Le G8 aussi Illégitime au Japon qu’ailleurs !! (ATTAC)

mardi 8 juillet 2008.
 

Comment caractériser le G8 ? Ce n’est pas un gouvernement mondial. Mais il ne faudrait pas pour autant en déduire qu’il ne sert à rien et qu’il n’est qu’un simulacre. C’est un « machin », une quasi-institution mondiale permanente, c’est le cercle des dirigeants des pays dominants.

Le G8 se réunit au Japon, sur les rives du lac Toya (île d’Hokkaido, nord du Japon), du lundi 07 au mercredi 09 juillet 2008. Ce sera la trente-quatrième fois, depuis 1975, que les chefs d’État et de gouvernement des pays les plus riches et les plus puissants du monde (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume Uni & Russie) se rencontrent pour discuter ensemble des grands problèmes.

I - POURQUOI LE G8 PEUT-IL ETRE CONSIDÉRÉ COMME LE DIRECTOIRE DE LA MONDIALISATION LIBÉRALE ?

Revenons au commencement : pourquoi les grandes puissances ont-elles ressenti la nécessité de créer le G8 ?

Les prémices du G8 datent de la crise, à la fin des années 1960, du système monétaire international mis en place à Bretton Woods en 1944 (création du FMI et de la Banque mondiale, convertibilité en or du dollar). Face à l’effondrement du système des taux de change, les ministres des Finances des États-Unis et du Royaume-Uni invitent en 1967 ceux de la France, de l’Allemagne et du Japon, pour envisager des solutions communes.

Suite à une importante demande de conversion de dollars en or par les européens et les japonais (mais en raison aussi de la guerre du Vietnam, du déficit de la balance des paiements américaine et de la spéculation sur le marché des changes contre le dollar au profit du mark allemand), le président Nixon abandonna unilatéralement le 15 août 1971 la convertibilité en or du dollar. Cette décision, conduisant à la fluctuation des monnaies, signait de fait la fin du système de Bretton Woods, l’un de ses mandats d’origine étant la régulation des flux de capitaux par le principe des parités fixes fondé sur la définition en or de la valeur des monnaies. Les conséquences monétaires qui suivirent révélèrent un manque de coordination internationale qui contribua largement à l’institutionnalisation des relations entre pays riches dans ce qui allait devenir le G8.

Ainsi, le 25 mars 1973, George Shultz, à l’époque secrétaire américain au Trésor, invitait à Washington les ministres des Finances français, britannique et allemand à une discussion informelle sur les problèmes monétaires internationaux. L’année suivante, leur homologue japonais les rejoignait, et c’est à cette occasion que l’expression « groupe des Cinq » (ou « G5 », ou « G-5 ») apparut dans les journaux.

En 1975, Valéry Giscard d’Estaing, qui avait participé à ces premières réunions en tant que Ministre français des Finances, invitait au château de Rambouillet - cette fois en tant que Président de la République - les autres dirigeants des pays du G5 ainsi que celui de l’Italie afin de « discuter des affaires du monde » dans une « ambiance décontractée », ainsi qu’il est écrit sur le site officiel du G8 d’Evian de 2003. Le G7 était né, même si le Canada n’y serait admis que l’année suivante. Puis des réunions suivirent annuellement, dans un pays membre différent chaque année. L’intégration de la Russie en 1998 transforma le G7 en G8.

Au départ, l’objectif du G8 était de permettre aux dirigeants de discuter de leurs problèmes et de trouver des solutions à leurs conflits et à leurs contradictions. Il s’agissait donc de trouver des accords entre gens de bonne compagnie, si l’on peut qualifier ainsi les dirigeants du monde !

De manière croissante au fil des années, les préoccupations politiques ont fait leur entrée dans les communiqués du G7/G8, avec notamment des déclarations aussi édifiantes que formelles d’attachement à la « paix » et aux « valeurs démocratiques ». Mais l’objectif du G8 est bien de donner un caractère systématique, permanent, à la coopération économique entre pays riches, par la tenue d’une réunion annuelle au plus haut niveau, celui des chefs d’État ou de gouvernement.

Il s’agissait tout d’abord de discuter de la récession des années 1970, des crises monétaires et pétrolières. Au départ, la « nécessité de la relance » est encore pleinement admise.

