Vers un nouveau concordat Etat Religions ?

mercredi 6 décembre 2006.
 

« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». C’est la phrase de l’article 2 de la loi de séparation des églises et de l’État qui institue la Laïcité dans la République. C’est pourtant à l’occasion d’un colloque qui marquait son Centenaire que le Ministre de l’Intérieur et des Cultes a annoncé son dépoussiérage en mettant en place une Commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics présidée par Jean-Pierre Machelon.

Dévoilées, les préconisations du rapport Machelon tendent à réinstaller le religieux dans la sphère publique en conseillant d’élargir le champ d’intervention des associations cultuelles (expressément limité dans la loi de 1905 à l’organisation du culte) à des activités culturelles et sociales, en proposant de permettre aux collectivités locales de financer la construction de lieux de culte, en présentant l’exception concordataire d’Alsace-Moselle comme forme enviable d’organisation sécularisée par des accords églises-État plutôt que régie par le principe politique de Laïcité.

Le statut concordataire d’Alsace-Moselle n’a pas plus à craindre du projet de loi sur la Laïcité déposé par le député socialiste Jean Glavany le 29 juin dernier quand il retoque l’article 2 de la loi de 1905 en : « La République ne reconnaît ni ne privilégie aucun culte. ». Exit « ne salarie ni ne subventionne » !

Comment ne pas s’étonner que des dispositions pourraient être prises concourant à recléricaliser la société par le financement des religions au moment où, sous l’injonction du libéralisme économique, l’État, sommé de modérer ses dépenses, se voit contesté dans ses missions sociales, dans sa propriété des Services Publics et se voit prié de se désengager dans les domaines scolaire, de santé, de transports, de l’énergie, de la communication...?

Le schéma est pourtant connu et c’est madame Thatcher qui en fut la première expérimentatrice en Europe quand, en Grande-Bretagne, elle pratiqua dans le même temps le désengagement de l’État dans le domaine économique et social et l’encouragement des religions à apaiser les drames humains produits par cette politique. La charité élevée au rang d’une institution publique livre les populations les plus affaiblies aux soins rarement désintéressés des religions au risque d’entrer dans une dynamique de contrôles communautaires qui montre aujourd’hui en Grande-Bretagne de dangereuses dérives.

Ainsi, des populations exclues de la vie sociale, écartées de l’expression politique, reléguées dans des territoires abandonnés des services publics ne trouveraient d’autres secours que dans l’allégeance à l’action prosélyte des religions mises en compétition sous la houlette de la puissance publique qui aura renoncé à sa mission de solidarité.

Nicolas Sarkozy dans son livre-profession de foi publié en 2005 « La République, les religions, l’espérance » va jusqu’à regretter que les politiques se soient plus préoccupés de « la question sociale » que de « la question spirituelle » affirmant sans ambages croire « au besoin de religieux pour la majorité des femmes et des hommes de notre siècle. La place de la religion dans la France de ce début de troisième millénaire est centrale ». Et de proposer rien moins que « de poser la question du financement national des grandes religions et celle de la formation « nationale-républicaine » des ministres du culte. »

La machine à remonter le temps nous renverrait en 1801 quand le Concordat napoléonien fit des croyants des citoyens de préférence alors qu’une enquête CSA-La Vie-Le Monde de mars 2003 montre que, par athéisme ou agnosticisme, 40 % de la population française ne se reconnaît dans aucune religion !

Jean-Michel Sahut

Président du CRÉAL-76


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