Résultats des élections régionales 2010 : un succès pour la gauche et le Front de Gauche

lundi 22 mars 2010.
 

1) La déculottée de la droite au premier tour

La droite n’avait jamais enregistré aux régionales un score aussi bas.

Toutes élections confondues, la droite n’avait jamais enregistré un score aussi bas depuis 1958.

J’ai beau réfléchir, je ne trouve pas d’élection dans l’histoire de notre pays où la droite ait subi une telle raclée depuis 1921.

Dans Marianne, Jean François Kahn note que sur la base de ce résultat l’UMP n’aurait que 45 sièges aux élections législatives.

Dimanche 14 mars, la droite a donc encaissé une défaite, pire, un désaveu, une claque, une raclée, une déculottée.

L’ensemble des voix de gauche (53,46%) distance de 14 points celui de la majorité présidentielle (38,93%) (métropole + La Réunion).

Ce résultat doit être comparé aux autres scrutins régionaux où le bloc droite extrême droite avait toujours été majoritaire, même en 2004 :

*en 1986, 45,2% à gauche et EG, 44,7% à droite (plus 9,8% à l’extrême droite) ;

*en 1992, 36,4% à gauche et EG, 48,9% à droite (plus 13,9% à l’extrême droite ;

* en 1998, 41,4% à gauche et EG contre 36,9% à droite (plus 15,5 à l’extrême droite) ;

* en 2004, 44,05% pour gauche extrême gauche contre 34,73% à droite et 16,14% à l’extrême droite.

2) Bons résultats d’ensemble du Front de Gauche au premier tour

Militant depuis 45 ans pour contribuer à construire une gauche apte à défendre et actualiser les acquis sociaux et démocratiques, capable de concrétiser le projet de République Sociale, j’ai vécu beaucoup d’échecs. Tel n’est pas le cas pour le Parti de Gauche et le Front de Gauche.

Que de chemin parcouru en un an ! Que d’obstacles franchis : sortie du PS, fusion avec le MARS puis la gauche des Verts, création du Front de Gauche, succès aux européennes, rassemblement plus large pour les régionales, minorisation au sein du PCF des crypto-sociaux démocrates d’un côté, des sectaires stalinoïdes de l’autre.

Est-ce que le premier tour a conforté la crédibilité du projet politique articulé autour du Front de Gauche ? Oui !

"Sur la base des régions où il se présentait, le Front de gauche a obtenu au soir du premier tour un score moyen de 6,9 %, soit un résultat très proche de celui des européennes dans ces mêmes régions : 6,4 %. Si l’on retranche les cas particuliers du Limousin, des Pays de la Loire et du Languedoc-Roussillon (Front de gauche élargi), on arrive à une moyenne identique de 6,9 % contre 6,4 % aux européennes" (Jérôme Fourquet, directeur adjoint de l’IFOP).

" Le 14 mars le Front de Gauche a engrangé 115 000 voix de plus qu’aux européennes. Par rapport au résultat du PCF à la présidentielle de 2007, ce sont 450 000 électeurs de plus, soit une progression de 60 %" (article de A Gauche)

Nous avions analysé pourquoi cette élection serait difficile pour nous. Or, sur les 17 régions où il présentait une liste, le résultat du front de Gauche est supérieur à celui des européennes dans 10 :

* Auvergne : de 8,53% à 14,24%

* Limousin : de 10,07% à 13,13%

* Nord Pas de Calais : de 8,38% à 10,78%

* Corse : de 9,47% à 10,02%

* Haute Normandie : de 6,84% à 8,39%

* Centre : de 7,11% à 7,53%

* Ile de France : de 6,3% à 6,55%

* Rhône Alpes : de 5,2% à 6,31%

* Pays de Loire : de 4% à 4,95%

* Alsace : de 1,60% à 1,64%

En Picardie, PCF et Front de Gauche ont obtenu d’excellents résultats mais étaient divisés ( de 6,01% aux européennes à 10,86% pour Gremetz (PCF) et 5,35% pour le Front de Gauche).

Dans plusieurs autres régions, le résultat des régionales est proche de celui des européennes ( Poitou-Charentes de 4,91% à 4,66%, Franche Comté de 4,2% à 4,05%, PACA de 6,5% à 6,1%).