Mais, en 1979, la Réserve fédérale américaine [i.e. la Banque centrale des Etats-Unis, aussi appelée la Fed] décide de hausser les taux d’intérêt, ce qui était censé permettre de lutter contre l’inflation et de renforcer le dollar afin de stopper sa dépréciation par rapport aux autres devises,

Le G8 ne tarda pas à emboîter le pas. En juillet 1979, le sommet de Tokyo, pour inaugurer l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, décide alors de rompre avec la « stratégie » économique mise en œuvre après le premier choc pétrolier de 1974. Il s’agit dorénavant ne pas laisser repartir l’inflation et de veiller aux équilibres extérieurs, c’est-à-dire de mener des politiques économiques restrictives. Pour réagir au deuxième choc pétrolier de 1979, il est donc décider de faire de l’emploi une variable d’ajustement. Le prétexte du pétrole est utilisé pour faire d’une pierre deux coups : redresser les marges des entreprises face à l’augmentation des prix du brut ; affaiblir le salariat par la compression des salaires et le chômage.

La décision de la Fed, relayée par le G8, va transformer complètement le cours des politiques. Dés lors, de nouvelles orientations économiques s’imposent ; c’est la mise en avant de la politique monétariste, c’est-à-dire faire de la lutte contre l’inflation l’objectif principal de la politique économique, au détriment des autres objectifs comme le plein-emploi. En France, cela de traduit par le « tournant de la rigueur » en 1983, marqué notamment par la politique de désinflation compétitive et la désindexation des salaires.

Le G8 s’impose à partir de ce moment comme un vecteur majeur du néolibéralisme mondialisé. D’autant que, 10 ans plus tard, avec la chute du Mur de Berlin et la fin d’un monde bipolaire, sa capacité à réunir les plus grandes puissances est renforcée.

Le rôle du G8 dans le pilotage de la mondialisation libérale

Le G7/G8 n’est pas une organisation internationale, comme le sont le FMI et la Banque mondiale. Il s’agit néanmoins d’un système assez structuré et relativement sophistiqué. Le dispositif fondamental est la réunion annuelle des chefs d’États et de gouvernement, qui souhaitent des réunions à huis clos. Immédiatement au-dessous, vient le second niveau, celui des ministres des Finances (que l’on sait être, historiquement, à l’orgine du G7/G8) : dans la pratique, ce qui est dénommé le « G7 Finances » (« G7 » car la Russie n’y participe pas), réunissant les ministres des Finances des pays du G7, ainsi que les gouverneurs des Banques centrales des pays concernés plus celui de la Banque Centrale Européenne (BCE), fixe en grande partie la « doctrine » économique des pays du G8. Le G7 Finances se réunit au moins trois fois par an : deux fois avant les Assemblées semestrielle du FMI et de la Banque mondiale et au moins une fois avant la tenue du Sommet du G8. A un niveau moindre, on trouve le G8 ministériel des Affaires étrangères qui, depuis 1984, se réunit en amont de l’Assemblée générale des Nations Unies de l’automne. D’autres G8 ministériels, Commerce, Emploi, Environnement... se réunissent selon les priorités affichées par le pays accueillant le Sommet. À ces formes officielles de représentation, s’ajoute un nombre considérable d’experts et de « sherpas », les conseillers permanents issus de l’entourage des responsables de l’exécutif, qui assurent le secrétariat du G8 et travaillent les dossiers d’une année sur l’autre. Bien que n’étant pas une organisation internationale, dotée d’une forte bureaucratie, le G7 est donc loin d’être pour autant une coquille vide.

Certes le G8 n’est pas une instance supérieure de pouvoir. Il ne s’impose pas aux États et, particulièrement, aux gouvernements des pays qui le constituent. Le pouvoir économique est encore moins subordonné au G8. Mais aucune économie ne peut fonctionner sans régulation politique, sans adaptation des cadres institutionnels et sans des instances qui portent des visions stratégiques à long terme.

Dans ce pilotage de la mondialisation néolibérale, si les autres institutions internationales jouent évidemment un rôle majeur, le G8 les a constamment encouragées à amplifier la contre-révolution libérale.

Au fil des années, la volonté d’accélérer les négociations du GATT puis de l’OMC a été constamment réaffirmée dans les communiqués.

De même, le G8 estime que le potentiel financier du FMI doit être accru et que ses actions doivent être encouragées, non pas avec l’objectif régulateur imaginé à sa création, mais avec celui d’assurer le remboursement des dettes imposées aux pays, notamment ceux du Sud. Il décrit également de façon élogieuse les actions de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), qui a joué un rôle clé dans l’affirmation de l’ordre néolibéral.

