Automne 1938 : Franco factieux victorieux

mardi 19 janvier 2010.
 

- 28 octobre 1938 : les brigades internationales quittent l’Espagne conformément au souhait de la Grande Bretagne et de la France

- 6 décembre 1938, les gouvernements français et allemands signent une " Déclaration commune de bon voisinage "

- Février 1939 chute de Barcelone, les gouvernements de Grande Bretagne, de France et des USA reconnaissent officiellement la junte de Franco

De la victoire franquiste à la seconde guerre mondiale

La victoire du Franquisme : c’est le triomphe de la " non intervention ", elle a protégé Franco et gardera sa permanence jusqu’à sa mort.

Le glas sonna à MUNICH, la chute de la République, la victoire de la dictature

En France, en avril 1938, la chute du second cabinet Blum marque le décès officiel du Front Populaire. L’acheminement clandestin d’armes par les Pyrénées devient alors pratiquement impossible. Six mois plus tard, après l’échec de l’offensive républicaine de l’Èbre, le président Juan Négrin propose à la( Société Des Nations ancêtre des Nation Unies) le retrait des brigades internationales.

Le 28 octobre 1938 les internationaux défilent sur les Ramblas, le jeune andalou " guardia d’asalto " de la république Christobal Andrades présent témoigne : " Les yeux embués de larmes les Brigades Internationales ne veulent pas laisser mourir cette fraternité qui les lie au peuple espagnol et avec qui ils ont défié les armées Fascistes et Nazies de l’Axe. L’espoir qui les animait : abattre la bête immonde avant qu’elle n’embrase le monde, ce n’était pas un " pis aller ". De septembre 1938 à la conférence de Munich, les gouvernements de la Grande Bretagne (Chamberlin ) et de la France (Daladier) acceptent les exigences de Mussolini et d’Hitler concernant leur renforcement vers l’Europe de l’Est. La Grande Bretagne et la France, après l’Autriche, abandonnent la Tchécoslovaquie, leur alliée, démembrée au profit du III éme Reich.

Le 6 décembre 1938, les gouvernements français et allemands signent même une " Déclaration commune de bon voisinage ".

Février 1939 chute de Barcelone, les gouvernements de Grande Bretagne, de France et des USA reconnaissent officiellement la junte de Franco comme gouvernement légitime. Ouf ! Il s’en est fallu de peu, la bourgeoisie européenne fidèle à elle-même respire. Pour elle oui c’est un " pis aller " plutôt Franco que " el frente popular ". " La non-intervention " souhaitée par le Royaume-uni et la France, relayée par les démocraties européennes drapa l’Espagne d’un sordide linceul d’une bien étrange trahison. Suivra quatre décennies de dictature fasciste après une guerre d’un million de morts et d’un demi-million de réfugiés.

D’abord ils ont assassiné Lorca (1936), puis ils sont passés (1939), à présent ils vont gouverner (1939 /1975)

Franco : un fascisme clérical, nationaliste et militaire

Son univers mental ne lui permet pas de sortir de la parabole du bien et du mal qu’il affectionne comme une mission de dieu.

" Notre victoire signifie une restauration de l’unité nationale qui est menacée par des traîtres séparatistes… C’est la gloire des Espagnols de porter à la pointe de leurs baïonnettes la défense de la civilisation, de maintenir une culture chrétienne, de maintenir une foi catholique "…

"La guerre d’Espagne n’est pas une chose artificielle ; c’est le couronnement d’un processus historique, c’est la lutte de la patrie contre l’anti patrie, de l’unité contre la sécession, de la morale contre le crime, de l’esprit contre le matérialisme, il n’y a pas d’autre solution que le triomphe des principes purs et éternels sur les bâtards et les anti-Espagnols."

(Déclaration à l’agence Havas le 27 juillet 1938)

La bataille décisive : L’Ebre

Nous avions un moral de vainqueur, vouloir gagner la guerre engageait que vous ayez un moral " supérieur " (François Mazou). Les forces de l’AXE sont largement supérieures en nombre et en armement, la république espagnole engage 80000 hommes de l’armée populaire.

