Xavier Vallat... de droite "républicaine, catholique, économiquement libérale" et fasciste si nécessaire

lundi 29 mai 2023.
 

- A) Xavier Vallat, produit typique de la droite française...
- B) A l’extrême droite sous l’étiquette républicaine
- C) Xavier Vallat, personnalité éminente du catholicisme
- D) 6 juin 1936 : Xavier Vallat lance une violente attaque antisémite contre Léon Blum
- E) 29 mars 1941 : Commissariat général aux questions juives

A) Xavier Vallat, produit typique de la droite française des années 1890 à 1914

Xavier Vallat naît le 23 décembre 1891 de parents cléricaux, réactionnaires, royalistes et nationalistes, c’est à dire charnellement membres de la droite de leur époque. Il prend sur lui l’oppression vécue par son père, instituteur public qui avait débuté avant les lois Ferry ; clérical engagé, scolarisant des enfants dont Xavier dans le privé. « Mon père, qui a appartenu lui aussi à l’enseignement public, a été, à cause de ses opinions religieuses, l’objet de vexations continuelles. »

Pour bien comprendre Xavier Vallat, il faut également signaler le bourrage de crâne permanent organisé chaque jour par les journaux catholiques (par exemple Le Pélerin et La Croix). Quand il affirme "Tout comme le premier homme fut pétri du limon de la terre, nous sommes tous façonnés par le terrain qui nous a vu naître", il se décrit parfaitement.

Laissons le donc se raconter. Il le fait avec une grande honnêteté.

- « Le goût de la politique... m’avait été instillé dès mon plus jeune âge, par les propos de mon père, profondément catholique, et royaliste avec ferveur, que l’anticléricalisme sectaire de la IIIème république révoltait. »

- « A dix ans (et même avant !), j’attendais avec impatience, le Pèlerin, avec ses dessins vengeurs contre le "Petit père Combes", incarnation de Satan, et contre la judéo-maçonnerie. » Vallat en gardera particulièrement une imprégnation antisémite indélébile.

- « Chaque semaine, mon cerveau d’enfant, prêt à recevoir toutes les empreintes, a dû enregistrer les images caricaturales, signées Lemot ou Henriot, dans lesquelles les Juifs au nez crochu, aux yeux saillants, aux oreilles en chou-fleur, bardés d’insignes maçonniques, jetaient à la porte des couvents des Filles de la Charité ou chassaient de l’armée des officiers qui se refusaient à crocheter des églises. »

« Devenu adolescent, le puissant élan de la Jeunesse catholique du diocèse de Viviers et la lecture quotidienne de l’Action française en fleur m’orientèrent tout naturellement vers le catholicisme sociale et le nationalisme intégral. » « Les hommes de ma génération ne remercieront jamais assez la Providence pour leur avoir permis de trouver chaque matin, dans leur journal, organe du nationalisme intégral, une nourriture aussi variée, aussi savoureuse et aussi riche en vitamines indispensables à une bonne santé politique. »

Comprendre Xavier Vallat demande aussi de connaître la sorte de guerre civile larvée qu’a connue la France dans les régions à forte concurrence scolaire. Elevé dans l’enseignement privé catholique, devenu professeur de cette institution, il fait corps avec ce combat permanent.

B) Engagement politique à l’extrême droite sous l’étiquette républicaine

La Première guerre mondiale endurcit encore ce jeune royaliste profondément nationaliste. Blessé plusieurs fois, amputé, devenu officier et chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire, il s’engage aussitôt après l’armistice dans la défense des intérêts des Anciens combattants contre les immigrés qui volent le travail « des milliers de bons Français qui reviennent des Armées. » Sa xénophobie est déjà aussi violente que celle d’un Hitler« En France, nous sommes chez nous, les étrangers ne peuvent y être que des invités, des visiteurs ou des domestiques... »

Elu député de la Chambre bleu horizon en 1919, il ne partage pas l’enthousiasme pour l’Union sacrée. Il s’acharne contre les radicaux pourtant également membres de la majorité gouvernementale. Il intervient cinq fois à l’Assemblée sur une forte tonalité antisémite. Le 30 décembre 1920, par exemple, il dénonce les juifs « qui apportent à la fois leurs insectes, leurs théories bolchevistes et les germes de la maladie n°9. »