Dans les régions du Sud-ouest (Languedoc Roussillon, Midi Pyrénées, Aquitaine), il est vrai que le gros succès de Mélenchon aux européennes n’a pas été réédité malgré un excellent travail (de 9,15% à 8,59% en Languedoc Roussillon, de 8,06% à 6,9% en Midi Pyrénées, de 7,48% à 5,95% en Aquitaine).

3) Bons résultats des candidats du Parti de Gauche au premier tour (analyse extraite de A Gauche n°1206)

15 des 24 têtes de liste départementales du PG gagnent des voix par rapport aux européennes.

Voici quelques exemples de progression significatives des têtes de liste du PG :

* près de 25000 voix gagnées en Rhône Alpes par la liste d’Elisa Martin, soit une progression de 30% par rapport aux européennes.

* en Aquitaine, la liste de Gérard Boulanger rassemble 10% de voix en plus que la liste PCF aux régionales de 2004, parvenant à un score de près de 6% (contre 4,35% en 2004 pour la liste PCF).

* en Pays de Loire, plus de 17500 voix gagnées au niveau régional (plus 42%), de même qu’en Mayenne (plus 1100 voix soit plus 40%) et plus de 1000 voix gagnées rien que sur la ville du Mans où le score du Front de Gauche passe de 6,6% à 8,8%.

* plus de 8000 voix gagnées en Languedoc Roussillon par la liste de René Revol par rapport au Front de Gauche aux européennes.

* en Ile de France :

Plus de 4000 voix gagnées à Paris (progression de 5% à 6,1% avec des pics à 10,5% dans le 20ème arrondissement et de plus de 8% dans le 18ème, fief socialiste)

Près de 2000 voix en plus dans les Hauts de Seine

A Montreuil, ville dont est issu le chef de file du PG sur la liste du 93, le Front de Gauche grimpe à 18,4% et progresse de 15%

* en Picardie, en dépit de la concurrence de la liste dissidente de Maxime Gremetz, ce sont plus de 300 voix qui sont gagnées par le Front de Gauche dans l’Aisne et 1600 voix dans l’Oise, par rapport aux européennes.

* en Limousin, nous pouvons noter 2300 voix de plus dans la Creuse avec un résultat de 12,4% contre 9% aux européennes.

* plus de 1000 voix en plus en Eure et Loire (plus 25%)

* près de 500 voix gagnées dans le Jura (plus 10%)

* Autre progression notable, à Douai dans le Nord, ville dont Marc Dolez est député du Parti de Gauche, le score du Front de Gauche progresse de 75% passant de 7,6% à 12,2%.

4) Remarques sur l’électorat du Front de Gauche (d’après l’institut CSA)

J’ai lu dans plusieurs journaux et sur plusieurs sites que l’électorat du Front de Gauche était "âgé" et "vieillissant". C’était là une caractéristique connue de l’électorat du PCF ces 15 dernières années. A ma connaissance, pour ces régionales, seul l’institut CSA donne une indication sur le sujet et l’électorat du Front de Gauche est identique dans toutes les tranches d’âge.

Tous les commentateurs et instituts ont bien noté la faible participation en milieu ouvrier et même employé. Comme prévu, l’électorat d’Europe Ecologie ressemble socialement à celui de droite avec une surreprésentation des catégories sociales supérieures.

L’électorat du Front de Gauche présente surtout la caractéristique d’être le plus politique de tout l’arc des forces en présence. Durant toute la campagne, c’est celui qui s’affirmait le plus sûr de son choix. Ses listes sont celles qui ont le moins profité des choix de dernier moment (2%).

C’est l’électorat qui affirme le plus s’être intéressé (beaucoup intéressé et assez intéressé) à la campagne des régionales, et de loin :

* Extrême gauche (NPA, LO) : 45% (9% beaucoup intéressé)

* Front de Gauche : 59% (22% beaucoup intéressé)

* Parti Socialiste : 46% (13% beaucoup intéressé)

* Europe Ecologie : 36% (7% beaucoup intéressé)

* MODEM : 42% (8% beaucoup intéressé)

* UMP : 41% (11% beaucoup intéressé)

* FN : 34% (14% beaucoup intéressé)

