m’inspirent vos choix de vie.

Je mesure les sacrifices que représente une vie toute entière consacrée au service de Dieu et des autres. Je sais que votre quotidien est ou sera parfois traversé par le découragement, la solitude, le doute. Je sais aussi que la qualité de votre formation, le soutien de vos communautés, la fidélité aux sacrements, la lecture de la Bible et la prière, vous permettent de surmonter ces épreuves.

Sachez que nous avons au moins une chose en commun : c’est la vocation. On n’est pas prêtre à moitié, on l’est dans toutes les dimensions de sa vie. Croyez bien qu’on n’est pas non plus Président de la République à moitié. Je comprends que vous vous soyez sentis appelés par une force irrépressible qui venait de l’intérieur, parce que moi-même je ne me suis jamais assis pour me demander si j’allais faire ce que j’ai fait, je l’ai fait. Je comprends les sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi-même je sais ceux que j’ai faits pour réaliser la mienne.

Ce que je veux vous dire ce soir, en tant que Président de la République, c’est l’importance que j’attache à ce que vous faites et à ce que vous êtes. Votre contribution à l’action caritative, à la défense des droits de l’homme et de la dignité humaine, au dialogue inter-religieux, à la formation des intelligences et des coeurs, à la réflexion éthique et philosophique, est majeure. Elle est enracinée dans la profondeur de la société française, dans une diversité souvent insoupçonnée, tout comme elle se déploie à travers le monde. Je veux saluer notamment nos congrégations, les Pères du Saint-Esprit, les Pères Blancs et les Soeurs Blanches, les fils et filles de la charité, les franciscains missionnaires, les jésuites, les dominicains, la Communauté de Sant’Egidio qui a une branche en France, toutes ces communautés, qui, dans le monde entier, soutiennent, soignent, forment, accompagnent, consolent leur prochain dans la détresse morale ou matérielle.

En donnant en France et dans le monde le témoignage d’une vie donnée aux autres et comblée par l’expérience de Dieu, vous créez de l’espérance et vous faites grandir des sentiments nobles. C’est une chance pour notre pays, et le Président que je suis le considère avec beaucoup d’attention. Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance.

Je veux évoquer la mémoire des moines de Tibhérine et de Monseigneur Pierre Claverie, dont le sacrifice portera un jour des fruits de paix, j’en suis convaincu. L’Europe a trop tourné le dos à la Méditerranée alors même qu’une partie de ses racines y plongent et que les pays riverains de cette mer sont au croisement d’un grand nombre d’enjeux du monde contemporain. J’ai voulu que la France prenne l’initiative d’une Union de la Méditerranée. Sa situation géographique tout comme son passé et sa culture l’y conduisent naturellement. Dans cette partie du monde où les religions et les traditions culturelles exacerbent souvent les passions, où le choc des civilisations peut rester à l’état de fantasme ou basculer dans la réalité la plus tragique, nous devons conjuguer nos efforts pour atteindre une coexistence paisible, respectueuse de chacun sans renier nos convictions profondes, dans une zone de paix et de prospérité. Cette perspective rencontre, me semble-t-il, l’intérêt du Saint-Siège.

Mais ce que j’ai le plus à coeur de vous dire, c’est que dans ce monde paradoxal, obsédé par le confort matériel, tout en étant chaque jour de plus en plus en quête de sens et d’identité, la France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et ce en quoi ils croient. La campagne électorale de 2007 a montré que les Français avaient envie de politique pour peu qu’on leur propose des idées, des projets, des ambitions. Ma conviction est qu’ils sont aussi en attente de spiritualité, de valeurs, d’espérance.

Henri de Lubac, ce grand ami de Benoît XVI, « La vie attire, comme la joie ». C’est pourquoi la France a besoin de catholiques heureux qui témoignent de leur espérance.

Depuis toujours, la France rayonne à travers le monde par la générosité et l’intelligence. C’est pourquoi elle a besoin de catholiques pleinement chrétiens, et de chrétiens pleinement actifs.

La France a besoin de croire à nouveau qu’elle n’a pas à subir l’avenir, parce qu’elle a à le construire. C’est pourquoi elle a besoin du témoignage de ceux qui, portés par une espérance qui les dépasse, se remettent en route chaque matin pour construire un monde plus juste et plus généreux.

J’ai offert ce matin au Saint Père deux éditions originales de Bernanos. Permettez-moi de conclure avec lui : « L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait (...) L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches (...). L’espérance est une vertu, une détermination héroïque de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté ». Comme je comprends l’attachement du pape à ce grand écrivain qu’est Bernanos !

Partout où vous agirez, dans les banlieues, dans les institutions, auprès des jeunes, dans le dialogue inter-religieux, dans les universités, je vous soutiendrai. La France a besoin de votre générosité, de votre courage, de votre espérance.

Nicolas Sarkozy


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message