Sa guerre politique quotidienne porte sur le sujet qui lui tient le plus à coeur : la promotion des écoles privées, le combat contre les écoles publiques. Il dépose plusieurs projets afin d’obtenir pour l’enseignement privé les mêmes avantages budgétaires que les écoles laïques. Son autre cheval de bataille se nomme logiquement l’anticommunisme ; il se dresse à l’Assemblée contre la venue en France de Clara Zetkin lors du congrès de Tours« Les soldats de la France ont fait taire les berthas (gros canons) ; il appartient au gouvernement de fermer la bouche aux Clara. » Il combat la franc-maçonnerie avec les accents qui seront les siens pendant la Collaboration avec les nazis ; ainsi, il participe à la Ligue franc-catholique fondée en 1925 (dont il est l’adhérent le plus connu parmi un gratin d’aristocrates et de rentiers et à sa Revue Internationale des Sociétés Secrètes (franc-maçonnerie, Internationale, mouvement juif organisé).

Il siège dans le groupe parlementaire des Indépendants composé de royalistes et cléricaux antirépublicains avec en particulier Léon Daudet, Armand de Baudry d’Asson (camérier secret du pape Pie X), Jean Le Cour Grandmaison...

Devenu avocat, il intègre le Comité d’Etudes juridiques de l’Action française. Son nom s’affiche dans la permanence des Camelots du roi comme "avocat de la maison". De même, il prend en charge la responsabilité d’une rubrique dans l’Action française du dimanche.

Son engagement peut être caractérisé de fasciste dès 1920. Lorsqu’Alexandre Varenne, député de gauche, lance à l’Assemblée qu’aucun député n’est venu ici avec le mandat de détruire les lois républicaines", Vallat le contredit « Cinquante députés sont venus ici avec ce mandat » ( Journal Officiel 25 novembre 1920).

En 1925, Vallat adhère au Faisceau et assure la rubrique "La vie religieuse dans son journal Le nouveau siècle. Financé par les industriels Francois Coty et Jean Hennessy, ce premier mouvement français se réclamant ouvertement du fascisme mussolinien, est dirigé par Georges Valois et comprend aussi des hommes comme Marcel Bucard, futur fondateur du Parti franciste.

Vallat n’est pas homme à cacher son engagement fasciste. Au contraire, il revendique cela comme un honneur « L’heure a sonné pour la France de lier le faisceau de toutes les énergies nationales, sous peine de disparaître. Il m’est bien égal que l’on me traite de fasciste. Si c’est être fasciste que de vouloir de toutes ses forces sauver sa patrie qui roule vers l’abîme, c’est un grand honneur que de décerner cet épithète à un citoyen français et je suis fier de la mériter. »

Avec un tel positionnement politique, il paraît surprenant de le voir investi pour les élections législatives de 1924, 1928, 1932, 1936 au sein de l’Union Nationale Républicaine et Sociale de l’Ardèche et de la Fédération républicaine. En fait, cet appellatif regroupe la droite et celle-ci comprend essentiellement des défenseurs de l’enseignement privé pour qui Vallat fait un bon travail. Aussi, Vallat jouit au sein de ce rassemblement de la droite d’une autorité décisive qui le fait nommer vice-président du groupe parlementaire de la Fédération républicaine puis vice-président de ce parti. A partir de 1934, la droite suit même Vallat sur ces positionnements les plus symboliques d’un pré-pétainisme, contre la franc-maçonnerie et sur le terrain de la xénophobie.

C) Xavier Vallat, personnalité éminente du catholicisme

Cette question présente une importance historique évidente au moins pour la raison suivante : des historiens spécialistes du sujet affirment que « l’acceptation unanime par la hiérarchie catholique des lois antijuives tient, plus que le légitimisme vis à vis du gouvernement du Maréchal ou que le vieux fond d’antisémitisme chrétien toujours persistant, à la personnalité même de Xavier Vallat ». Je suis en accord avec ce point de vue tant l’action, les discours et les écrits de celui-ci se sont confondues avec l’institution catholique. D’ailleurs, son antisémitisme évident présente les caractéristiques particulières de la droite catholique et cléricale française reprochant par exemple à la Révolution française d’avoir émancipé les Juifs et à la République d’avoir permis la progression de leur influence dans le pays.

Elevé dans un Vivarais marqué par de longues et acharnées luttes religieuses, il fait partie du clan des culs-blancs ruraux profondément ancrés dans les rites religieux répétés chaque jour, dans l’église locale comme lors des prières familiales, farouchement attachés aux écoles confessionnelles et au rôle politico-social des paroisses.