L’électorat du Front de Gauche est celui qui a le plus voté pour exprimer son insatisfaction vis-à-vis de l’action du Président de la République et du gouvernement (67% pour le Front de Gauche, 65% pour l’extrême gauche, 54% pour le PS, 42% pour Europe Ecologie)

L’électorat du Front de Gauche est celui :

* qui a le plus voté pour marquer son attachement à un parti (37% et 16% pour l’extrême gauche, 35% pour le PS, 17% pour Europe Ecologie, 8% le MODEM, 11% l’UMP, 14% le FN)

* qui a le plus voté pour exprimer son attachement à un parti et son aspiration à porter un projet politique (66% et 33% pour l’extrême gauche, 54% pour le PS, 33% pour le FN...).

C’est dans les villes où la tradition de gauche et la tradition ouvrière sont les plus fortes que le front de Gauche a réalisé ses meilleurs scores pour les européennes comme pour les régionales.

5) L’électorat du Front de Gauche est fortement ancré dans les bastions historiques du mouvement ouvrier et de la gauche

Pour les élections européennes, nous avions déjà noté ce phénomène, par exemple en Aveyron : " Le Front de Gauche réalise des scores importants sur les communes à fortes traditions ouvrières du Bassin houiller comme 26,78% à Firmi, 23,28% sur Viviez, 20,71% sur Aubin, 20,53% sur Decazeville, 19,42% sur Cransac. Bons résultats également dans les communes voisines comme 12,69% sur Boisse Penchot, 10,31% sur Livinhac".

En faisant l’analyse de la "géographie du Front de Gauche, Jérôme Fourquet (directeur adjoint de l’IFOP) a tort de confondre complètement ces bastions traditionnels du mouvement ouvrier avec des bastions traditionnels du PCF. Aux présidentielles de 2007, ces zones avaient apporté de très forts scores à Olivier Besancenot.

Mis à part ce point particulier son diagnostic est évidemment valide :

" On retrouve logiquement bon nombre de zones de forces historiques du Parti communiste dynamisées par cette démarche unitaire et la personnalité de certaines têtes de liste. C’est le cas dans le Valenciennois et la partie est du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, où la liste « l’Humain d’abord », conduite par Alain Bocquet, obtient de très bons résultats : 58,1 % à Saint-Amand, la ville dont il est maire, mais aussi à Denain (22,4 %), à Marchiennes (25 %) ou Vieux-Condé (39,9 %). On notera également les 20,6 % à Calais, dont Jacky Hénin fut le maire.

Des scores intéressants sont également à signaler en Picardie dans le sud de l’Oise (35,3 % à Montataire par exemple) ou bien encore à Longueau (16 %), cité cheminote aux portes d’Amiens. En Haute-Normandie, le jeune maire de Dieppe (commune reconquise par le PC en 2008), Sébastien Jumel, décroche 8,4 % des voix au terme d’une campagne offensive et dynamique. Sa liste atteint 34,2 % à Dieppe et des niveaux élevés dans les cantons avoisinants tout comme dans les fiefs communistes des agglomérations havraise (29 % à Harfleur et 58,6 % à Gonfreville-L’Orcher) et rouennaise (26,4 % à Saint-Étienne-du-Rouvray et 28,9 % à Oissel par exemple)".

6) L’électorat du Front de Gauche en milieu urbain et péri-urbain

Il bénéficie généralement de scores supérieurs à ceux des milieux ruraux, mais ce fait demande à être affiné par région et par département

Sur Midi Pyrénées, nous constatons de meilleurs résultats sur les villes chefs lieux que la moyenne du département concerné :

* 11,9% sur Tarbes pour 10,4% en moyenne sur les Hautes Pyrénées

* 7,93% sur Auch pour 6,55% en moyenne sur le Gers

* 8,16% sur Cahors pour 7,12% en moyenne sur le Lot

* 6,44% sur Montauban pour 5,91% en moyenne sur le Tarn et Garonne

* 7,25% à Albi pour 6,39% en moyenne sur le Tarn

* 7,68% sur Toulouse pour 6,49% en moyenne sur la Haute Garonne

* 6,89% sur Rodez pour 5,92% en moyenne sur l’Aveyron

Les quartiers ouvriers et communes péri-urbaines des chefs-lieux apportent généralement un pourcentage de voix encore plus fort au Front de Gauche.

