La France alignée sur les Etats-Unis et l’OTAN

dimanche 6 avril 2008.
 

Une fois de plus, le « people » aura servi à masquer l’essentiel. Un épais rideau de fumée a entouré la visite de Sarkozy à Londres : suspense haletant autour de la présentation du couple présidentiel à la Reine, pages entières sur l’étiquette de la cour, la révérence de la femme du président disséquée sous toutes ses coutures... Au point que l’enjeu essentiel de ce déplacement a failli être passé sous silence. Et que l’on peut craindre qu’il soit resté inaperçu pour le plus grand nombre. Sarkozy a pourtant annoncé à Londres un tournant majeur dans la politique extérieure de la France. Le tout sans qu’aucun débat public n’ait été organisé dans notre pays.

Lors de son séjour à Londres, Sarkozy ne s’est pas contenté de déposer une gerbe sur la statue du général De Gaulle. Il a enterré une nouvelle fois les principes historiques du gaullisme et piétiné leur tombe. Car Sarkozy a annoncé à Londres l’alignement de la politique extérieure française sur celle des Etats-Unis et il a solennellement accepté la suprématie de l’axe transatlantique sur les velléités d’autonomie portées hier par la France.

A travers le renforcement du lien avec la Grande-Bretagne, au détriment de l’Allemagne, c’est le rapprochement avec Washington que poursuit sans relâche le président français. On se souvient que le premier responsable étranger rencontré par Sarkozy après son élection a été Tony Blair, avant même la passation officielle de pouvoir. Ensuite Blair est venu en vedette d’un Conseil national de l’UMP. Le terrain était prêt pour que le nouveau premier ministre britannique Gordon Brown célèbre « l’entente formidable avec la France ». Et en résume sans détours l’enjeu : « tous les deux [Nicolas Sarkozy et moi], nous nous prêtons à une relation forte avec nos partenaires américains ».

Le signal de cet alignement, et le prix à payer par la France, c’est l’envoi de troupes françaises en Afghanistan. Cette décision est une réponse docile à une demande explicitement formulée par les Etats-Unis. Ceux-ci cherchent en effet à faire prendre en charge par d’autres une part croissante du coût faramineux de leurs interventions militaires à l’étranger car leur situation économique est en train de se dégrader dangereusement. Tout le reste n’est qu’habillage. On nous dit qu’il s’agit-il de soulager les difficultés du peuple afghan ? Dans le même temps, un très officiel rapport de l’agence de coordination de l’aide à l’Afghanistan révèle que « seuls quinze milliards de dollars d’aide ont jusqu’à présent été versés » sur les vingt-cinq milliards promis par les pays occidentaux depuis 2001. Ces promesses trahies sont pourtant les meilleures alliées des talibans dans la population afghane. On nous dit qu’il faut aider le nouveau régime démocratique et progressiste en place à Kaboul ? Samedi dernier, ce formidable gouvernement afghan a officiellement condamné un programme télévisé qui a diffusé des images d’hommes et de femmes dansant ensemble, jugeant que ces scènes « contraires aux valeurs et traditions de la société islamique d’Afghanistan » minaient la morale au sein de la jeunesse...

La présence française en Afghanistan a comme fonction essentielle de manifester que la France se range aux côtés des Etats-Unis d’Amérique dans la « lutte contre le terrorisme » et autres axes du Bien proclamés par Bush au nom du choc des civilisations. C’est pourquoi après avoir longuement hésité sur le bon lieu (il envisageait également de le faire lors du prochain sommet de l’OTAN à Bucarest), Sarkozy a décidé de l’annoncer à l’étranger, dans le pays européen le plus proche des Etats-Unis. Viendra ensuite l’annonce que la France réintègre le commandement intégré de l’OTAN. Et sans doute qu’un prochain sommet de l’OTAN se tiendra à Strasbourg.

A l’origine, aucune consultation du Parlement sur l’envoi de soldats français en Afghanistan n’était même prévue. Sarkozy nous a habitué à agir seul au nom du fait qu’il pourrait s’appuyer sur la légitimité du vote des Français lors de la présidentielle. Sauf que cette fois, cette décision contredit ouvertement son engagement pris entre les deux tours de l’élection de retirer progressivement les troupes françaises déjà présentes sur place. Il aura fallu que le groupe UMP à l’Assemblée Nationale lui-même proteste pour qu’un débat soit finalement organisé. Mais celui-ci se tiendra sans aucun vote. Ici la forme rejoint le fond. Ce n’est plus la souveraineté nationale qui décide de l’engagement militaire de la France mais Bush et celui qui le représente à la tête de notre pays.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message