L’eurocratie contre la démocratie (article national PG)

lundi 15 novembre 2010.
 

Un système autoritaire

L’Europe, première donneuse de leçons de démocratie, ne fait rien pour en incarner les principes. Nous le disions déjà en 2005 pendant la campagne du non au Traité Constitutionnel Européen. Nous le vivons aujourd’hui avec l’application de son jumeau le Traité de Lisbonne.

La concentration des pouvoirs entre les mains de la Commission européenne est un fait. Exécutif non élu, elle est la seule à pouvoir proposer des lois. Elle accepte ou refuse les amendements à son gré. Ni le Conseil, composé de chefs d’états et de gouvernements, élus démocratiquement, ni le dit "Parlement européen", n’ont le pouvoir d’imposer leurs vues. Leur seul pouvoir : une capacité de blocage législatif et de censure de la Commission.

Parler de dictature serait sans doute trop fort. Parler de démocratie le serait tout autant. Ce dont il est question ici c’est d’oligarchie, c’est-à-dire du gouvernement d’un petit nombre qui impose ses choix aux citoyens sans réel contre-pouvoir.

De l’influence des multinationales

En plus de concentrer les pouvoirs, la Commission met en place les initiatives que des multinationales comme Coca Cola, Siemens, BASF, Lafarge, Microsoft ou autres promeuvent dans le cadre des « dialogues transatlantiques ». Ce sont elles les principales conseillères et bénéficiaires de l’UE notamment en matière de sécurisation des investissements et de régulation des marchés financiers. Pourtant, même un économiste aussi libéral qu’Adam Smith rappelait dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations que « L’intérêt particulier de ceux qui exercent une branche particulière de commerce ou de manufacture est toujours, à quelques égards, différent et même contraire à celui du public. [...] Toute proposition d’une loi nouvelle ou d’un règlement de commerce, qui vient de la part de cette classe de gens, doit toujours être reçue avec la plus grande défiance ».

Comment s’étonner ensuite que la Commission prône des politiques faites sur mesures pour les multinationales ? Comment s’étonner qu’elle fasse le jeu des délocalisations tous azimuts ? Le Fonds dit « d’Ajustement à la Mondialisation » vient par exemple pallier les « potentielles conséquences négatives » de la « mondialisation » sur l’emploi. Parmi les cas d’« ajustements à la mondialisation », les délocalisations sont explicitement citées. L’idée est simple : délocalisez tant que vous voulez, l’Europe se chargera de donner une aumône, par ailleurs dérisoire, aux employés que vous laisserez sur le carreau !

Pour la désobéissance européenne

Les gouvernements européens ont leur part de responsabilité dans cette affaire. Il suffirait qu’un seul d’entre eux ait le courage de dire non pour que les choses commencent à bouger. Comment ? En utilisant le Compromis du Luxembourg de 1966. Toujours en vigueur, il permet aux gouvernements des Etats membres d’opposer leur veto à tout acte législatif européen qui mettrait en péril « des intérêts très important d’un ou plusieurs partenaire ». Un seul gouvernement d’un seul Etat membre peut ainsi s’opposer à la mise en place de mesures contraires à l’intérêt général de chacun des peuples européens ! Les gouvernements sont à ce titre directement complices des catastrophes sociales et environnementales causées par les politiques euro libérales.

Mais pour œuvrer à l’intérêt général, il faudra aller plus loin. Si un gouvernement venait à proposer l’abrogation par référendum des transpositions de directives et règlements européens nuisibles, un mouvement serait lancé : celui de la désobéissance européenne. Un tel gouvernement s’exposerait à des sanctions de la Cour de Justice de l’Union européenne ? Mais c’est la condition pour qu’un débat démocratique s’ouvre sur les politiques européennes.

Démocratiser l’Europe

Démocratiser l’Europe c’est d’abord rendre le pouvoir aux peuples et aux élus qui les représentent.

Cela suppose tout d’abord de respecter les pouvoirs des parlements des Etats membres. Ceux-ci doivent être les premiers à examiner et à voter les budgets nationaux. Ils doivent aussi se voir reconnaître un véritable droit de regard sur les projets européens. Dans ce cadre, le délai de dépôt d’avis devra être rallongé afin de mettre en place de vrais débats nationaux. Si un tiers des parlements nationaux donne un avis défavorable au projet de directive ou règlement, le législateur devra être contraint et non plus seulement « invité » à réviser sa proposition. Un pouvoir d’initiative législative devra également leur être reconnu au niveau européen. Si une majorité de parlements se mettaient d’accord pour proposer une loi européenne, de quel droit les instances européennes refuseraient-elles de l’examiner ?

Cela suppose ensuite de donner ce pouvoir d’initiative législative au Parlement européen, qui n’est aujourd’hui rien de plus qu’une chambre d’enregistrement ou de blocage des mesures de la Commission européenne. Celle-ci ne devra plus avoir de domaines réservés. Ceux-ci devraient être réservés au Conseil européen et donc aux gouvernements des Etats membres issus de votes populaires.

Cela suppose enfin de faire élire la Commission européenne par le Parlement européen et les parlements nationaux sur la base de scrutins de listes. Chacun des commissaires élus pourra être révoqué par le Parlement européen.

Relocaliser l’économie européenne

L’Union européenne actuelle a mis en place des instruments qui favorisent les délocalisations. C’est socialement et écologiquement irresponsable. A l’heure de la crise économique et sociale et de la catastrophe écologique, il est grand temps de relocaliser. Comment faire ? Le nouveau protectionnisme international et solidaire décrit par Jacques Généreux prend ici toute sa pertinence. Il s’agit de taxer les importations réalisées par des entreprises ayant délocalisé leurs unités de production et de renchérir les biens par une taxe aux frontières en fonction des distances parcourues.

Parallèlement, un « Fonds Solidaire d’aide à la relocalisation de l’économie », financé par ces taxes, remplacerait le Fonds d’Ajustement à la Mondialisation.

Un Pacte de solidarité et de responsabilité financière

Enfin, contrairement à ce que prônent le Mécanisme européen de Stabilité financière et la feuille de route du nouveau Système européen de surveillance financière, il est urgent de mettre un terme au Pacte de stabilité et de croissance ! Aujourd’hui plus que jamais la preuve est faite du coût social inacceptable d’un tel Pacte. Ce n’est pas sur la concurrence entre les peuples et les richesses qu’ils produisent qu’il faut miser, c’est sur leur complémentarité. Pour cela, la Banque centrale européenne doit jouer un rôle tout à fait différent de celui qui lui est attribué par les traités actuels. Ses objectifs statutaires devront conjuguer la recherche de la stabilité des prix et celle du plein emploi et de la réduction des inégalités sociales. Elle devra aussi garantir la dette publique des Etats membres et leur accorder des prêts à taux zéro pour réaliser des objectifs conformes à ses nouveaux statuts.

L’Europe de l’intérêt général est bien loin de celle que nous avons sous les yeux mais un gouvernement de gauche courageux peut rapidement commencer à la dessiner.


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