Nous le constatons sur Toulouse et sa banlieue.

Nous le constatons sur l’Aveyron avec 10% sur le quartier populaire de Saint Eloi et parmi les communes périphériques de Rodez : 9,03% à Onet le Château, 7,86% à Sébazac, 7,26% au Monastère.

Le phénomène est encore plus fort dans la banlieue de Tarbes avec 23,27% à Soues, 21,05% à Ossun, 15,78% à Bordères, 15,52% à Bernat-Debat, 13,93% sur Aureilhan et 12,99% sur Séméac, 12,15% à Orleix. Malgré la forte abstention en milieu ouvrier et employé, les communes correspondant à ces couches sociales ont cependant voté de façon significative en faveur du Front de Gauche.

Dans les villes de 5000 à 20000 habitants entourées de communes rurales, les résultats sont parfois supérieurs aux moyennes départementales, parfois non.

Ils sont supérieurs en Aveyron. Sur les principales villes, le score du Front de gauche est supérieur à la moyenne départementale (5,92%) : 20,5% sur Decazeville, 13,92% sur Capdenac Gare, 9,03% sur Onet le Château, 7,86% sur Sébazac, 8% sur Villefranche, 7,79% sur Saint Affrique, 6,89% sur Rodez (dont 11% sur le quartier populaire de Saint Eloi), 7,5% sur Millau. Il faut préciser qu’ici les milieux ruraux sont marqués par des traditions politiques assez conservatrices.

Ils sont inférieurs par exemple dans le Tarn. Pour une moyenne départementale de 6,39%, le Front de gauche n’atteint que 5,97% à Castres, 3,78% à Mazamet, 6,12% à Lavaur, 5% à Graulhet, 4,68% à Cordes.

7) Autres remarques sur les résultats du premier tour le 14 mars. Le MODEM balayé

* le Parti socialiste a réalisé le score élevé de 29,48% qui s’explique à la fois par le rejet des politiques de Sarkozy, par l’abstention de droite, par la bonne image publique de plusieurs présidents de région et par une aspiration à une autre politique que le libéralisme sarkozyen. En arrivant nettement devant l’UMP et en distançant Europe Ecologie de 17 points, le PS a retrouvé en cette soirée du 14 mars 2010 une place centrale à gauche. Saura-t-il faire fructifier cet acquis d’ici 2012 ? c’est une autre histoire.

* Avec 12,47%, Europe Ecologie a obtenu un pourcentage inférieur aux prévisions des sondages mais confirme la sensibilité de la population aux questions environnementales et la stabilisation de son potentiel électoral.

* Avec plus de 6% et plusieurs bons scores régionaux, le Front de Gauche confirme sa stratégie et son écho.

* A l’extrême gauche, le NPA d’Olivier Besancenot termine à environ 2,5% des suffrages. Lutte ouvrière confirme l’érosion due à son auto-affirmation prétentieuse obtenant seulement environ 1% des voix.

* En dépit de la visibilité médiatique démesurée dont il a bénéficié, le Modem s’écroule et ne parvient à franchir la barre des 5 % que dans 4 régions. Dans la plupart des régions, le Front de Gauche réussit son pari de battre le Modem, alors qu’aux européennes nous étions devancés au niveau national. Bayrou perd ainsi près de la moitié de ses électeurs des européennes et 90 % de ses électeurs de la présidentielle de 2007. Le MODEM s’est donc noyé lors de ces régionales. Avec 4,2% au niveau national et une seule région où il peut se maintenir au second tour (Aquitaine), l’avenir de François Bayrou s’est obscurci et son projet de kidnapper la gauche s’est envolé. Le risque d’une évanescence progressive de la gauche comme cela s’est passé en Italie s’éloigne. C’est là un résultat très positif de l’activité du Front de Gauche et particulièrement du Parti de Gauche.

7) Résultats des régionales 2010 sur les départements de Midi Pyrénées au premier tour (quelques remarques)

Pour accéder à cette partie cliquer sur le titre ci-dessus

7) Résultats des régionales 2010 dans quelques régions au premier tour (quelques remarques)

8) Le succès du Front de Gauche en Limousin au second tour dessine l’avenir

Succès considérable : le Front de Gauche obtient 19,10% des voix en Limousin où le PS n’avait pas voulu du NPA sur ses listes.