Une fois élu député, il joue un rôle majeur au service des institutions catholiques françaises et en lien avec elles :

- à la Chambre des députés

- dans la Ligue des Droits du Religieux Ancien Combattant

- au sein du Comité de Secours aux Indigents Catholiques...

Il est fréquemment invité par les évêques à tenir des conférences départementales, toujours suivies d’ éloge panégyrique dans les journaux catholiques.

Ce rôle d’orateur politique de l’institution catholique permet à Vallat de se cultiver dans la connaissance du dogme, des conciles et des bulles pontificales. Il peut ainsi répondre à des catholiques de Lyon que, de 1221 à 1755, « vingt-neuf papes ont promulgué cinquante-sept bulles ayant trait aux questions juives ». Il s’appuie par exemple sur les décisions du concile du Latran comme l’interdiction faite aux Juifs d’occuper des fonctions d’autorité, d’avoir des relations professionnelles et sociales avec les chrétiens, de sortir pendant la Semaine sainte, de ne pas porter d’insigne distinctif « ...Des chrétiens ont des rapports sexuels avec des femmes juives ou sarrasines. De façon que le crime d’un tel mélange maudit ne puisse plus avoir d’excuse dans le futur, nous décidons que les Juifs et les Sarrasins des deux sexes, dans toutes les terres chrétiennes, se distinguent eux-mêmes publiquement des autres peuples par leurs habits. Conformément au témoignage des Écritures, un tel précepte avait déjà été donné par Moïse (Lévitique 19.19 Lévitique 19 ; Deutéronome 22.5.11 Deutéronome 22) »

C’est surtout son activité comme dirigeant de la Fédération Nationale Catholique qui occupe et fait connaître Xavier Vallat. Durant treize ans, il joue un rôle décisif au sein du comité directeur de cet organe politique et militant fonctionnant sous le patronage des évêques. Il est le principal orateur de cette organisation qui atteint 2 500 000 membres, indiscutablement ancrée à l’extrême droite. Il bénéficie pour chaque réunion publique de son statut privilégié de "représentant du général de Castelnau" (président du mouvement) et de la publicité assurée par des journaux et revues diocésaines. Cette Ligue liée à l’institution catholique a joué un rôle très important dans le glissement progressif du milieu catholique vers le pétainisme ; son équipe vedette d’orateurs (Philippe Henriot, Xavier Vallat, abbé Bergey) mène une campagne politique inlassable et sans concession contre la laïcité car pour elle, « il ne peut y avoir de compromis, de milieu entre les deux solutions qui s’affrontent actuellement, la solution étatiste, d’après laquelle l’enfant appartient d’abord à l’Etat, et la solution familiale, d’après laquelle l’enfant appartient d’abord à ses parents » (conférence à Evreux le 21 juin 1931). Ils tonnent en permanence pour l’abrogation des lois de 1901 et 1905.

Son statut de dirigeant national de la droite française permet à Vallat de jouer un rôle dans la constellation fasciste des années 1930. Il rencontre Horthy (Hongrie), Dollfus (Autriche), Salazar (Portugal), Franco (Espagne). Lors de la canonisation de Bernadette Soubirous, il est reçu par Mussolini...

En 1940, il partage le bilan de la défaite militaire française développé par l’institution catholique. Elle lui apparaît comme une punition divine en raison des lois laïques de la République, punition dont la France ne peut se relever que par une longue et profonde pénitence sous les ordres du maréchal Pétain, Sauveur envoyé par la Providence.

D) 6 juin 1936 : Xavier Vallat lance une violente attaque antisémite contre Léon Blum

En ce 6 juin 1936, la Chambre des députés est réunie au grand complet pour investir le gouvernement du Front populaire qui a gagné les élections législatives. Léon Blum lit son discours de politique générale dans une ambiance calme et attentive. Son lyrisme habituel trouve là une bonne occasion.. « L’immensité de la tâche qui nous incombe, bien loin de nous décourager, ne fait qu’accroître notre ardeur. »

A 17h30, Xavier Vallat monte à la tribune comme à l’assaut. Au lieu de répondre au projet politique du nouveau président du conseil, il s’attaque violemment aux membres du gouvernement qui ont contribué à la répression policière du 6 février 1934 contre les Ligues.

Du 6 au 12 février 1934, la France ouvrière et républicaine stoppe le fascisme

Le vacarme emplit l’Assemblée nationale tant les invectives fusent des bancs de gauche vers la droite et vice-versa. Le président suspend rapidement la séance.

