Aulard (historien républicain, radical-socialiste) : "le peuple français qui fut le véritable héros de la Révolution française"

mardi 3 février 2009.
 

Alphonse AULARD, grand historien radical de la Révolution française sous la IIIème République

Extraits de l’avertissement de l’Histoire politique de la Révolution française 1901

" C’est une erreur de dire que la Révolution française a été faite par quelques individus distingués, par quelques héros.

J’admets, si I’on veut, que c’est un soldat de génie qui réussit, finalement, à en désorganiser l’æuvre politique. Mais je crois que, de tout le récit de la periode comprise entre 1789 et 1799, il ressort qu’aucun individu n’a mené les événements, ni Louis XVI, ni Mirabeau, ni Danton, ni Robespierre.

Faut-il dire que c’est le peuple français qui fut le véritable héros de la Révolution française ? Oui, à condition de voir le peuple français, non à l’état de multitude, mais à l’état de groupes organisés. Prenez par exemple les faits vraiment décisifs, ceux qui ont vraiment influé, et d’abord le fait capital, la prise de la Bastille et la révolution municipale qui s’en suivit.

Vous seriez bien embarrassé de citer le nom d’un seul individu qui ait paru jouer, dans cette formation de la France nouvelle, en juillet et août 1789, un rôle prépondérant. Que voyez-vous alors ? Des Français s’organisant en groupes à forme municipale, se groupant en communes ; ces communes se fédèrent en nation : c’est la patrie nouvelle, qui sort d’un mouvement spontané de fraternité et de raison.

Et I’insurrection du l0 août 1792, qui, changeant les destinées de la France, renversa un trône plusieurs fois séculaire et fonda la démocratie ? Elle fut anonyme, nationale. Ce ne fut I’oeuvre ni de Danton ni de Barbaroux, mais de fédérés marseillais, de fédérés brestois, de gardes nationaux parisiens.

Qui, par la suite, cimenta I’unité nationale ? Qui sauva la nation attaquée par le roi et déchirée par la guerre civile ? Est-ce Danton ? est-ce Robespiene ? est-ce Carnot ? Certes, ces individus rendirent service ; mais, au vrai, I’unité fut maintenue, I’indépendance fut assurée par le groupement des Français en communes et en sociétés populaires. C’est I’organisation municipale et jacobine qui fit reculer I’Europe coalisée contre la France.

Cependant, dans chaque groupe, si on y regarde de près, il y a deux ou trois individus plus capables, qui, meneurs ou menés, exécutent les décisions, ont un air de chefs, et qu’on peut appeler des chefs, mais qui (si par exemple on lit les procès-verbaux de sociétés populaires) nous apparaissent tirant leur force bien plus de leur groupe que d’eux-mêmes. Pour arrêter la Révolution, Napoléon Bonaparte dissocia les groupes. Alors il n’y eut plus de citoyens ; il n’y eut plus que des individus".


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