Si le G8 affirme n’obéir à aucune idéologie, il précise cependant que ses membres « sont unis autour de certaines valeurs universelles, la démocratie, le respect des droits de l’homme et de l’économie de marché » !

De fait, le G8 joue un rôle actif dans l’imposition d’un credo et dans le pilotage de la phase néolibérale de la mondialisation. Il préconise les politiques de libéralisation fondées sur :

- la prééminence des entreprises multinationales et de l’investissement privé international (notamment par la promotion des Investissements Directs à l’Etranger - IDE) ;

- l’accroissement, la dérégulation et la libéralisation du commerce international ;

- le désengagement des États et la réduction des dépenses publiques ;

- les privatisations et la remise en cause du statut du salariat et de l’emploi ;

- la régulation de l’économie par le marché des capitaux.

Les déclarations du G8 ont fortement évolué au fil des années. On a ainsi observé un glissement assez net, en trois ou quatre étapes, dans le contenu des déclarations du G8 :

- Pendant les premières années sont abordés les problèmes économiques des pays participants, dans le contexte de la crise monétaire internationale et de la crise structurelle. On y détecte un effort de coordination, la volonté d’éviter les affrontements et le désir de maîtriser de nouveaux mécanismes, comme celui du flottement du cours des monnaie.

- Puis l’affirmation du néolibéralisme devient le thème central. Une grande autosatisfaction est alors perceptible : les problèmes (comme l’augmentation du chômage en Europe) sont reconnus, mais ils confortent la détermination à aller de l’avant, vers davantage de place accordée aux marchés.

- À partir du milieu des années 1990, une posture défensive vient se superposer à cette satisfaction, du fait de la multiplication des crises monétaires et financières propres au néolibéralisme.

- Cette préoccupation se double finalement de la prise de conscience de la montée de la contestation et des résistances. Conséquence immédiate, les communiqués font une part grandissante aux bons sentiments, et ils se vident ainsi de réelle substance, sauf en ce qui concerne la promotion de l’économie de marché libéralisée. Au début des années 2000, on pourrait désormais croire que la préoccupation première des gouvernements des principaux pays est désormais la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie et la préservation de la planète ! Or comment atteindre de pareils objectifs sans régulation publique ?

Le G8 et les pays du Sud : un credo démenti par les faits

Le G8 affirme ouvertement que « loin de ne s’intéresser qu’à l’évolution de la croissance des pays qui le composent ou à la résolution de ses propres problèmes, le G8 traite depuis de nombreuses années de questions qui touchent directement les pays en développement ». Le G7/G8 s’était donné au départ pour fonction d’assurer une coordination des politiques économiques et des politiques en général, cette dernière dimension, on l’a dit, n’ayant cessé de s’affirmer au cours des années. Les premières réunions avaient pour objectif principal la gestion des problèmes économiques des pays du groupe. Au fil des années, au gré de l’affirmation du néolibéralisme, il s’est agi davantage de contrôler économiquement et politiquement le reste de la planète, en créant un cadre favorable aux intérêts des pays du centre et de leurs couches les plus favorisées.

La position du G8 à l’égard du Sud évolue suivant les étapes que nous venons d’évoquer.

Nous avons vu le tournant néolibéral qu’a représenté la politique monétariste américaine de la fin des années 1970.

Pour le G7, le message est dès lors limpide :

- les pays de la périphérie doivent aller plus avant dans la libéralisation des échanges et des mouvements de capitaux ;

- ils doivent parvenir à l’équilibre budgétaire et, pour cela, mettre en œuvre des « réformes » structurelles.

L’enjeu est invariable : l’extension à l’ensemble de la planète du terrain de chasse du capitalisme. Le communiqué du sommet de 1995 annonce ainsi qu’il faut « que les pays soient continuellement encouragés à éliminer les restrictions posées aux marchés des capitaux » .

En 1998, malgré la crise asiatique, le credo néolibéral est une nouvelle fois réaffirmé avec la conviction habituelle :

1. la crise est due au manque de transparence et à la mauvaise gestion des affaires publiques ;

2. le plan du FMI est la solution à court terme, car elle répond à la nécessité de veiller à la solvabilité des emprunteurs ;

3. à plus long terme, il faut renforcer la liberté du commerce et le libre mouvement des capitaux !