Dès la reprise, Vallat hausse encore la violence de son propos. Il l’agresse personnellement Léon Blum sur ses origines juives :

- M. Xavier Vallat : « Votre arrivée au pouvoir, monsieur le président du Conseil, est incontestablement une date historique. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné…

- M. le Président (Edouard Herriot, radical) : Prenez garde, monsieur Vallat.

- M. Xavier Vallat : … par un Juif. »

Il poursuit sur le même ton agressif et la même veine antisémite :

- « Je constate que, pour la première fois, la France aura eu son Disraeli » ;

- « Je dis […] que pour gouverner cette nation paysanne qu’est la France, il vaut mieux avoir quelqu’un dont les origines, si modestes soient-elles, se perdent dans les entrailles de notre sol, qu’un talmudiste subtil. »

- « Lorsque le Français moyen pensera que les décisions de M. Blum auront été prises dans un sanhédrin où figureront, à leur ordre d’importance, son secrétaire, M. Blumel, son secrétaire général, M. Moch, ses confidents, MM. Cain et Lévy, son porte-plume, M. Rosenfeld, il sera inquiet. »

Cette attaque antisémite a-t-elle entraîné une réaction sérieuse du Front populaire ? Absolument pas. Le président Edouard Herriot fait tout pour ne pas en tenir compte ("l’incident est clos") selon le raisonnement "censé" habituel : "Ne pas donner de l’importance à des propos sans importance", "montrer aux Français que l’on gère tranquillement la France...",

Les seules réactions à la hauteur de l’évènement sont venues de la gauche du Parti socialiste et du PCF. En séance, deux invectives fusent « scélérat ! » et « fasciste ! ». L’Humanité du 7 juin dénonce l’« offensive brutale et répugnante de la droite fasciste » et un antisémitisme « à la mode d’Hitler ». Lorsque la gauche de la chambre des députés veut obtenir la censure contre Vallat qui n’en est pas à son coup d’essai sur ce thème, loin de là, le gros des élus du Front populaire s’y oppose.

Terminons sur ce point en notant que l’électoralisme traditionnel (gagner les voix du centre, les suffrages des gens qui n’aiment pas les affrontements...) a poussé les radicaux et socialistes à sans cesse laisser passer les propos antisémites venus de la droite :

- Le 15 février 1934, en séance parlementaire « il nous a semblé entendre après la voix d’Israël et celle de Moscou, la voix de la France ! » (Vallat)

- Dans L’Action française du 2 novembre 1933, Léon Daudet stigmatise Léon Blum comme un « hybride ethnique et hermaphrodite »

L’attaque antisémite de Xavier Vallat contre Léon Blum l’a-t-elle marginalisé :

- dans la droite ? que non, ses collègues l’acclament à tout rompre. Comme le note son excellent biographe Laurent Joly « Les applaudissements nourris qui accompagnent les propos de Xavier Vallat témoignent d’une adhésion massive de la droite au discours antisémite. »

- dans l’Eglise catholique ? que non, ses journaux le hissent au statut de héros

- dans sa profession ? Au contraire. Ainsi, il est élu quelques jours après au Conseil national de l’Ordre des Avocats.

Rien n’empêche donc Vallat de se positionner de plus en plus sur sa position naturelle : fasciste à tous crins. Ainsi, il dénonce les appels à la mobilisation et à la préparation de la guerre contre le Troisième Reich comme relevant d’une "guerre juive". Ainsi, il théorise à sa façon "plutôt Hitler que le communisme" Comme on ne peut discuter avec les deux, mieux vaut discuter avec Hitler (Gazette d’Annonay dès décembre 1933).

Ainsi aussi, il est choisi comme avocat par dix-sept inculpés dans le procès de la Cagoule.

La CAGOULE, organisation fasciste française

Le patronat français, allié de la Cagoule, organisation fasciste et terroriste

Notons parmi les Cagoulards défendus par Vallat :

- le général Duseigneur et le duc Pozzo di Borgo,

- Jacques Corrèze qui créera pendant la guerre, avec l’aide du du SS Theo Dannecker, représentant Adolf Eichmann, la Communauté française, définie comme "Association secrète de spoliation des biens juifs et maçonniques"

- Joseph Darnand, futur chef de la Milice française

- Jean-Marie Bouvyer, futur chef du service d’enquête du Commissariat général aux questions juives...

