Eté, hiver, soleil, pluie... Quand la météo influence notre santé...

dimanche 6 juillet 2014.
 

« Je suis un vrai baromètre, raconte Pascale, cinquante-quatre ans. Quand le temps tourne à l’humidité, mes douleurs articulaires se réveillent. » Question : notre corps est-il capable de prédire le temps  ?

« Nous sommes des animaux homéothermes, explique le Pr Jean-Louis San Marco, directeur du laboratoire de santé publique de la faculté de médecine de la Timone, à Marseille. Contrairement aux autres mammifères, l’homme a une très bonne adaptabilité, il peut vivre sous tous les climats. Mais, en contrepartie, son système de régulation thermique est extrêmement fragile. »

Ainsi, pour maintenir une température corporelle constante dans l’organisme (entre 36,8 et 37,2 ° C), il doit produire et consommer beaucoup d’énergie. « En période de températures extrêmes, cet effort très important peut épuiser, voire tuer, une personne âgée fragilisée ou un tout-petit », souligne le Pr San Marco.

L’été meurtrier

La canicule de 2003 nous a montré que le soleil ne faisait pas toujours bon ménage avec la santé. Cet été-là, les caprices du thermomètre ont provoqué 15 000 décès de plus que les autres années à la même période. La majorité étaient directement liés à la chaleur (coup de chaleur, hyperthermie, déshydratation…), d’autres à des effets associés, comme les infections urinaires ou rénales dues à une hydratation insuffisante ou, au contraire, à un excès d’élimination rénale.

Autre risque de l’été : les UV. « On sait que l’exposition répétée aux rayons ultraviolets fait grimper les chiffres du mélanome, le cancer de la peau le plus grave, des ophtalmies de la cornée et de la cataracte », affirme Jean-Claude Cohen, coordinateur « météo et santé » de Météo France.

Selon cet expert, la météo a aussi une influence sur la conduite automobile : « Les accidents de la route sont plus fréquents par temps chaud et orageux. Cela rend apparemment les conducteurs plus fatigués ou plus tendus, donc plus imprudents. »

Sensible aux saisons, notre corps l’est aussi à la pollution. Une étude réalisée par la cellule interrégionale d’épidémiologie (Cire) de Rhône-Alpes entre 1999 et 2000 dans l’agglomération de Clermont-Ferrand a montré que le nombre de décès anticipés et de consultations hospitalières pour troubles cardio-vasculaires et respiratoires augmente avec les épisodes de fortes chaleurs, les pics de pollution, de pollen, le vent ou l’humidité. C’est autant d’«  événements sanitaires qui seraient théoriquement évités si la pollution était quasiment nulle », conclut l’étude.

Le temps joue également sur la pollution «  verte  » ou «  biologique  », qui se caractérise par la présence de quantités importantes de pollens allergisants dans une région donnée et qui concerne aujourd’hui 1  Français sur 5. Il pourrait y en avoir encore plus avec le réchauffement climatique, car, se sentant menacées, les plantes produisent davantage de pollen.

Plus d’infarctus en hiver

Nous ne sommes pas mieux protégés par grand froid, un temps qui met le cœur en péril. En février dernier, par exemple, où les températures ont souvent été inférieures à 0 degré, 6 000 morts supplémentaires ont été recensées par rapport aux hivers précédents. Ces décès ont peu retenu l’attention, mais témoignent pourtant de notre fragilité face aux conditions atmosphériques.

Pendant l’hiver, l’infarctus du myocarde est la première cause de surmortalité – près de la moitié des décès. On sait en effet que, quand le thermomètre descend au-dessous de –  4  degrés, le risque de crise cardiaque augmente de 115  %, et de 40  % lorsque les températures varient brutalement d’un jour à l’autre. L’intensité du vent y est aussi pour quelque chose.

Les populations les plus vulnérables sont les personnes âgées et les hypertendus. Ces derniers voient d’ailleurs grimper le risque d’avoir un accident vasculaire cérébral. Mais le froid peut aussi être redoutable pour les personnes souffrant d’insuffisance respiratoire (car il déclenche une contraction spasmodique des muscles lisses de la paroi des bronches) et être à l’origine de violentes crises chez les asthmatiques.

«   Quand il fait froid, notre système de régulation s’emballe et nous demande de produire plus d’énergie pour maintenir fixe la chaleur centrale, précise le Pr  San Marco. D’où l’importance de gestes simples que l’on néglige, comme se protéger les extrémités (la principale perte thermique se fait par le crâne) ou mettre une écharpe sur le nez pour que le refroidissement dans les poumons se fasse plus progressivement et que la respiration bénéficie de ce “ sas ” artificiel. »

La science en alerte

Mais si climat et santé sont indissociables, il est difficile d’en tirer des généralités, car nous réagissons de manière différente au temps qu’il fait : « La météo, c’est notre milieu quotidien, nous en subissons l’influence, mais chacun à notre manière, en fonction de notre sensibilité propre, souligne Jean-Claude Cohen. Nous devons néanmoins apprendre à préserver notre capital santé en appréhendant mieux nos réactions. Les personnes à la peau claire, par exemple, doivent faire attention à l’exposition au soleil et aux ultraviolets, celles qui souffrent de maladies cardio-vasculaires doivent se méfier des changements atmosphériques brutaux… Le froid ou la chaleur ne sont pas à eux seuls la cause des maladies, mais les facteurs déclenchants. »

Reste qu’on connaît encore mal les mécanismes de ces maladies ­« météo-sensibles ». Comment expliquer, par exemple, que, selon une étude norvégienne, les femmes qui accouchent pendant les mois d’hiver ont 20 à 30 % de risques en plus de présenter une pré-éclampsie (maladie grave pouvant entraîner la mort de la mère et de l’enfant) dans les tout derniers mois de la grossesse  ?

Pour comprendre les effets du climat sur notre santé, il y a une discipline, la biométéorologie, dont le but est d’améliorer les systèmes de surveillance et d’alerte de risques sanitaires.

Météo France a ainsi mis en place une commission santé-biométéorologie chargée d’étudier l’influence des conditions atmosphé­riques sur, notamment, les affections respiratoires, cardio-vasculaires et neuropsychiatriques et l’impact sur la santé de conditions climatiques particulières : climats marin, insulaire, lacustre, de montagne…

« La biométéorologie est au service de la médecine préventive, précise Jean-Claude Cohen. Dès que nous avons connaissance d’un danger nous lançons une alerte. Et, au fil des saisons, nous donnons des conseils pratiques pour faire face aux changements climatiques. »

L’avenir proche devrait permettre de développer la prévention : aide à la prévision des taux de pollution, suivi des risques liés aux rayons ultraviolets, surveillance des risques engendrés par les canicules ou les grands froids.

Le bulletin météo de demain sera-t-il aussi celui du conseil comportemental  ?

«   On croit maîtriser la nature. On n’observe plus les saisons et on a perdu les gestes adaptés en matière d’habillement, de rythme et d’alimentation. On en a même oublié de percevoir le danger  », note Jean-Claude Cohen. Les catastrophes sanitaires climatiques sont là pour nous rappeler à l’ordre.

6 juillet 2009

Florence Quentin

A lire :

Météo et Santé, Jean-Claude Cohen et Jean-Louis San Marco, Le Cherche Midi, 12  euros.

Météo, mode d’emploi, Pascal Hernandez, Hachette Pratique, 14,90  €.

Tel climat, quelle santé  ?, Maurice Huet, L’Harmattan, 16,80  €.


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