Un tel pourcentage demande nécessairement à être analysé. Comment expliquer un tel résultat ?

Je me bornerai ici à quatre remarques :

* il est évident que ce résultat du Front de Gauche bénéficie du fait que la droite ne pouvait prendre cette région nettement marquée à gauche, d’où l’absence de vote utile. D’ailleurs, département par département, plus la liste autour du PS obtient un bon résultat, plus le score du Front de Gauche est élevé (Haute Vienne : 49,24% pour Delannot et 21,47% pour le FG ; Corrèze : 47,32% pour Delannot et 17,35% pour le FG ; Creuse : 45,73% pour Delannot et 16,18% pour le FG).

* plus l’unité de la gauche antilibérale et anticapitaliste était complète lors de ces élections régionales, plus la campagne a été active, plus ses meetings ont été chaleureux, plus ses résultats en ont bénéficié. En Pays de Loire, la liste Front de Gauche obtient 42% de suffrages supplémentaires par rapport aux européennes. En Languedoc Roussillon, la campagne unitaire a créé une véritable dynamique et le résultat (8,60%) est bon dans le contexte particulier à cette région cette année.

* le PCF (et en particulier Christian Audouin) doit être félicité pour son apport dans la construction de la liste unitaire comme dans la campagne, en particulier les cadres et élus qui ont poussé pour et avec la liste unitaire.

* la stratégie du Front de Gauche est tout à fait justifiée. Cependant, je crois qu’elle ne peut réussir à terme d’une part sans le PCF, d’autre part sans le NPA. Si le NPA n’avait pas fait partie de la liste unitaire, jamais le Front de Gauche n’aurait pu mener une telle campagne et obtenir 19,1% au second tour.

9) L’affaiblissement électoral du NPA lors de ces régionales

Sur le journal et les sites du NPA, l’analyse des scores a été fait sans concession. En voici quelques éléments :

" Les résultats obtenus par le NPA à ces élections régionales ne sont pas bons. La moyenne sur l’ensemble des 21 régions où nous étions présents s’établit à 3, 4 %. Si on ne tient pas compte des trois régions où le NPA a fait alliance avec le Front de gauche, les résultats s’établissent à 2, 85 % contre 4, 98 % de moyenne nationale lors des européennes de 2009. C’est donc un très net affaiblissement...

" Sur les dix-huit régions conduites par une tête de liste NPA, nous perdons 258 000 voix, soit 35 % des suffrages de juin 2009. Les études sur la composition et la structuration des électorats permettent de tirer de premiers enseignements (voir notamment l’étude du CSA sur son site). À ces élections, les votes en faveur du NPA apparaissent clairement comme issus de l’électorat classique de l’extrême gauche. Dit autrement, c’est surtout parmi les ouvriers et les employés que nous perdons du terrain.

" Autre modification majeure par rapport à toutes les précédentes consultations, la forte asymétrie dans le rapport homme/femme de notre électorat. À ces régionales, le ratio s’établit à 65 électeurs pour 35 électrices contre une parité parfaite auparavant. Difficile de ne pas faire le rapprochement avec la présence et la médiatisation d’une candidate voilée sur une liste du NPA."

Seul oubli à mon avis : la trajectoire depuis 2005 de la LCR puis du NPA totalement étanche vis à vis des processus unitaires et de recomposition de la gauche antilibérale et anticapitaliste.

10) Les bons scores du Front National

Le Front National était donné en perdition pour ces régionales, ses voix siphonnées par le sarkozysme, son chef vieillissant, sa vieille garde divisée. Voici par exemple les prédictions de la "politologue" Nonna Mayer publiées dans Libération le 8 mars 2010 :

" Jean-Marie Le Pen se fait vieux, il n’a plus la même force de conviction. Sa succession au sein du parti, quoi qu’on en dise, n’est pas réglée. Surtout, le parti est complètement déstructuré. Beaucoup de cadres ont quitté une formation qui ne dispose plus des forces militantes qui faisaient auparavant sa force. Les finances du parti sont dans un état catastrophique. Et le FN ne s’est jamais vraiment remis de sa scission de 1999 avec Bruno Mégret.

