La folle semaine d’Obama en Europe

samedi 11 avril 2009.
 

Il est parti. Il était temps ! Au terme de cette semaine américaine il devenait difficile d’aller plus loin dans la complaisance et l’hagiographie. La visite européenne d’Obama pour le G20, le sommet de l’OTAN de Strasbourg puis celui de Prague entre l’Union Européenne et les Etats-Unis a donné lieu à un matraquage quasi publicitaire. Conformément à un récit du monde qui accorde plus de place au pipole qu’aux rapports de forces entre puissances, le simple changement de président aux Etats-Unis est censé rendre désirable un « leadership » si difficile à faire accepter sous Bush. Cette naïveté serait touchante si une partie de ceux qui vantent aujourd’hui la rupture incarnée par Obama ne nous invitaient pas hier à soutenir son prédécesseur. Surtout ces commentaires béats ne tiennent aucun compte des propos réellement tenus par le président états-unien au cours de sa visite, de la vision du monde qu’il y a exprimée et des nombreuses raisons que nous avons de ne pas nous y rallier.

Ainsi, on nous présente un Obama pacifiste résolu à éliminer les armes nucléaires. Un événement prétendument historique. C’est oublier un appel identique de Ronald Reagan dès 1986. C’est cacher les propos peu pacifistes d’Obama lui-même. Dans son discours de Prague il a expliqué que l’arme nucléaire, légitime à l’heure de la guerre froide, était dorénavant accessible à trop de nations et pouvait tomber entre des mains terroristes. C’est pourquoi l’effort d’élimination des armes nucléaires, s’il passe par une réduction conjointe mais partielle des arsenaux russes et américains, implique surtout une mobilisation générale de la communauté internationale contre la Corée du Nord et l’Iran, ou encore une relance de la « guerre contre le terrorisme » inventée sous Bush. « Nous ne nous berçons pas d’illusions. Certains ne respecteront pas les règles, et c’est la raison pour laquelle il nous faut mettre en place une structure [NDLR : donc pas l’ONU !] qui garantisse que si une nation est en infraction, elle en assume les conséquences. (...) Les règles doivent avoir un caractère contraignant. Les violations doivent être punies. Les mots doivent avoir un sens. Le monde doit se rassembler pour empêcher la prolifération de ces armes. » D’ailleurs Obama explique que ce désarmement ne sera sans doute pas atteint « de son vivant ». En revanche, l’épouvantail des terroristes nucléaires est disponible tout de suite pour justifier l’envoi de troupes en Afghanistan. Obama brandit aussi la menace iranienne et nord-coréenne pour légitimer les bases américaines de missiles en République tchèque et en Pologne, bobard grotesque et provocant là encore inventé sous Bush vis-à-vis de la Russie, seule puissance visée par ce dispositif.

On nous vante également un Obama prêt à renoncer au rôle particulier des Etats-Unis au nom du multilatéralisme. Là encore, il a dit explicitement l’inverse. « Tout comme nous nous sommes dressés au XXe siècle pour défendre la liberté, nous devons nous dresser ensemble au XXIe siècle pour vivre libres de toute peur. Et en tant que puissance nucléaire - en tant qu’unique puissance nucléaire ayant eu recours à l’arme nucléaire -, les Etats-Unis ont la responsabilité morale d’agir. Nous ne pouvons réussir seuls dans cette entreprise, mais nous pouvons la conduire. » Placer ses alliés sous conduite états-unienne au nom d’Hiroshima, il fallait l’inventer !

On nous dit enfin qu’avec Obama les Etats-Unis reconnaissent pleinement l’Union Européenne. Il a pourtant tenu à faire précéder le sommet européen de celui de l’OTAN, manière de rappeler que l’UE n’est légitime pour les Etats-Unis que dans un cadre compatible avec l’OTAN. Et son voyage a été l’occasion de défendre publiquement l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, ce qui témoigne d’une ingérence brutale dans ses affaires intérieures.

Alors pourquoi cette obamania médiatique ? Elle témoigne surtout de l’alignement des classes dominantes européennes sur l’Empire. Comme toujours celui-ci s’appuie aussi sur l’adhésion au modèle de société états-unien. Le rêve américain a changé mais pour les puissants il vit encore. C’est le rêve d’un monde sans gauche ni mouvement ouvrier, où l’on fait croire que le vrai moteur de l’histoire est la contradiction opposant la civilisation capitaliste aux barbares. Telle a bien été la mise en scène politico-policière méthodiquement construite à Strasbourg : sérieux et sourire du côté des chefs d’Etat réunis pour envoyer 5000 hommes de plus dans le bourbier afghan, violence et casse du côté des pacifistes. Peut-être sentent-ils ce rêve à leur portée. Le monde dans lequel les gens qui mettent un drapeau « paix » à leur fenêtre sont traités comme les alliés des barbares -et donc au mépris du droit- existe déjà. Celui dans lequel Pierre Lelouche déclare à la télévision à Jean-Luc Mélenchon qui conteste l’alignement sur l’OTAN et la CIA que si l’on était au 19e siècle, il « le flinguerait » et que ce « serait mérité » existe aussi. Cela a aussi été cela une semaine à l’heure américaine. Pendant qu’ils encensaient Obama, ils importaient Mc Carthy.


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