Duterte (Philippines), le président plus fou que Donald Trump

lundi 17 septembre 2018.
 

A) Duterte (Philippines), le président plus fou que Donald Trump

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B) Donald Trump et Rodrigo Duterte comme larrons en foire

En marge du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), qui se tient actuellement à Manille, Donald Trump et Rodrigo Duterte se sont officiellement entretenus. Que retenir de ces échanges d’amabilités entre les chefs d’Etat américain et philippin ?

Donald Trump achève aux Philippines une tournée marathon qui l’a menée dans cinq pays d’Asie. Après ses commentaires élogieux sur le numéro chinois Xi Jinping, il a vanté dimanche 12 novembre la qualité de ses relations avec un autre dirigeant asiatique : le Philippin Rodrigo Duterte.

Cet homme très controversé, en raison de sa guerre sanglante contre le trafic de stupéfiants dans son pays, a déroulé le tapis rouge au président des Etats-Unis pour sa venue à Manille. L’une des soirées de gala les plus fastueuses qu’ait organisées la présidence des Philippines.

L’homme fort de Manille, grand fan de karaoké, a joué les crooners devant son invité, lui chantant à sa demande un morceau de pop philippine à l’eau de rose, le tout devant une vingtaine de chefs d’Etat : « Tu es la lumière de mon monde, ma moitié dans mon cœur », a-t-il notamment entonné.

« Nous avons de très bonnes relations », a dit Donald Trump de son homologue philippin, tout vantant l’organisation du sommet de l’ASEAN par ce dernier. Trump et Duterte ont affiché leur proximité, dans un style mêlant décontraction et regards complices, à mille lieues des exactions dénoncées par les opposants au chef de l’Etat philippin.

D’après les estimations, sa guerre antidrogue a tué entre 7 000 et 12 000 personnes. « Les deux hommes ont evoqué brièvement ce sujet », a tenu à souligner la Maison Blanche. Le communiqué final du sommet de l’ASEAN, qui se poursuit jusqu’à mardi, ne devrait pas plus faire mention, d’ailleurs, du sort des Rohingyas en Birmanie, selon une version temporaire diffusée par Reuters.

"Nous avons une relation formidable. Les choses sont prometteuses (...) Le sommet de l’ASEAN est magnifiquement géré par le président des Philippines (...) et j’apprécie vraiment d’être là. La météo est toujours bonne ici, aujourd’hui il fait plutôt beau. Une chose à propos des Philippines, c’est que les choses finissent toujours par s’améliorer"

Source : http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20...

C) Rodrigo Duterte, le Dr Jekyll et Mr Hyde des Philippines

Le nouveau président philippin flingue à tout-va tout ce qui ressemble de près ou de loin à un trafiquant de drogue (déjà 2 400 morts) et traite publiquement de «  fils de pute  » tous ceux qui le lui reprochent, y compris Obama. Mais parallèlement, il fait la paix avec les groupes rebelles...

On ne peut pas dire de Rodrigo Duterte qu’il ne respecte pas ses promesses de campagne, aussi contrastées et macabres soient-elles. Le 26 août à Oslo, le nouveau président philippin a signé des accords pour un cessez-le-feu avec la rébellion maoïste. La fin d’un conflit qui a fait 40 000 morts en près de cinquante ans est l’un des axes principaux du programme de Duterte, son gouvernement estimant pouvoir concrétiser un accord de paix définitif en un an, là où les précédents pouvoirs ont échoué.

Ce conflit n’est pas le seul qui perdure aux Philippines. Fin août, Duterte a émis le souhait de rencontrer Nur Misuari, leader du Front moro de libération nationale (MNLF), l’un des deux principaux mouvements rebelles musulmans établis dans le sud des Philippines. Le MNLF revendiquait au départ la création d’un État islamique indépendant dans le sud des Philippines, avant de se satisfaire d’une autonomie après l’accord de paix de 1996. Mais, en 2013, ce groupe a assiégé la ville de Zamboanga, attaque qui a fait des centaines de morts. En parallèle, le gouvernement philippin a intensifié son combat contre le groupe terroriste Abou Sayyaf, proche de l’« État islamique », auquel Duterte avait également proposé la paix. Actuellement, la lutte contre ce mouvement s’est intensifiée. Un récent raid de la police contre ce groupe s’est soldé par 15 morts dans les rangs des autorités. Les rébellions musulmanes et maoïste ont tué environ 150 000 personnes en un demi-siècle. Ces différentes négociations de paix interviennent selon le gouvernement philippin dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, au même titre que le combat contre la drogue, autre grand cheval de bataille de Duterte.

La police tire à vue sur les suspects en toute impunité

« Oubliez les lois sur les droits de l’homme. Si je suis élu président, (…) vous, les dealers, les braqueurs et les vauriens, vous feriez mieux de partir. Parce je vais vous tuer. » Voici le genre de discours qui ont parsemé la campagne de Duterte dans la présentation de son programme de lutte contre la criminalité. Cette promesse se résume en l’absence totale de justice. Le président philippin combat principalement depuis son entrée en fonctions le fléau que représente la drogue, par une guerre qui elle-même est devenue un fléau pour son pays. Sur ordre direct du président, la police tire à vue sur les suspects en toute impunité et des milices, n’hésitant pas à tuer, se sont levées pour soutenir ce combat.

Cette lutte a suscité l’indignation de la communauté internationale et d’élus philippins. Une commission sénatoriale a été créée en août pour enquêter sur la multiplication des meurtres extrajudiciaires, dirigée par la sénatrice Leila de Lima, vive opposante de Duterte. Cette commission a enregistré la déposition de Ronald dela Rosa, chef de la police, qui a affirmé que les autorités n’avaient reçu aucune consigne particulière pour éliminer les trafiquants. Il a précisé devant elle que 750 d’entre eux ont été tués au cours d’opérations policières, ajoutant que « les policiers ne sont pas des bouchers ». Cependant, le 26 août, Ronald de la Rosa a exhorté, lors d’une déclaration télévisée, les toxicomanes à « tuer les dealers ».

Des menaces de mort adressées aux opposants à sa politique

Dans ses nombreux discours, Rodrigo Duterte n’hésite pas à menacer, parfois de mort, tous ceux qui s’opposent à sa politique, y compris des élus philippins comme la sénatrice Leila de Lima. Le 21 août, il a créé une nouvelle polémique en menaçant de se retirer de l’ONU tout en traitant l’organisation de « fils de pute ». Le 6 septembre, il a ressorti son injure favorite en la destinant à Barack Obama, obligeant le président américain à annuler une rencontre avec lui en marge du sommet de l’Asie du Sud-Est au Laos. Puis il s’est rétracté, évoquant notamment une simple « plaisanterie » pour le retrait de l’ONU.

En revanche, le bilan de sa guerre contre la drogue n’en est pas une, qui s’élève depuis sa prise de fonctions en juin à plus de 2 400 morts (dealers et consommateurs) en moins de trois mois, selon la police. La semaine dernière, l’association Human Rights Watch a dénoncé le meurtre d’une fillette de 5 ans par une milice qui s’en prenait à son grand-père, suspecté d’être un toxicomane.

Antoine Wailliez, L’Humanité


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