" L’électorat FN resté le plus fidèle en 2007 est celui des ouvriers, qui risque de ne pas se déplacer. De plus, entre le premier tour de la présidentielle de 2002 et celui de 2007, le FN a perdu 50% de son électorat, dont la moitié lui a préféré Nicolas Sarkozy. Il y a peu de chances que cet électorat, plus âgé, plus féminin, plus modéré, lui revienne. Il n’est plus dans la dynamique électorale qui l’avait porté entre 1988 et 1998. Il reste un caillou dans la chaussure de la droite, mais beaucoup moins gros qu’en 2004."

Nonna Meyer s’est donc trompée. Le Front National a réalisé au second tour 17,5% dans les 12 régions où il avait passé la barre des 10% au premier. Jean-Marie Le Pen obtient 22,9% en PACA, sa fille 22,2% dans le Nord Pas de Calais, 19,3% en Picardie, 15,2% en Rhône Alpes, 18,5% en Lorraine, 17,2% en Champagne Ardenne, 14,2% en Haute Normandie, 14,6% en Alsace, 14,2% en Franche Comté, 13,8% en Bourgogne, 13,5% dans le Centre.

Il va falloir réfléchir aux raisons profondes de cette force du Front National, en particulier en milieu ouvrier. Des raisons conjoncturelles ont joué comme le débat sur l’identité nationale mais elles ne me paraissent pas être les principales. La perte de confiance envers la classe politique est un phénomène structurel du capitalisme dont le FN tire habilement parti ; depuis 30 ans, la mondialisation capitaliste a entraîné un sentiment d’insécurité et de précarité réel dans les couches populaires ; les traditions fascistes et nationalistes françaises méritent d’être bien analysées. Dans toute l’Europe, l’extrême droite connaît actuellement une période faste : 14,8% en Hongrie, 22% en Autriche, 16% pour le Vlaams Belang (Flandre belge), 14% au Danemark, 10% en Finlande, 17% aux Pays Bas, 23% en Norvège sans compter la participation au gouvernement Berlusconi pour la Ligue du Nord et pour Gianfranco Fini.

Je livre aux lecteurs l’analyse de Jean-Paul Damaggio sur l’analyse suivante mise ligne sur le site La Sociale :" Est-ce à dire que ses électeurs votent pour lui sur la base d’un seul thème, le racisme ? Je pense plutôt que ce vote est un complément de l’abstention qu’il réduit d’ailleurs pas mal, à savoir le vote de personnes globalement écœurées par le comportement de la classe politique. Son ancrage dans le paysage électoral (plus que dans le combat social) n’est pas un épiphénomène à traiter à part, pour renvoyer dans le noir, des racistes désespérants... Les électeurs FN ne sont ni les vestiges de la France rurale et reculée, ni les habitants excédés des grandes métropoles... L’électorat FN est un électorat d’avenir qui surfe sur les inquiétudes nées de la vie actuelle."

Outre la force du vote FN, je crois utile de noter les bons scores d’autres listes d’extrême droite au premier tour : le Parti de la France de Carl Lang obtient 3,55% des voix dans le Centre, la Ligue du Sud de Jacques Bompard 2,3% en PACA, la liste Ch’tis de François Dubout 3,02%...

11) A propos de l’abstention

Au lendemain du premier tour, Jean Luc Mélenchon écrivait sur son blog

" Cet océan d’abstention, c’est le cri qui monte : « que se vayan todos » : qu’ils s’en aillent tous !"

" Le taux d’abstention atteint 53,65% : ce triste record doit être analysé comme la conséquence d’un doute de plus en plus grand des citoyens sur la capacité des politiques à prendre en compte leurs difficultés, à peser sur la réalité économique et sociale. Jean Luc Mélenchon a porté hier soir une appréciation juste sur le sujet : "Il y a quelque chose qui est un peu désespérant, c’est qu’après un tel résultat, on considère que l’abstention c’est une case creuse. Non, ce n’est pas une case creuse, c’est une case d’insurrection civique de gens qui disent : y’en a ras le bol et ça s’adresse à tout le monde". Nous devons particulièrement noter la forte abstention dans les villes ouvrières comme en Haute Normandie : Le Havre (63,4 %), Elbeuf (61,1 %), Évreux (59,6 %).

Sur le fond, il a raison.

