Nicolas Sarkozy et la laïcité (Par Jean-Michel Laxalt, président de la MGEN)

mardi 29 janvier 2008.
 

Lorsque le caractère laïc de notre République est discuté ou controversé, remis en selle ou réinterprété, nous ne pouvons que marquer intérêt, prêter attention, nous exprimer si nécessaire. Car la laïcité figure en bonne place dans notre « charte des valeurs » MGEN, elle nous est consubstantielle. Elle est, en notre sein, le dépassement des différences distinctives, opinions, convictions, croyances, philosophies, pour fonder le plus large creuset de solidarité afin que prévale la commune humanité face aux aléas de la vie. Elle est, au même titre, affirmons-nous, le ciment de la nation, le ferment républicain.

Récemment, le chef de l’État a dit sa conception des rapports entre la République et les religions, sa conviction de l’apport des religieux (ici des catholiques) à la France. Le commentaire en est doublement délicat, il doit le respect aux institutions (le président de la République !) et aux religions. Pour autant, il est nécessaire. Simplement pour affirmer que la laïcité à laquelle nous nous référons, nous paraît dénaturée et sa traduction institutionnelle écornée.

Dénaturation qu’énoncer que « la laïcité a tenté de couper les racines chrétiennes de la France », que « longtemps la République laïque a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle ». La caricature veut conserver des concepteurs de la loi de 1905 la présomption de fanatisme, si ce n’est de satanisme. Or, c’est nier le texte même de la loi de séparation : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ». C’est nier la personnalité profonde, de haute spiritualité, des plus emblématiques législateurs : Émile Combes et Jean Jaurès. Le premier, certes franc-maçon, porta soutane et tonsure (au séminaire), consacra sa thèse à Thomas d’Aquin, se déclara au Sénat (en 1901) « philosophe spiritualiste regardant l’idée religieuse comme une des forces morales les plus puissantes de l’humanité ». Le second énonça, dans un discours à la Chambre (3 mars 1904) : « Il serait très fâcheux de comprimer les aspirations religieuses de la conscience humaine. Ce n’est pas ce que nous voulons ». Tous deux transcendaient cette spiritualité en religion civile républicaine, en conception de la vie, à laquelle Jaurès voulait « que tous les hommes puissent s’élever par la science, par la raison et la liberté ».

Vexation d’entendre de la part du chef de l’État que « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur... parce qu’il lui manquera toujours... le charisme d’un engagement porté par l’espérance ». La vocation laïque des enseignants est celle du service de l’État et leur espérance est le progrès humain, individuel et collectif, « l’école libératrice ». Cet engagement-là est des plus nobles, des plus élevés.

Et que penser de la proclamation : « La France a besoin de catholiques heureux et qui témoignent de leur espérance » ? Elle est agréable à certains de nos compatriotes, mais elle le serait à tous si le mot « citoyens » avait été préféré par le président de la République. La France a besoin de citoyens heureux et portant espoir dans la République, eût-il pu délivrer meilleur message de début d’année ?

(lu ce mois-ci dans "Valeurs Mutualistes" le mensuel de la mutuelle de l’Education Nationale)


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