Par Julien Martin
Difficile de marquer sa différence. Soucieuse de démontrer qu’elle n’occupe pas le même espace politique que Bertrand Delanoë, Ségolène Royal s’en est de nouveau pris mardi au positionnement libéral de son adversaire pour le poste de Premier secrétaire du PS. Devant la presse, dans son QG parisien du boulevard Raspail, l’ex-candidate socialiste à la présidentielle a tenu à donner sa propre définition du libéralime, précisant à l’adresse du maire de Paris :
"Il n’y a pas besoin d’aller chercher du vocabulaire de nos adversaires politiques, on n’a pas besoin d’aller chercher des concepts qui sont à la source même des désordres du monde et des malheurs du monde, pour pouvoir redonner de l’espoir aux hommes et aux femmes."
Des critiques déjà amorcées ce week-end, au lendemain de la publication du livre "De l’audace" (Robert Laffont) de Bertrand Delanoë. Ouvrage dans lequel il se dit "libéral" :
"Je ne réfute pas mécaniquement ce vocable, ’libéral’. Et quand il s’applique à une doctrine politique, au sens global, je crois même qu’un militant socialiste devrait le revendiquer."
Libéral donc, mais au sens politique, et non économique, du terme :
"Ce qui est inacceptable pour un progressiste, c’est de hisser le ’libéralisme’ au rang de fondement économique et même sociétal, avec ses corollaires : désengagement de l’Etat et laisser-faire économique et commercial. (...) Qu’est-ce que le libéralisme ? C’est une doctrine d’affranchissement de l’homme, née dans l’Europe des Lumières. C’est, comme son nom l’indique, une idéologie de la liberté."
Une distinction entre libéralismes politique et économique que Ségolène Royal refuse de concéder aujourd’hui à Bertrand Delanoë. Pourtant, quelques semaines avant la présidentielle, la candidate PS a elle aussi publié un livre : "Maintenant" (Hachette Littératures). Ou comment expliquer sa politique en 200 mots. Et à la lettre "L", comme l’a relevé Alain Duhamel sur RTL, on y trouve une définition du "libéralisme" reprenant cette même distinction entre les deux acceptions du mot :
"Nous, socialistes, nous sommes des libéraux au sens politique originel car nous sommes ardemment attachés aux libertés individuelles et démocratiques. (...) Donc, pas question de jeter l’opprobre sur le mot lui-même. (...) Mais si vous entendez par libéralisme cette conception de l’économie, je dirais même ce dogme ou cette idéologie, qui confie aux marchés, et aux marchés seulement, la régulation des sociétés, alors, oui, je pense que le libéralisme est l’ennemi de la justice sociale."
Changement d’opinion ? Oubli ? Apparemment non. Car pas plus tard que le 27 mars dernier, Le Point a publié une interview de Ségolène Royal qui n’avait pas (encore) changé de discours sur le sujet :
"De quel libéralisme parlez-vous ? Si c’est du libéralisme politique, il est depuis l’origine indissociable du socialisme démocratique. (...) Si vous appelez libéralisme cette idéologie du laisser-faire, laisser-aller, qui, depuis l’aube du capitalisme, oppose les vertus de la main invisible du marché aux régulations de la puissance publique et l’harmonieuse convergence des intérêts particuliers à la construction volontaire de l’intérêt général, alors oui, le socialisme ne mange pas de ce pain-là."
Une définition du libéralisme politique que Bertrand Delanoë ne renierait pas.
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