Les résultats du sondage réalisé auprès des abstentionnistes par CSA l’expriment assez bien :

* Parce que cela ne changera pas grand chose à ma vie quotidienne : 29%

* Parce que c’est une manière d’exprimer mon mécontentement sur la manière dont vont les choses en France : 29%

* Parce que cela n’aura pas d’impact sur la situation en France : 17%

* Parce que cela n’aura pas d’impact sur la situation dans ma Région : 14%

La principale raison de l’abstention serait donc l’impuissance du politique plus que la pêche à la ligne. Rappelons-nous du sondage SOFRES de janvier 2010 : 67% des Français ne font confiance ni à la gauche, ni à la droite pour gouverner le pays. Rappelons-nous l’étude d’Opinion way montrant qu’existe "un sentiment d’une certaine inutilité du vote".

Nicolas Sarkozy avait réussi en 2007 à mobiliser une partie de l’électorat abstentionniste, y compris dans des milieux pauvres, avec un discours volontariste. Pour ces régionales, ce renfort a disparu.

12) Par région, les excellents résultats de la gauche, en pourcentage, au second tour

Avec plus de 54% des suffrages, la gauche a confirmé et même amplifié au second tour les résultats du dimanche précédent. Les ténors de la majorité ont beau se gausser de leur victoire en Alsace, Guyane et Réunion (pour cause de liste scissionniste du PS) , leur défaite est cinglante et laissera des traces.

Midi-Pyrenees : 71,66%

Poitou Charentes : 60,61% Ségolène Royal

Auvergne : 59,68% René Souchon

Ile de France : 56,69% Jean-Paul Huchon

Bretagne : 50,27% pour le PS, 17,37% pour Europe Ecologie

Aquitaine : 57,82% Alain Rousset

Pays de Loire : 56,39% Jacques Auxiette

Haute Normandie : 55,10 % Alain Le Vern

Lorraine : 50,02% 46 sièges Jean-Pierre Masseret

Basse-Normandie : 57,15% Laurent Beauvais

Bourgogne 59,70 % François Patriat

Nord Pas de Calais : 51,89% Percheron

Limousin : 47, 95% Jean-Paul Denanot et 19,10% pour le Front de Gauche

Champagne-Ardenne : 44,31% Jean-Paul Bachy

Picardie : 48,28 % Claude Gewerc

Rhône Alpes : 50,76% Queyranne

Franche-Comté : 47,41% Marie-Guite Dufay

PACA : 44,11% Vauzelle

Corse : 36,62% Giacobbi

* Frêche ("divers gauche") : 54,19%

13) Les excellents résultats de la gauche sur Midi Pyrénées

Sur Midi Pyrénées, la liste de gauche conduite par Martin Malvy réalise les meilleurs scores de la soirée :

* Ariège : 72,85%

* Lot : 71,66%

* Hautes Pyrénées : 70,07% pour Martin Malvy avec par exemple : Bordères-sur-l’Echez (76,06 %), Laloubère (68,98 %), Rabastens-de-Bigorre (68,20 %), Pouyastruc : (70,54 %), Vic-en-Bigorre (68,18 %)

* Haute Garonne : 69,50 %

* Tarn : 66,21%

* Gers : 66,18%

* Tarn et Garonne : 64,75%

* Aveyron : 60,66% dont 62% pour Martin Malvy à Rodez, 65% à Onet, 62% à Marcillac

14) Progression de la gauche de 2004 à 2010 au 1er et au 2d tour : Cette poussée à gauche n’est pas conjoncturelle

La progression au 1er tour est évidente :

* en 2004, 44,05% pour gauche extrême gauche contre 34,73% à droite et 16,14% à l’extrême droite.

* en 2010, 53,46% pour gauche extrême gauche contre 38,93% à la droite et près de 12% à l’extrême droite.

Le deuxième tour a confirmé le premier avec en 2010 : 53% pour la gauche (50,34% en 2004), 35% pour la droite (36,88% en 2004) et 9% sur l’ensemble du pays pour le FN (12,38% en 2004).

