ORDRE GLOBALITAIRE ET NOUVELLE EMANCIPATION

dimanche 20 septembre 2009.
 

PROLONGER LE REMUE MENINGE

Nous venons de tenir un « remue méninge » à Clermont Ferrand. Nous aurions voulu que ce ne soit pas une « université » en raison de la signification d’enseignement des uns aux autres que le mot implique. Cela parce que ce n’est pas dans nos moyens. Nous sommes récents. Le parti de gauche n’a pas un an. Nous n’avons donc aucune des facilités de fonctionnement que procure les codes de vocabulaire communs, la profondeur des expériences vécues ensemble et ainsi de suite. Donc tout ce qui est dit doit être démontré, argumenté. Mais cette contrainte est extraordinairement féconde. Elle oblige à l’explicite. Et de la sorte, pièce par pièce, la cohérence idéologique qui se construit au fil de nos rencontres se met en mots précis et consciemment partagés. C’est cette cohérence qui porte notre visée de « nouvelle émancipation » et de « progrès humain ». J’en dis quelques mots. Au risque des rugueuses abstractions et des lourdeurs qui font sentir combien la peinture est encore fraiche….

ORDRE GLOBALITAIRE ET NOUVELLE EMANCIPATION

Nous parlons d’une « nouvelle émancipation » parce que l’humanité affronte une forme nouvelle de domination. Ou plus exactement parce que la domination de notre temps s’opère d’une façon nouvelle par rapport à ce qui a été connu jusque dans un passé récent. En effet, on doit toujours rappeler ce qu’est cette « mondialisation » qui nous encadre. Elle est nommée sans cesse de cette façon pour que le mot fasse une évocation généreuse et ouverte d’une réalité qui ne l’est pourtant guère. En fait la mondialisation est aussi vieille que l’occupation du monde par les êtres humains, aussi ancienne que l’interdépendance des premières sociétés humaines qui résumaient le monde connu d’elles. Ce qui est nommé « mondialisation » s’applique en fait à une réalité bien particulière.

Il s’agit de la globalisation financière transnationale du capitalisme. Et cela même encore doit être précisé. Il ne s’agit pas seulement de la formation d’une sphère financière s’autonomisant de toute activité productive réelle et roulant à la vitesse de la lumière sur une masse en expansion constante de capitaux fictifs. Il s’agit aussi du processus par lequel cette sphère soumet tous les compartiments de l’activité humaine à ses fins. Dès lors ce qui semblait résulter d’un effet de la dynamique spontanée du système capitaliste contemporain devient un acte conscient, un projet politique assumé.

En ce sens la globalisation devient « globalitaire ». Cela signifie que la préservation, l’expansion et le renforcement de la domination de la sphère financière ainsi décrite devient une fin en soi. Elle vise politiquement, sous forme de texte de lois et de règlements, d’institutions et de constructions idéologiques à soumettre où éliminer tout ce qui contrarie sa dynamique. Le mot globalitaire est composé à partir du mot global. On comprend pourquoi. Et du mot totalitaire. En effet, il s’agit d’un nouveau totalitarisme. D’abord en ceci que sa dynamique propre étant hostile à toute régulation extérieure aux exigences du système lui-même, elle percute en premier lieu les mécanismes de la démocratie et davantage encore ceux de la République. En effet ceux-ci sont la source initiale de toute régulation. C’est d’eux que naissent lois et règlements dont les motivations mettent en œuvre des considérants humains d’ordre social, écologique et autres qui ont en commun d’instituer un intérêt général. Hors la dynamique générale de la globalisation financière repose sur la confrontation libre et non faussée des intérêts particuliers. L’antinomie est totale.

L’ordre globalitaire n’est donc nullement le produit spontané du développement des sciences et des techniques notamment celles de la communication par exemple puisque ceci est sans cesse invoqué pour tout expliquer. Au contraire sciences et techniques, notamment celles de la communication, ont connu un développement particulier, une déformation pourrait-on dire, pour être mis au service de l’ordre globalitaire. L’ordre globalitaire est politique. Il se construit dans des relations politiques particulières avec des outils de dominations et de maintient de l’ordre spécifiques. Et parmi ses outils, il y a essentiellement ceux qui ont pour fonction de rendre désirable cette forme d’ordre aux yeux de ceux qui en pâtissent le plus et auraient le plus de raison de vouloir le rejeter, évidemment.

