Telle est la principale conclusion des travaux du programme européen Damoclès, dont le bilan scientifique a été rendu public mercredi à Paris, à l’occasion de l’escale dans la capitale du voilier polaire Tara.
La goélette, qui est amarrée au pied du pont Alexandre III jusqu’en janvier 2009, fut le support logistique du programme Damoclès tout au long des 507 jours de sa dérive arctique, de septembre 2006 à janvier 2008.
Une exposition "Voyage au coeur de la machine climatique", organisée sur le quai d’amarrage de Tara, sera ouverte au public à partir de samedi.
Fonte totale de la banquise d’été à l’orée 2015
La première observation -déjà enregistrée par Damoclès en janvier 2008 lorsque Tara acheva sa dérive, puis confirmée en 2008- laisse envisager "une fonte totale de la banquise arctique en été à l’orée des années 2015, alors que les précédents modèles pointaient 2050", a indiqué à l’AFP l’océanographe et directeur de recherches au CNRS Jean-Claude Gascard, coordinateur du programme scientifique réalisé dans le cadre de l’Année Polaire Internationale (API 2007-2008).
"Les étés 2007 et 2008 ont marqué les deux plus importantes fontes de la banquise depuis le début des observations satellitaires, il y a trente ans. Mais notre grande découverte à bord de Tara fut de constater que plus de 50% de la superficie glacée restante (environ 4 millions de km2 contre 14 millions en hiver) était constituée de +mares de fonte+. En d’autres termes, la banquise d’été est +trouée comme un gruyère+, ce qui précipite le processus de délitement", a ajouté le coordinateur de Damoclès.
Deuxième observation cardinale : "L’effet de serre n’est plus le seul responsable du réchauffement climatique. Il est désormais secondé, voire dépassé par l’effet Albédo, qui mesure le rapport de l’énergie solaire réfléchie par une surface sur l’énergie solaire incidente", a souligné l’océanographe.
Explication : "8O% de l’énergie solaire est réfléchie par une surface de glace ou de neige, contre seulement 10% par l’océan. Ainsi, moins il y a de surface gelée pour renvoyer les rayons du soleil, plus la température augmente et se maintient sur et sous la surface en question. L’océan a de la mémoire et le réchauffement provoque... du réchauffement. Ce mécanisme est maintenant durablement enclenché", a assuré Jean-Claude Gascard.
Selon les nouveaux modèles mis en avant par Damoclès (ce ne sont que des "modèles", soulignent les scientifiques qui restent très prudents), les conséquences d’une fonte totale de la banquise pendant les six mois d’été (elle se reforme l’hiver) seraient multiples.
La plus préoccupante serait une fonte partielle, mais accélérée, des glaces du Groenland (eau douce) qui pourrait à la fois provoquer une élévation d’un mètre du niveau des océans avant la fin du siècle, mais aussi ralentir la montée des eaux du Gulf Stream, qui réchauffe les côtes et l’atmosphère de l’Europe occidentale.
Ce dernier phénomène, qualifié de "contre-réaction négative" par l’océanographe, aurait alors, et sur le long terme, la singulière conséquence de provoquer a contrario un sensible refroidissement du climat sur la façade Est de l’Atlantique Nord.
"Dans ce cas de figure, c’en est fini des mimosas en Bretagne", résume Jean-Claude Gascard.
Enfin, l’ensemble du scénario pourrait se compliquer avec une fonte accélérée du pergélisol (sol gelé en permanence), notamment en Sibérie, qui pourrait libérer des quantités considérables de méthane (gaz à effet de serre) enfouies et augmenter la production de dioxyde de carbone par processus de biodégradation.
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