La Révolution et la sédition lyonnaise de 1793

dimanche 21 avril 2013.
 

Le siège de Lyon. Entre mythes et réalités, de Michel Biard. Lemme Edit, 2013, 114 pages, 17,90 euros. Michel Biard, spécialiste de l’histoire de la ­Révolution française, n’hésite pas à se confronter à des sujets controversés qu’il traite avec le sérieux de l’historien et en faisant abstraction des préjugés. Après avoir réhabilité l’image des représentants du peuple en mission sous la Convention, pourtant mise à mal par une historiographie unanimement hostile, il s’attaque aujourd’hui, dans ce petit livre alerte et rigoureux, au siège de Lyon en 1793 afin d’en déceler mythes et réalités selon le sous-titre de l’ouvrage.

Le mythe, il débute avec l’image de Lyon pendant la Révolution française. Ville d’abord considérée comme «  modérée  », l’ancienne capitale des Gaules devient pour les Conventionnels, en 1793, une ville contre-révolutionnaire dirigée par des royalistes qui en ont pourchassé les éléments radicaux. Dans le même temps, sous l’influence des membres (girondins) des autorités locales lyonnaises, l’action et le pouvoir de la Convention sont discrédités et le pouvoir jacobin présenté comme soumis aux «  anarchistes  ». Ce «  double jeu de miroirs déformant  » va bientôt atteindre son paroxysme à l’été 1793 et rend une potentielle voie de sortie impossible  : le siège de la ville débute. Avec lui, c’est aussi la guerre des chiffres que Michel Biard essaie de reconstituer. Combien d’assaillants sont-ils envoyés contre une ville considérée comme ­
«  révoltée  » contre la République  ? L’auteur propose un chiffre convaincant tournant autour de 25 000 hommes, mais cependant éloigné des 75 000 soldats (!) que l’historiographie contre-révolutionnaire avait pu avancer. En revanche, il atteste de la violence des combats, en particulier sous l’effet d’un bombardement du centre véritablement intensif et systématique. Du côté des assiégés, on s’organise tant bien que mal, en s’attachant, entre autres, à prêter prioritairement secours aux femmes et aux enfants, à surveiller les suspects de connivence avec l’assiégeant ou à éviter la propagation des incendies. L’étau se resserre et avec lui les problèmes d’approvisionnement s’aggravent. Le secours attendu de l’étranger ne se réalise pas. La ville et les soldats manquent bientôt de tout. À la suite de l’offensive du 29 septembre, Précy, en charge de la défense de la ville, joue son va-tout et tente une sortie vouée à l’échec. Le 9 octobre, les troupes républicaines pénètrent dans Lyon et reprennent le commandement de la cité. Au final, la ville a surtout été blessée par les bombardements et leurs effets psychologiques difficilement mesurables, mais néanmoins profonds. Le nombre de morts, toujours trop important, est resté relativement faible (quelques centaines) au regard de la dureté du siège et pour une grande majorité réalisé lors des derniers jours. En revanche, la répression contre ceux qui ont participé à la rébellion sera terrible, encadrée par trois commissions qui jugeront sur pièces les accusés et en enverront 1 900 à la mort. Chiffre ici encore tragique, mais bien loin des estimations ultérieures qui ont donné naissance à une durable martyrologie.

Au final, un livre sans concession qui analyse avec distance et rigueur un moment dramatique de l’histoire de Lyon et de notre histoire nationale. Il sait replacer le moment dans une période où la République était menacée de toutes parts, notamment aux frontières, ici très proches.

Pascal Dupuy, historien.


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