Mai 68, la CGT, les avancées sociales, le PC et Mitterrand d’après Georges Séguy (remarques de Jacques Serieys))

mercredi 23 novembre 2011.
 

L’interview sur Mai 68 la plus intéressante parue en 2008 me paraît être celle de Georges Séguy (dans L’Express n°2965). Celui-ci était à l’époque secrétaire national de la CGT et membre du bureau politique du Parti Communiste, deux lieux décisifs.

1) Quel bilan faites-vous des avancées sociales issues de Grenelle ?

Georges Séguy Elles ont été supérieures à celles de 1936 ! Avec 8 ou 9 millions de grévistes, la pression sur le gouvernement et le patronat était telle que le pouvoir a dû faire des concessions importantes. Ainsi, nous réclamions un salaire minimum à 600 francs par mois, soit une augmentation de 37% : cette revendication qui avait toujours été repoussée , a été satisfaite dans les dix premières minutes des négociations de Grenelle ! En dehors des augmentations de salaire, nous avons principalement obtenu la liberté des activités syndicales dans les entreprises et la réduction du temps de travail avec le retour de la semaine de 40 heures.

Remarques de Jacques Serieys  :

Je ne sous-estime pas l’importance des revendications satisfaites en 1968. Après plusieurs années de blocage des salaires et de recul social (durée du travail, droit du travail, sécurité sociale, mépris patronal dans l’entreprise...), Mai 68 a créé un contexte nettement plus favorable au salariat. Cependant, je ne crois ni juste ni utile de surestimer ces acquis nouveaux. Affirmer par exemple que les avancées sociales de 68 sont supérieures à celles de 1936 (congés payés, 40 h) me paraît discutable. La grève générale de 68 (environ 9 millions de grévistes) a été bien plus forte que celle de 36 (environ 3 millions au plus fort du mouvement) ; ses conséquences à long terme sur la société effectivement plus importantes mais les avancées sociales solides ne sont pas trois fois supérieures. La différence vient de l’absence de débouché politique en 68 par rapport à 36 ; de même, on peut se demander si le PC et surtout le PS sont aussi liés au mouvement social en 68 qu’en 36...

En matière de réduction de la durée hebdomadaire de travail, la grève générale de 1936 avait imposé les 40 heures. En 68, les accords de Grenelle ont prévu une réduction progressive devant aboutir aux 40 heures ; concrètement il était seulement prévu une réduction d’une heure avant 1971 pour les horaires hebdomadaires compris entre 45 et 48 heures et deux heures de réduction pour ceux supérieurs à 48 heures.

En matière de salaire, il faut insister sur :

* la forte augmentation du SMIG dont parle Georges Séguy, augmentation ayant entraîné des réajustements divers dans les accords de branche.

* de fortes augmentations dans certains secteurs, en particulier ceux où les salaires étaient les plus bas : par exemple 56 à 59% d’augmentation pour les ouvriers agricoles. Je me rappelle avoir vu dans l’après mai des reproductions de bulletins de salaire qui avaient doublé ( en particulier des femmes et des jeunes du milieu rural).

* un haut rapport de forces instauré par la grève générale qui va imposer pendant dix ans un rapport entre salaires et profits bien plus favorable aux salariés qu’aujourd’hui.

* un procès verbal de Grenelle qui prévoyait "seulement" une augmentation de 10%. En réalité, l’augmentation moyenne sur l’année 68 a atteint 13,5% dans le secteur privé (hausse des prix de 7%) avec des entreprises gagnant 20% et d’autres 10%.

Georges Séguy insiste sur un troisième point : les avancées en matière de "liberté des activités syndicales dans les entreprises". Sur ce point, les progrès ont été effectivement importants et assez durables. Cela a permis par exemple une augmentation considérable du nombre d’entreprises de plus de 50 salariés connaissant une implantation syndicale ( de 6267 en 1969 à 19063 en 1976).


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