E) 29 mars 1941 : Xavier Vallat nommé secrétaire général du Commissariat général aux questions juives

Il n’est ni plus ni moins antisémite que la propagande quotidienne de l’Eglise catholique, des grands journaux et nombreux élus de droite à l’époque. Il reproche aux Juifs "d’être responsables des malheurs du pays" : le krach de l’Union générale (banque catholique) provoqué par "les banques juives", Dreyfus et l’affaiblissement de l’armée, Crémieux et son décret en faveur des Juifs d’Algérie, Naquet et sa loi sur le divorce, Grunebaum-Ballin (rédacteur du rapport sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat)

E1) Contexte

Le glissement fascisant de la droite s’accentue dans les années 1930 marquées par une hégémonie idéologique des Ligues sur le grand patronat français et la droite parlementaire.

Les 200 familles, le fascisme et la violence dans les années 1930

Le 1er septembre 1939 : L’armée nazie envahit la Pologne, déclenchant la 2ème guerre mondiale

Le 13 mai 1940 : Les divisions blindées à la croix gammée percent le front français dans les Ardennes. Le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris. Le 22 juin 1940, la France signe l’armistice avec l’Allemagne

Le 10 juillet 1940 : Députés et sénateurs votent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain qui se proclame le lendemain chef de l’Etat par décret

Les dirigeants nazis voient d’un bon oeil Xavier Vallat pour son antisémitisme qui l’a même poussé à comprendre la répression exercée par Hitler en Allemagne. A propos de l’expulsion d’Albert Einstein, il avait déclaré « On comprend qu’un Hitler n’ait pas tenu à garder en Allemagne un individu, si savant soit-il... »

E2) Parti unique fasciste ou Légion Française des Combattants

En juillet, août et même septembre 1940, Xavier Vallat participe à toutes les réunions dont l’objectif est la création d’un parti unique, en particulier autour de Marcel Déat. Faute de mieux, il privilégie la création d’une association commune des Anciens combattants avec la même fonction qu’un parti unique fasciste.

Le gouvernement mis en place à Vichy le 12 juillet 1940 est réduit à onze ministres ; le ministère des Anciens combattants disparaît, remplacé par un Secrétariat général aux Anciens combattants ayant les mêmes fonctions avec Xavier Vallat comme titulaire du poste. Ayant été adhérent du Faisceau des Combattants et des Producteurs, des Croix de feu, des Camarades du Feu, de l’Union Nationale des Combattants, il connaît bien ce milieu et ses attentes. Aussi, il joue un rôle décisif dans la fondation de la LFC.

La Légion Française des Combattants, parti unique raté de l’Etat pétainiste

E3) La politique anti-juive de Berlin comme de Vichy

Sans aucune injonction venue de Berlin, l’Etat français durcit la législation antijuive par un décret du 1er octobre 1940

En Allemagne, la volonté exterminatrice des nazis à l’encontre des juifs s’accroît. Le discours d’Hitler au Reichtag le 30 janvier 1941 les menace collectivement et clairement « Si le reste du monde devait s’engager dans une guerre à cause de la juiverie, alors toute la juiverie aura joué son dernier rôle en Europe. » Durant cette année 1941, les armées allemandes procèdent effectivement à des meurtres de masse terribles, particulièrement dans les régions qu’elles occupent en URSS. Berlin intervient dans ce contexte auprès du gouvernement de Vichy pour la création d’une structure administrative chargée de répertorier tous les juifs présents en France.

La mise place du Commissariat général aux Questions juives en date du 29 mars 1941 entre dans le cadre de la politique antisémite du nazisme comme du fascisme pétainiste français. Cet organisme est chargé de préparer et proposer au chef de l’État toutes les mesures législatives concernant les Juifs, de fixer les dates de liquidation des biens juifs, de désigner les administrateurs séquestres et de contrôler leur activité. Il comprend essentiellement deux services :

- La direction de l’aryanisation économique (DAE) qui prend en charge les mesures prises contre les Juifs propriétaires d’entreprises, de commerces...

- la Police des questions juives (PQJ), devenue ensuite la SEC (section d’enquête et de contrôle) qui compte jusqu’à 1200 employés.

E4) Xavier Vallat, secrétaire général du Commissariat général aux questions juives (avril 1941 à mai 1942)

« Xavier Vallat est un militant antisémite de longue date, sûr de lui et de son bon droit de débarrasser la France des Juifs » (Présentation du film Le Commissariat, réalisé par Michel Andrieu).