Il est en revanche fait état de la première prise en considération de la montée des résistances dans le communiqué de 2000 : « Nous devons reconnaître les préoccupations que suscite la mondialisation. »

Les communiqués, sous la pression des mobilisations anti-G8, vont alors consacrer de plus en plus de place aux recommandations relatives à l’aide au développement, à l’éducation, à la santé et à la préservation de la diversité culturelle et de la planète. Le zèle néolibéral cède ici largement la place à la propagande. Le discours développe alors le mythe de l’harmonie universelle : tout le monde profitera du développement de l’Afrique subsaharienne - qui pourtant voit son PIB/habitant diminuer de 0,6% entre 1975 et 2004 ; tout le monde bénéficiera de la préservation de l’atmosphère. Mais le développement de la périphérie est subordonné à la prospérité des pays du centre : notre prospérité doit être assurée, car elle conditionne la vôtre !

Des mesures « généreuses » furent même suggérées, comme l’allégement de la dette des pays pauvres les plus endettés, annoncé à Lyon en 1996 (initiative « Pays Pauvres Très Endettés » - PPTE), réaffirmé à Cologne, en 1999, puis étendu à Gènes, en 2001, à 23 pays. Cette promesse a été reprise en 2005, à Gleneagles, mais n’a jamais été réalisée réellement (voir le site du CADTM ).

La grande difficulté de l’appréciation du rôle du G7/G8 réside dés lors dans la confusion possible entre la parole et l’action, entre ce qui est écrit dans les textes officiels et ce qui est fait entre deux sommets.

Quels sont les résultats de la sollicitude du G8 pour les pays du Sud ?

Dans cinq domaines réputés essentiels par les derniers sommets du G8, les résultats sont désastreux.

1/ Le Sida fait les ravages que l’on sait, tout particulièrement en Afrique subsaharienne. Sa prévention et son traitement ont fait des progrès considérables. Le G8 est fier d’être à l’origine los du sommet de Gênes en 2001 de la création du Fonds mondial contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Or aucune avancée n’a eu lieu quant aux médicaments génériques alors qu’il est évident que le coût de traitement est un élément essentiel dans la lutte contre le virus. De la même manière, les réseaux de soins ne sont pas mis en place ou vont se détériorant. De plus, aucun des huit buts visés par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans ce qu’elle a dénommé en 2000, les « Objectifs du Millénaire pour le Développement », pourtant modestes quant à leur quantification, n’est atteint ; le nombre d’êtres humains souffrant de la faim, dont la réduction est un de ces objectifs, a même augmenté !

2/ La dette est une entrave considérable au développement. Le G8 en est parfaitement conscient et s’enorgueillit d’être à l’origine de l’initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE) qui vise, selon ses promoteurs, « à rétablir la solvabilité des pays bénéficiaires ». Mais comment le Sud peut-il supporter 350 milliards de service annuel de sa dette alors que l’aide publique au développement est sept fois moins élevée ?

3/ Les échanges continuent d’être, pour le G8, la pierre philosophale qui devrait répondre aux questions liées au développement. Le directoire mondial a tout lieu de se réjouir. Les chiffres sont impressionnants. Rien qu’entre 2003 et 2005, le total des importations et des exportations est passé de 9 000 à 12 000 milliards de dollars et représente ainsi plus du tiers du PIB mondial. Tout devrait donc aller au mieux dans ce monde merveilleux !

4/ La corruption a été, à juste titre, dénoncée par le G8. Mais, sans parler de la corruption dans les pays du G8, comment celui-ci peut-il être crédible dans ce domaine alors que certains pays du G8 continuent de financer les pires dictatures de la planète, corrompues notoires ? Alors qu’il ne prend aucune décision à propos des paradis fiscaux ? Tous les experts les dénoncent pourtant sans ambiguïté comme étant le vecteur principal de ladite corruption.

5/ Enfin le G8 demande aux entreprises d’adopter une attitude responsable en matière sociale. Cette requête est d’autant plus fondée que les plus grandes entreprises mondiales ressortissent des pays qui composent le G8. Mais pour que les engagements pris soient respectés, encore faudrait-il que soient fixées des règles impératives et les sanctions dans l’hypothèse où elles ne seraient pas respectées. Or les diverses recommandations du G8 n’ont aucune valeur contraignante pour les entreprises.

Comment le G8 peut-il alors prétendre que les réponses qu’il apporte l’ont été dans l’intérêt de la planète et de tous ses habitants ?