On connait ce processus. D’aucun l’ont nommé « l’envoutement » pour décrire l’ambiance particulière qui est créée. Pour l’essentiel il s’agit d’inclure toute réalité sociale ou politique dans un environnement d’images et de concept dominant qui condamne en fait tout dévoilement de ses ressorts réels. Il est frappant de constater que de telles hégémonies culturelles sont invariantes d’échelle. Ainsi le rôle de la gestion sécuritaire du monde par les USA sous la bannière de la lutte contre « al Quaïda » entre en résonnance au niveau micro local avec la dénonciation de l’insécurité au pied de l’immeuble. C’est un même réseau de méfiance qui dresse et enserre les esprit depuis les inutiles fouilles à corps aux postes de contrôle des aéroport jusqu’aux portiques dans les collèges, de la méfiance de celui qui a une couleur différente à celui qui tousse en période de grippe aviaire ou porcine, des mises en scène spectacles continuellement anxiogène de l’industrie de l’information et du spectacle déversant à longueur d’émission ses actualités sanguinolentes jusqu’aux images de violence gratuite qui ponctue dorénavant toute création de « divertissement ».

La « dissociété », selon le concept proposé par Jacques Généreux, qui résulte de l’atomisation des rapports sociaux dans le nouvel âge du capitalisme n’est pas seulement un fait social c’est aussi et en même temps un fait culturel, un mode d’organisation du consentement à l’ordre établi surtout parce que celui-ci est en réalité un vaste désordre blessant et mutilant pour chacun. Dés lors la nouvelle émancipation qui est visée s’applique à la lutte contre cette forme de la domination capitaliste de notre temps. Elle revisite tous les compartiments et objectifs de la lutte pour l’émancipation, celles qu’a si précisément décrites le philosophe Henri Pena Ruiz pour en comprendre la nouvelle forme dans ce contexte particulier de l’ordre globalitaire. Elle vise donc le cœur culturel autant que le cœur social du dispositif. Elle est, d’un même mouvement une bataille culturelle autant qu’une bataille sociale. Visant le cœur culturel du système, la nouvelle émancipation commence par dévoiler, pour les détruire, les mécanismes auto organisateurs simples qui lient les grands échelons de la domination économique et politique aux plus intimes qui les alimentent et les enracinent. Pensons ici, par exemple, à la domination patriarcale qui est la matrice de toutes les dominations violentes, ou à celle de l’accumulation qui est la matrice du productivisme.

PROGRES HUMAIN

C’est dans ce cadre que la notion de « progrès humain » prend son sens et sa portée révolutionnaire. Le mot progrès affirme que nous faisons notre l’idée de progrès, cela au moment où elle fait l’objet d’une mise en cause. Il est donc un parti pris philosophique. La société humaine est susceptible de perfectionnement et ce perfectionnement est ce que nous nommons le progrès. Parlant ainsi nous nous prononçons contre ceux qui pensent que le monde est comme il est et le sera toujours, peu ou prou, du fait d’une radicale incapacité des êtres humains à s’extraire de leur fondamentaux invariants, de leur nature en quelque sorte, de leur essence, et ainsi de suite, quelque soit le mot dont le mythe du péché originel est une si forte illustration. Ensuite l’adjectif humain vient dire quelle est la mesure du progrès qui est en vue. Le progrès n’est pas un mécanisme extérieur à son sujet, la personne humaine.

Jacques Généreux a longuement expliqué comment on peut définir la ligne d’expansion de ce progrès là. D’abord il en fait une question concrète. Il propose que des indicateurs en soit construit. Nécessairement, la définition de ces indicateurs ne peut être qu’une création collective. Le progrès humain a donc un présupposé la démocratie qui rend possible sa formulation et la République qui en fixe par là même la visée collective. Bien entendu l’idée d’indicateur de progrès humain fait directement pendant à l’ancien concept « d’indicateur de développement humain » (IDH) que le PNUD a installé sur la scène avec un à propos formidable dans les années de sécheresse conceptuelle. Mais depuis la critique de l’idée de développement a bien irrigué les débats. D’autant que l’indicateur de développement humain inclus la mesure du PIB et que celui-ci fait l’objet d’une relativisation critique que l’on connait, en particulier depuis que se développent la mise en cause du productivisme et les thèses roboratives sur la décroissance.

Après tout cela, notons encore un enchainement d’idée. Le progrès humain est dans l’émancipation des êtres humains. L’une et l’autre chose sont les deux faces d’une même réalité. En ce sens leur racine commune est dans la lutte sociale et culturelle contre les dominations et donc contre leur matrice commune l’exploitation épuisante de l’homme et de la nature par le système de l’ordre globalitaire. Hum. C’est assez pour cette fois ci. Reprenons une activité normale et pensons autre. Mais en s’assurant d’abord qu’il ne s’agit pas d’une suggestion de « big Brother » !


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