Habitant l’Aveyron et connaissant assez bien sa géographie électorale, je constate depuis 1994 une poussée vers la gauche lente, non linéaire mais évidente qui rappelle la poussée républicaine des années 1878 à 1905. Voici trois mois, le président UMP du Conseil général avait pronostiqué que cette élection "marquerait la fin de la progression de la gauche en Aveyron". Erreur ! De 1994 à 2010, certaines évolutions sont frappantes. Tel est le cas par exemple du canton de Mur de Barrez où l’extrême droite réalisait un score égal à celui de toute la gauche réunie et où, au 1er tour, la gauche est majoritaire.

Ce constat aveyronnais correspond à une réalité nationale. En 1992, 1993, 1994 les éditorialistes de droite daubaient sur la fin du socialisme succédant à la fin du communisme. Ils se trompaient ; notre peuple constatait l’impasse de la gauche social-libérale et ne lui accordait plus ses voix que chichement mais il restait toujours attaché, majoritairement, comme en 1968 et 1981, à l’espérance d’une alternative progressiste. Mieux, il luttait, faisait grève et manifestait de façon extrêmement massive en 1995, en 2003...

Dans le contexte de recul européen et même international de la combativité et de la conscience entre 1974 et 1994, cette résistance sociale n’avait pas débouché et cette soif d’alternative progressiste n’avait pu s’étancher. Dans le contexte d’effondrement du communisme stalinien et d’intégration au système de la social-démocratie, cette aspiration n’avait pas vraiment trouvé de force politique pour la représenter. Cependant, la droite française n’avait pu écraser le mouvement ouvrier et domestiquer la gauche comme en Grande Bretagne ou autres pays. Grâce à une campagne socialiste d’une faiblesse insigne, Sarkozy fut élu en 2007 et voulut réussir "la rupture" tant attendue par les rentiers : démanteler les services publics, démanteler la protection sociale, diminuer les retraites...

15) Le coup de tonnerre de ces régionales aura de lourdes conséquences politiques et sociales si nous savons faire fructifier ce résultat des régionales

La défaite de la droite est telle qu’elle a immédiatement commencé à réouvrir sa crise historique de direction politique et d’organisation. Depuis 1789, la droite française n’est jamais arrivée à construire sur la durée un grand parti conservateur. L’UMP allait-elle y arriver ? L’enjeu était de taille. Les critiques apparues dès le soir du 14 mars (contre "l’ouverture", contre la "rupture" trop rapide, contre un parti unique de droite ...) marquaient peut-être le début d’une nouvelle impasse organisationnelle (seulement remplacée, comme toujours sous la 5ème république par le jeu institutionnel).

Elément particulier du moment : dans le contexte actuel de crise financière et économique, le système fragilisé ne sera pas facilement stabilisé.

Parmi les divers commentaires publiés par la presse et les instituts de sondage, je retiendrai l’analyse de François Miquet-Marty (institut Viavoice) " La vision sarkozyste trouve aujourd’hui son terme et cela joue pour le PS. Autre élément en faveur des socialistes : leur score ne se réduit pas à un vote sanction comme en 2004 mais représente une adhésion, une aspiration à une autre politique."

Nicolas Sarkozy avait annoncé que la principale "réforme de son quinquennat serait celle des retraites. Sa défaite électorale aux régionales ne lui simplifie pas la tâche. A nous de la lui compliquer davantage en préparant une véritable guerre sociale sur le sujet.

20) En revenir au mode de scrutin mis en place par la gauche qui a prévalu de 1984 à 1998

Une partie significative de l’abstention s’explique par le fait que beaucoup de Français se considèrent non représentés dans le champ politique.

Il est vrai que le souci de ramener toute la vie politique à une bipolarisation entre l’UMP d’un côté, le PS de l’autre appauvrit la représentativité de la classe politique. Jusqu’en 1998, la proportionnelle intégrale à un tour était appliquée pour les régionales. La droite y a mis fin en créant des barrages entre premier tour et deuxième tour plus une prime de 25% à la liste arrivée en tête.

Je suis persuadé qu’il faut en revenir au scrutin d’origine. Les tractations d’entre deux tours ont un aspect politicien catastrophique, injuste et incompréhensible. Prenons le cas du Front de Gauche en Picardie : avec 5,35% des voix au premier tour, il aurait eu des élus si une autre liste avait alors passé les 50% ; comme cela n’a pas été le cas et que le PS a refusé la fusion avec lui, il s’est retrouvé exclu du second tour et sans aucun élu.

Jacques Serieys


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