Pendant ce temps, la politique états-unienne en Irak n’en finit pas d’aggraver chaque jour davantage les tensions internationales et le malheur des populations ; aucune véritable solution n’est proposée pour remédier à la très grave crise écologique dans laquelle, tous, nous nous enfonçons.

Au lieu de quoi nous assistons à un non respect répété des résolutions de l’Organisation des Nations Unies, ou à leur paralysie, dans tous les domaines où le monde a un besoin urgent de décisions publiques qui viennent réguler, voire s’opposer, aux décisions des marchés.

La contestation qui s’affirme dans le mouvement altermondialisation ne porte toutefois pas seulement sur la nature des politiques, donc de leurs conséquences sur les conditions de vie des populations du monde ; elle vise la nature même de cette institution mondiale.

2. POURQUOI LE G8 EST-IL ILLÉGITIME ?

Les dirigeants des pays composant le G8 estiment que, au regard de la puissance économique qu’ils représentent dans le monde, ils se doivent de tenter de proposer des réponses communes aux questions du moment, notamment au plan économique. Ils prétendent cependant ne vouloir se substituer à aucune des organisations internationales précisément créées dans ce but. Pour autant, le G8 ne cache pas que « son rôle est toutefois réel et important, parce qu’il a une forte capacité de concertation et d’impulsion, particulièrement en matière économique, et qu’une bonne entente entre les membres du G8 est indispensable au bon fonctionnement des grandes organisations internationales ».

Du Traité de Tordesillas (partage du Nouveau monde entre Espagnols et Portugais en 1494) en passant par ceux de Westphalie (recherche d’un équilibre des forces entre grandes puissances européennes en 1648), de Versailles (découpage de l’Europe et de ses colonies entre les vainqueurs de la Première Guerre mondiale en 1919) ou encore les conférences de Berlin (partage de l’Afrique entre les puissances impérialistes européennes en 1885) et de Yalta (partage du monde entre les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale en 1945), les puissants planétaires ont toujours préféré régler les affaires du monde entre eux. Aujourd’hui encore, à l’ère de la « démocratie planétaire » et de la « bonne gouvernance », subsistent de telles instances de discussion et de négociation ayant plus à voir avec les pratiques des chefs coutumiers et des rois traditionnels qu’avec les principes élémentaires de la démocratie.

En premier lieu, il faut noter le besoin de restreindre le nombre de parties prenantes à cette coalition. L’Organisation des Nations Unies - ONU - et son Assemblée générale soumise au principe « un pays = une voix » a ainsi ouvertement été contournée, si ce n’est même attaquée à la fin des années 1970 par une campagne diffamatoire consistant à la décrédibiliser en matière de politique économique, de régulation financière, monétaire et commerciale et de règlement de la dette extérieure.

En second lieu, il fallait un fonctionnement souple. L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) aurait par exemple pu être l’instance adéquate, puisqu’elle regroupait déjà les 24 économies les plus industrialisées et satisfaisait la volonté de se retrouver à un petit nombre pour discuter de la marche du monde. Mais les difficultés de l’OCDE face à la crise pétrolière de 1973 et les négociations ayant abouti dans la douleur à la création, en novembre 1974, de l’Agence internationale de l’énergie servirent aussi de leçon, semble-t-il, aux principaux consommateurs de pétrole dans le monde. L’OCDE avait en effet été prise au dépourvu par la décision des membres de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) de réduire leur production annuelle et s’était trouvée bloquée par sa règle de décision à l’unanimité et le refus de ses membres de lui fournir les chiffres de leurs réserves et de leur consommation énergétiques. Il fallait donc pour les principales puissances définissent espace de discussion restreint, évitant les lenteurs bureaucratiques, optant pour la forme de conférences ad hoc plutôt que celle d’une institution, et surtout restant fermé aux regards des citoyens.

Un petit groupe de chefs d’État et de gouvernement représentant les privilégiés de la planète s’arroge ainsi le monopole de décider pour tous.

Le G7/G8 est donc une des institutions où se forme ce pouvoir mondial sous hégémonie américaine. Le fait que les réunions rassemblent directement les chefs d’État et de gouvernement, qui revendiquent constamment une relation directe, informelle et à huis-clos montre bien qu’il s’agit d’un lieu privilégié d’élaboration du consensus qui unit ces pays, en dépit de leurs spécificités.

