L’évaluation : La fin des valeurs (12ème forum des psys)

samedi 28 juin 2014.
 

Le XIIe forum des psys qui se tenait à la Mutualité 
en ce début de mois a dénoncé de nouveau la culture de mort de l’évaluation. « Évaluer tue », produit 
de la servitude volontaire et une conscience panoptique, surveillée et oppressée par elle-même. L’évaluation 
ou la réussite insoupçonnée du projet benthamien. 
De l’art de vous mettre sous tutelle ou en prison, 
car qui peut nier la nécessité de l’évaluation  ? Qui  ? 
Si ce n’est celui qui se reproche quelque chose, 
qui n’a rien fait, ou, pire encore, qui a fait quelque chose qui ne vaut rien. Nous connaissons bien cette affaire-là. De tels procédés sont utilisés pour défendre l’idéologie et la surenchère sécuritaires… Qui peut refuser 
les contrôles liberticides à outrance si ce n’est celui 
qui est en faute  ?

Terrible perversion que cette rhétorique-là. 
Triste et dangereuse forfaiture de la vérité. L’idéologie mortifère progresse, et avec elle les suicides, les burn-out, la mésestime de soi, la déréliction, la loi du silence, et la folie des capitulations minuscules qui sont autant de négationnismes du quotidien. Jacques-Alain Miller, Éric Laurent, Agnès Aflalo, Roland Gori, Jean-Claude Milner, pour ne citer que les principaux, ont repris le chemin du combat, tout juste un an après l’Appel des appels (1), réquisitionnant une coordination nationale de tous ceux qui refusent cette fatalité.

L’heure est grave car, malgré un consensus qui se fissure devant l’impératif de l’évaluation, cette idéologie progresse et contamine tous les secteurs de la vie civile et publique. Et quantité de DRH, de technocrates, de penseurs libéraux de renchérir sur le progressisme de la « bonne » évaluation. L’idée, ce n’est donc pas d’en faire moins mais beaucoup plus, de sophistiquer davantage l’évaluation en créant de nouvelles cases à cocher, dont les fameux risques psycho-sociaux, en démultipliant les contrôles dits d’évaluation (avec cet argument extraordinaire que si un contrôle par an peut être stressant, plusieurs dans l’année seront ressentis comme de véritables sources de motivation), etc.

L’Appel des appels n’a rien d’un mouvement marginal. Sauvons la recherche, Sauvons l’université, Sauvons les Rased, Sauvons la clinique, Sauvons l’hôpital, la Nuit sécuritaire, Pas de zéro de conduite, créés dans l’esprit et la lignée du GIP, le Groupement d’information sur les prisons fondé par Foucault 
en 1972, ces collectifs ont tous dénoncé ce malaise civilisationnel que signe l’idéologie de l’évaluation. 
Tous ont mis à nu le processus de réification (Roland Gori) qui vide le sujet éthique de sa substance, 
en fait une chose, un chiffre, quantifiable et évaluable par les schémas cognitifs. Tous ont dénoncé cette déshumanisation, cette extension du fichage 
et du contrôle, cette science de l’absurdité qui accumule des réformes au final extrêmement coûteuses 
et inappropriées. Pour exemple, la T2A ou tarification 
à l’activité, qui pousse la médecine à se nier elle-même, qui classe les malades entre rentables et non rentables, qui ruine la notion éthique du juste soin au juste prix, qui pousse à l’inflation des dépenses médicales 
(Didier Dreyfuss, André Grimaldi, Marie-José Del Volgo).

Que ferons-nous demain de ce monde promu par l’évaluation, qui met en place la normalisation des conduites et des comportements  ? Vaudra-t-il seulement la peine qu’on y vive  ?

Cynthia Fleury, L’Humanité


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