C’est lui qui choisit, de prendre la tête de cet organisme avec rang de sous-secrétaire d’Etat, parmi plusieurs responsabilités proposées par l’amiral Darlan « J’estime que j’ai plus de compétences pour m’occuper de ce problème sur lequel je me suis penché depuis longtemps... »

La loi du 19 mai 1940 fixe plusieurs objectifs à ce commissariat :

- proposer toutes dispositions législatives et règlementaires nécessaires

- assurer la coordination des ministères concernés

- pourvoir à la gestion et la liquidation des biens juifs

- provoquer les mesures de police nécessaires

L’antisémitisme de Vallat transparaît dans plusieurs entretiens qu’il accorde à la presse « La grande masse des étrangers juifs de l’Europe centrale, Juifs de l’Orient représente pour notre pays son plus grand malheur. Cette masse demeure étrangère d’esprit et de langage en dépit de naturalisations trop nombreuses... Ceux-là seront refoulés ». (Le Temps, 7 avril 1941).

1er octobre 1940 Pétain, fasciste antisémite, durcit la législation antijuive

Loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs

Statut des juifs Loi du 2 juin 1941 remplaçant la loi du 3 octobre 1940

Pour conclure sur ce rôle de Vallat comme commissaire aux questions juives, retenons cette affirmation de son meilleur biographe, Laurent Joly « Pendant un an, il s’acquitte de sa "mission" avec une ferveur fanatique. Législateur méticuleux, il contribue à doter la France d’une législation antisémite la plus élaborée et la plus sévère d’Europe. »

E5) Le député de droite, républicain libéral, Xavier Vallat au service de l’antisémitisme nazi

- > Reçu par l’ambassadeur d’Allemagne Otto Abetz et le commandant militaire de la France Von Stüpnagel, il leur précise ses objectifs :

- surveiller l’application des lois ant-juives

- accorder ces lois aux ordonnances décrétées par le commandement allemand en France

- élaborer de nouvelles lois anti-juives françaises

- > Vallat fait entreprendre par l’administration au service de Vichy un recensement des juifs, tout en sachant pertinemment que le but allemand de ce type de liste, c’est de préparer des déportations. Des personnes de zone française occupée par l’armée nazie et considérés non juifs par la loi allemande sont recencés juifs par les préfectures se fondant sur les critères de la loi française du 2 juin 1941.

Le rapport du Commissariat aux questions juives au ministre d’état de tutelle, signé par Vallat ne manque pas de clarté « J’attire votre attention sur la nécessité de tenir la bride serrée aux Juifs de zone libre ». Les préfectures s’exécutent et recensent dans ces territoires "non occupés" 109244 Juifs, augmenté ensuite à environ 140000 suite aux "opérations de dépistage contre les Juifs défaillants".

Pour conclure sur l’activité de Xavier Vallat à la tête du Commissariat aux questions juives, souscrivons seulement à celle de Laurent Joly « Organisé et méthodique, Vallat est l’homme dont les Allemands avaient besoin pour mettre au point le cadre législatif nécessaire à l’entreprise de la Solution finale. Une fois son oeuvre accomplie, il ne leur est plus utile... Il n’a été qu’un pion dans la stratégie allemande de la Solution finale. »

Conclusion : collaborateur et fasciste jusqu’au bout

Xavier Vallat reste persuadé de choisir aux côtés des nazis le camp logique d’un bon catholique clérical :

- en 1942 et 1943 aux côtés de Pierre Laval pour "superviser le secteur Agriculture et Ravitaillement"

- en 1944 comme vice-président de la Légion Française des Combattants et des Volontaires de la Révolution Nationale, comme Président de la Cour Nationale d’Honneur, enfin en remplacement de Philippe Henriot au micro du Radio-Journal de Vichy. Il félicite hautement les membres de la Milice qui ont le courage de venir offrir leur intrépidité au Maréchal en s’enrôlant dans les forces régulières chargées d’assurer le maintien de l’Ordre (éditorial du radio-Journal le 5 août 1944).

- en 1944 encore lorsque le maréchal Pétain lui demande de proposer un projet de nouvelle Constitution

- en prison jusqu’en décembre 1949.

Jusqu’à son décès en 1972, il restera ancré dans une idéologie de type fascisme clérical catholique (à connotation légitimiste pour lui), proche d’un Salazar, d’un Seipel, d’un Ante Pavelić, d’un Franco, d’un Jozef Tiso...

Jacques Serieys

Bibliographie

Xavier Vallat Du nationalisme chrétien à l’antisémitisme d’état 1891 - 1972 ; Laurent Joly ; éditions Grasset

Sitographie :

http://passerelle-production.u-bour...


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