Les pays du G8 et ceux de l’Union Européenne, qui est en tant que telle associée permanente aux réunions du G8 depuis 1977, totalisent en 2004 une production totale de biens et services de quelque 26 000 milliards $, soit 65 % du PIB mondial ; pourtant ils ne représentent que 13 % de la population de la planète. Les dépenses militaires de ces pays représentent en outre environ 60% des dépenses totales dans le monde. Dans cet ensemble, la part des États-Unis est évidemment prépondérante (près de la moitié de la production et 60% de l’armement du G7).

Il y a un déni profond de la démocratie par une institution qui ne connaît aucun contrôle et qui est coupé de toute instance représentative. Certes les dirigeants du G8 ont été élus (à peu prêt) démocratiquement, mais ils ont été élus pour gouverner leur pays et ne sont pas mandatés pour gouverner le monde ! Le fait que les membres de ce club des riches et des puissants soient tous, à l’exception du Canada, d’anciennes puissances coloniales constitue en outre une circonstance aggravante !

Certes l’ONU n’est pas la panacée et on ne va pas ici développer les défauts, mais elle a au moins le mérite de la légitimité. En quoi l’ONU et ses agences spécialisées ne peuvent-elles pas prendre en charge les questions soulevées par le G8 ? Essentiellement parce que, nous l’avons vu, les pays riches et les propriétaires du capital ont trouvé avec le G8 un porte-parole sûr et un ardent défenseur de leurs intérêts.

C’est pourquoi le mouvement altermondialiste en est venu à mettre en avant l’illégitimité du G8 à s’arroger un rôle dirigeant dans la conduite d’une politique mondiale. Attac en avait d’ailleurs fait le coeur de sa mobilisation en 2003 lors du sommet d’Evian. Nous contestons la légitimité du G8 et nous demandons donc sa dissolution.

Le directoire mondial qui s’est autoproclamé tel depuis plus de trente ans, a gravement failli. Cette faillite s’inscrit dans la suite des décennies coloniales qui l’ont précédée. Non seulement les peuples sont fondés à récuser son pouvoir, mais encore doivent-ils leur demander des comptes. Ce sont bien ceux qui ont largement profité de la mondialisation néolibérale au mépris des hommes et de la planète.

Et ce n’est pas l’invitation sur la photo de quelques pays du Sud consentants (G20) qui va suffire à rendre le G8 légitime...

3. CE QUE NOUS DEMANDONS

Précisons d’emblée que nous ne demandons rien au G8, sinon de disparaître. En revanche, Attac et, au-delà, le mouvement altermondialiste, s’adresse aux populations et interpelle les gouvernants.

Nous allons rapidement présenter contenu du G-Monde, cette déclaration qui avait été adoptée par tous les Attac du monde lors du sommet d’Evian, en 2003

Cette déclaration s’adressait aux peuples du monde pour dénoncer les conséquences des politiques instaurées et imposées par un directoire de gouvernements qui prétendent gouverner la planète. Il mettait en cause la responsabilité politique des dirigeants des pays du G8, estimant que l’injustice qui caractérise l’état du monde n’est pas une fatalité, mais est la conséquence des politiques économiques et sociales que les dirigeants du G8 ont imposées : ils en portent la responsabilité politique première.

La déclaration contestait bien évidemment la légitimité du G8 et exigeait sa dissolution. Elle réclamait dans l’immédiat d’autres politiques, parmi lesquelles :

- l’annulation de la dette des pays du Sud, déjà payée plusieurs fois ;

- la récupération, par les peuples, des détournements et de la corruption en dépôt dans les banques internationales ;

- l’interdiction et l’élimination des paradis fiscaux, judiciaires et bancaires ;

- la mise en œuvre d’un programme d’urgence, permettant d’assurer l’accès de la population mondiale aux services essentiels de base, tel que préconisé par le PNUD ;

- la mise en œuvre d’un système international de redistribution des richesses, et particulièrement l’instauration d’un système de taxes globales, dont la taxe Tobin, et leur affectation au financement du développement, en commençant par l’accès pour tous aux droits fondamentaux ;

- la subordination des règles de l’OMC aux normes de l’Organisation internationale du travail (OIT) ;

- un moratoire dans la négociation de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et, en attendant, la suspension de toute nouvelle négociation, ce qui impliquait le refus de toutes les offres et demandes de libéralisation. l’interdiction des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation.

Le G-Monde affirmait que ces propositions sont susceptibles d’une application immédiate mais qu’elles ne sont possibles que dans le cadre d’un changement de politique, celui-ci ne pouvant résulter que d’une mobilisation massive des peuples.


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