Nucléaire, ça suffit !

mardi 19 avril 2011.
 

« L’avenir est imprévisible », c’est ainsi que le premier ministre japonais qualifie désormais le sort de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. De fait, depuis le tremblement de terre et le tsunami du 11 mars dernier, personne ne sait comment refroidir les réacteurs en fusion sinistrés. On parle de trois travailleurs gravement irradiés, mais les quelques centaines de travailleurs qui tentent de maîtriser la situation sont également en danger. Les mesures de contamination de la mer près de la centrale, de l’agriculture de la région et de l’eau de Tokyo sont avérées. Et tout cela à 250 km seulement de la ville la plus peuplée du monde. Bref, on peut déjà parler de catastrophe majeure, et il n’est pas exclu qu’elle devienne cataclysmique.

Un débat citoyen !

Est-ce le moment de lancer le débat sur le nucléaire ? Oui, nous le pensons. En Italie, les projets de construction sont gelés. En Allemagne, le consensus semble enfin atteint sur la nécessité de sortir rapidement du nucléaire. Bizarrement, il n’y a qu’en France que le débat sur la sortie est qualifié d’inepte, « d’indécent » eut égard aux victimes japonaises, et ceux qui le promeuvent accusés de « jouer sur les peurs et l’irrationnel ». Il faut dire que les intérêts en jeu sont énormes. Le lobby nucléaire a déployé toutes ses cartes : experts du nucléaire nous assurant tous les jours et au mépris évident de la réalité que « Fukushima n’est pas Tchernobyl » et qu’il n’y a pas de risque de contamination ; patron d’EDF qui envoie à tous ses salariés un message expliquant qu’en France les centrales ne sont pas construites sur des zones sismiques à risque et qu’elles pourraient résister à des tremblements de terre deux fois supérieurs à ceux mesurés en France depuis 1000 ans. Comme si l’on avait des instruments de mesure des séismes d’il y a 1000 ans ! Tout cela avec la complicité des grands médias, qui expliquent au 20 heures que, de toute façon, sortir du nucléaire est impossible chez nous. Un tel déploiement serait presque risible si l’on n’avait affaire à une catastrophe humaine aussi terrible.

Le Parti de Gauche a, dès le début de la tragédie, fait part de sa solidarité pleine et entière avec le peuple japonais et les travailleurs de la centrale qui mettent leur vie en danger pour éviter le pire. Il demande d’engager en France un véritable débat, sérieux et argumenté, sur la sortie progressive du nucléaire et la nécessaire transition énergétique, débouchant sur un référendum.

Planifier la sortie du nucléaire, maintenant

Les risques de catastrophe nucléaire dont la probabilité ne pourra jamais être réduite à zéro, et dont les conséquences peuvent être désastreuses, justifient l’application du principe constitutionnel de précaution. La filière nucléaire et sa contribution au mix énergétique français présente largement plus d’inconvénients que d’avantages : conditions inacceptables d’extraction dans les mines d’uranium (au Niger notamment), problème des déchets radioactifs à durée de vie longue non réglé, investissements financiers colossaux au détriment de la recherche dans les énergies renouvelables, dégradation des conditions de sécurité dans les centrales liées à la privatisation et à la logique capitaliste du recours à la sous-traitance. Même les prétendus avantages comme la contribution à la lutte contre l’effet de serre sont abusifs. Rappelons que l’électricité nucléaire ne représente que 17% de l’énergie française consommée. L’indépendance énergétique de la France ? Nous restons dépendants des fossiles à 75% et nous importons 100% de l’uranium !

Voilà pourquoi nous appelons à la sortie progressive du nucléaire par la planification écologique. Nous demandons immédiatement la fermeture de la centrale de Fessenheim et de tous les réacteurs présentant le moindre risque de dégradation de leur sûreté du fait de leur âge ou de leur localisation (zones sismiques, inondables...). Nous nous battons pour un audit public sur les risques sismiques et d’inondations pour les centrales françaises et le centre de recherche nucléaire ITER à Cadarache. Nous voulons l’arrêt de tous les projets d’EPR et un moratoire sur tous les centres de stockage des déchets nucléaires.

Nous nous prononçons clairement pour le non renouvellement des centrales actuelles, soit une sortie progressive qui sera achevée aux environs de 2040. Lors du forum du PG sur la transition énergétique en décembre 2009 l’idée d’élaborer, en parallèle, un scénario officiel de sortie d’urgence en cas de crise a été avancée. Il est en effet techniquement possible de fermer toutes les centrales nucléaires en quelques années, même si les conséquences économiques sont plus lourdes. Concernant la fusion nucléaire, le débat de la poursuite ou non de la recherche fondamentale reste à trancher, il est en revanche exclu que cette question serve d’alibi pour ne pas remettre en cause notre frénésie énergivore.

Negawatt

Lors du choc pétrolier des années 60 et 70 la France a su opérer un tournant énergétique en développant le parc nucléaire. Elle doit pouvoir opérer un virage d’une égale ampleur en programmant la sortie du nucléaire en fin de vie de ses centrales, grâce à la combinaison gagnante : sobriété énergétique + efficacité énergétique + développement des renouvelables. Ce scénario appelé Negawatt a été proposé par des experts et ingénieurs indépendants. Il montre que la sortie du nucléaire est possible en 30 ans et permet de diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Il s’appuie sur une baisse de 50% en 30 ans de notre consommation d’énergie grâce à une évolution des usages de l’énergie (notamment dans le domaine de la mobilité), l’abandon des usages inutiles comme l’éclairage publicitaire, l’utilisation d’appareils ou process moins énergivores à service égal, ou encore un vaste plan de rénovation thermique des bâtiments. Pour les besoins d’énergie restants, Negawatt s’appuie sur des scenarii de développement des énergies renouvelables.

Ce scénario doit certainement être affiné. C’est l’objet de la planification écologique. Elle permettra de fixer, après un débat associant usagers, chercheurs, syndicats et associations, les grands objectifs de la transition énergétique et d’orienter la politique l’industrielle et l’économique. Mais ce n’est possible qu’à plusieurs conditions. D’abord, faire revenir l’énergie dans le giron public, par la nationalisation d’EDF-GDF et de Total, dont les orientations seront contrôlées par les citoyens. Ces centrales existent, on ne peut les laisser aux mains de logiques actionnariales et capitalistes qui poussent à la surconsommation énergétique et à la recherche de profits au mépris de la sécurité des travailleurs et des citoyens. Ces logiques poussent à la captation de CO2, aux gaz de schiste, à l’exploitation pétrolière et nucléaire plutôt qu’à la transition et aux renouvelables. Il faudra également accompagner cette transition énergétique par une relocalisation de la production et une économie du territoire. Cela demande non seulement du volontarisme politique, mais aussi une vision de long terme.


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