La Guerre D’Espagne est un condensé des affrontements idéologiques du XXème siècle

mercredi 13 juillet 2011.
 

Nazisme, fascisme, stalinisme mais aussi Front Populaire, résistance et révolution : la Guerre D’Espagne est un condensé des affrontements idéologiques du XXème siècle. C’est aussi à bien des égards un conflit qui va chercher ses racines dans la singularité des structures de l’Espagne.

Au XIXe siècle, un mouvement révolutionnaire, mené notamment par Simon Bolivar, libère l’Amérique du Sud. L’Espagne perd son empire colonial dont elle tirait son prestige et surtout ses revenus. Au début du XXe siècle, ce pays n’est plus qu’une puissance de second plan, en retard industriellement et qui vit de l’agriculture.

Il existe une énorme disparité entre les riches propriétaires fonciers et la grande foule des petits paysans : 2/3 des terres appartiennent en effet à 2% de privilégiés. Un prolétariat industriel existe aussi pour l’essentiel en Catalogne et en Asturies (Sud du pays) autour des grandes villes.

Deux centrales syndicales émergent : L’UGT (Union Générale des Travailleurs) à l’idéologie socialiste et la CNT (Confédération Nationale du Travail) de tradition anarcho-syndicaliste. Durant les années 30, les inégalités s’accroissent en partie à cause de la crise économique de 1929. Des grèves et des mouvements insurrectionnels éclatent notamment en octobre 1934 dans les bassins industriels. Le gouvernement du radical Garcia Lerroux envoie les troupes du général Franco contre les mineurs des Asturies. Les manifestations sont réprimées dans le sang, (environ 2000 morts et 3000 blessés).

La rentrée de la CEDA (droite nationaliste) en 1934 dans le gouvernement ne fait qu’exacerber les tensions. L’ascension de ce parti rappelle en effet à la gauche espagnole celle de Hitler (chancelier depuis le 30 janvier 1933) et du parti Nazi en Allemagne.

Afin de barrer la route aux nationalistes partout en Europe, le 7e congrès du Komintern avance l’idée de vastes alliances allant du centre catholique aux communistes. Ce Front populaire voit le jour en Espagne et gagne les élections législatives le 16 février 1936, grâce notamment au soutien des anarchistes au second tour.

La droite nationaliste n’accepte pourtant pas sa défaite et des groupes fascistes (phalanges, JONS) perpètrent des actes terroristes contre le gouvernement. De plus, Le Front populaire, dont la politique se borne à préserver les institutions républicaines, se révèle incapable de répondre aux attentes populaires et doit faire face à des mouvements de grèves dès mai 1936.

Les incidents se multiplient dans le pays. Après l’assassinat du monarchiste Calvo Sotelo, les généraux de l’armée (Franco, Sanjurjo...) décident de renverser le pouvoir. Le 18 juillet 1936, le Golpe (putsch) débute. Le mouvement prend le contrôle de la Galice, la Vieille Castille, l’Aragon, la Navarre et installe une tête de pont au Sud du pays grâce au débarquement dans cette zone des troupes de Franco en provenance du Maroc. Le soulèvement échoue cependant dans les grandes villes et en particulier devant Madrid où les milices ouvrières et la population livrent une bataille acharnée de plusieurs mois (Novembre 36 - Mars 37).et tiennent en échec les putschistes : le célèbre no pasaran ! (ils ne passeront pas !) est né.

L’Espagne est alors coupée en deux. Dans la zone républicaine, l’autorité centrale s’est effondrée. La réalité du pouvoir est dans la rue au mains de « Comités ouvriers et paysans » qui mettent en œuvre une politique révolutionnaire. Dans les campagnes (Catalogne, Aragon), les terres sont collectivisées et on établit dans certaines zones l’égalité des salaires ou on supprime la monnaie ! A Barcelone, toute l’industrie est collectivisée ainsi que l’énergie, les transports, les communications mais aussi les hôtels, les restaurants et les lieux de spectacle ! Les zones les plus avancées dans le processus révolutionnaire sont celles tenues par les anarchistes de la FAI (Fédération Anarchiste Ibérique) et de la CNT et par les trotskisants du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste).

C’est en fait l’intervention de puissances étrangères qui modifie la donne d’un conflit à l’issue incertaine. La Société Des Nations se montre incapable de défendre le gouvernement légitime espagnol et prône la non-intervention. Mais cet engagement n’est pas respecté par l’Italie le Portugal et l’Allemagne qui soutiennent les putschistes. Le 26 avril 1937 Guernica au Pays Basque devient la première ville détruite par l’aviation d’Hitler et un symbole universel de l’horreur de la guerre sous les pinceaux de Pablo Picasso peu de temps après.

Le camp républicain ne peut compter quant à lui que sur l’aide de Moscou et sur les livraisons d’armes en provenance de la France qui ne s’engage cependant pas officiellement de peur de déclencher un conflit mondial malgré la présence à sa tête du gouvernement de Front populaire de Blum.

L’URSS de Staline envoie massivement du matériel et organise les célèbres Brigades Internationales, corps de volontaires étrangers (où l’on retrouve notamment le futur maréchal Tito et André Malraux) qui intervient sur le front espagnol d’octobre 36 à novembre 38.

Mais l’aide de Moscou a un prix : le poids des communistes devient prépondérant dès l’été 1937 dans le gouvernement de la République. Alors que commence en URSS les grandes purges staliniennes et le premier procès de Moscou, les soviétiques éliminent physiquement les « hitléro-trotskistes » du POUM (dont leur chef Andréas Nin) et pourchassent les dirigeants anarchistes. Le comble de l’absurde est atteint à Barcelone en Mai 1937 quand les communistes prennent par la force le contrôle de la ville à la CNT et au POUM.

Ces affrontements internes empêchent une coordination des troupes républicaines, et facilitent la victoire finale des troupes de Franco (devenu chef des nationalistes) le 1er avril 1939, tout comme le changement de politique diplomatique de Staline à partir de l’été 1938, qui après les accords de Munich, cherche à se rapprocher de l’Allemagne et à sortir du bourbier espagnol.

On dénombre environ 500 000 victimes à la fin de la guerre, sans compter les nombreux réfugiés républicains parqués dans des camps en France dans des conditions insupportables. Beaucoup de ces espagnols combattront le nazisme durant la Seconde Guerre Mondiale.

Franco, grâce au soutien des Etats-Unis durant la Guerre Froide, règnera d’une main de fer sur l’Espagne jusqu’à sa mort en 1975. L’Espagne n’a pas encore fait complètement le bilan de cette période sombre de son histoire. Il y a quelques semaines, le 1er ministre socialiste Zapatero, petit-fils de fusillé républicain, a proposé une loi visant à réhabiliter les morts de la République espagnole. La virulence de certaines réactions prouve que la Guerre d’Espagne est encore une blessure vive dans l’Histoire de ce pays.


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