Le 25 juillet 1938 dès les premières heures du jour elle lance une offensive sur une ligne de front de 65 km de Mequinenza à Bénifallet. Cette témérité fut immédiatement récompensée, les combattants de la république avaient réussi l’impossible, malgré sa faiblesse logistique une percée en trois points distincts dans les lignes ennemies. " Ay Carmela " chanté dans toutes les langues du monde retentit alors, venant des zones de combat, les collines répercutaient l’écho : " El ejercito del Ebro, Rum balabum balabum bam bam, una noche el rio paso, Ay Carmela ay Carmela… prometemos resistir, Ay Carmela Ay Carmela ". Il y eut un vent de panique qui parcourut les nationalistes. Dans une grande colère Mussolini s’exclama : " Les rouges savent se battre, Franco non ! ".

" Mais l’assaut fut donné par les franquistes, leur contre attaque va être redoutable. A Tortosa au sud, les républicains n’ont pu surprendre. Les premières lignes de la "commune de Paris" constituent une tête de pont avec des barques pour que l’ensemble des troupes puisse passer de l’autre coté du fleuve. Le courant est extrêmement fort et les brigadistes n’arrivent pas à maintenir la stabilité des barques pendant le passage des hommes. Les mitrailleuses ouvrent le feu pendant que les embarcations continuent le passage. De nombreuses barques chavirent et les soldats sont emportés par les flots. Les barques s’enfoncent les unes après les autres dans un déluge de feu sans que les républicains puissent porter secours à leurs camarades. " De l’autre coté du fleuve ils assistent à l’anéantissement de leurs amis. Les blessés s’accrochent aux roseaux, d’autres se jettent à l’eau "…

(Extrait du livre " Un automne pour Madrid " histoire de Théo combattant pour la liberté. Christine Diger, Atlantica).

Echo d’une Mémoire de la milicienne de la culture (1) Carmen Lera née Andreu

" La guerre se termina avec la Junta de Casado à Madrid, qui trahit la république en se retournant contre les communistes. Les franquistes arrêtèrent Eugenio Meson secrétaire général des jeunesses communistes (mari de Juana Dona). Le cinq mars il sera fusillé. Nous avons alors décidé de fuir en camion direction Valence avec Tunon de Lara* et sa compagne. Tunon était très ami avec Jose luis mon compagnon. Tunon était à l’avant dans la cabine à coté du chauffeur avec ma fille sur ses genoux, elle avait six semaines, avec nous il y avait Juana Dona, son mari Eugenio Meson avait été fusillé. Arrivés à Valence nous dûmes partir vers Alicante en espérant trouver un bateau ". Mais l’émissaire français (Bonnet) contrecarra cette fuite. Je revis Tunon seulement en 1987 pour le 50éme anniversaire de Valence capitale de la république.

Quand il eut fini la conférence nous nous étreignîmes très fort, vous vous rendez compte presque un demi-siècle après les premiers mots furent " tu te rappelles quand nous chantions " :

" No quiero ir contigo a la guerra

que se come muy mal

y se duerme en la arena

Dormiré en la arena.

No, no, no no dormiras

que dormiras en un lecho de flores

con cuatro milicianas que te hablaran de amores "

Il chanta la chanson que nous chantions dans notre fuite de Madrid à Valence. Il me donna son adresse à Bilbao. Il avait été vraiment très ami avec mon mari, décédé voilà 40ans. (Carmen léra Andreu témoignage " Les cahiers du CRIAR n° 15 publication Université de Rouen ") Echo d’une Mémoire de la milicienne de la culture (2)

Carmen Lera née Andreu

"J’étais Milicienne de la Culture à Madrid dans l’hôpital " el Campesino ", c’était en début 38, il y avait beaucoup d’analphabètes parmi les blessés qui venaient du front. Le travail était organisé par la République… Il y avait dans l’hôpital une cellule communiste, nous nous réunissions, l’hôpital vota pour que nous puissions -les membres de la culture- prendre un repas comme tous les employés parce que nous n’étions pas payés. " (Les cahiers du Criar, centre de recherches d’études ibériques et Ibéro-Americaines n° 15 Université de Rouen )

Elle obtient son diplôme d’institutrice par la République le 10 avril 1936. Dès le déclenchement du conflit, les écoles ferment (le 17 juillet) tous les enseignants iront travailler à l’hôpital de Lérida pour aider les personnels soignants car les blessés arrivaient déjà du front d’Aragon, militante du JSU depuis 1934 et du " Secours Rouge", elle milite aussi à la Solidarité Politique avec les grévistes mineurs d’Asturies en prison, elle milite au sein de la FETE, Fédération des travailleurs de l’enseignement. Début 1938 elle rejoint Madrid avec son compagnon José Luis Lera qui doit assurer des fonctions au sein de l’école du parti communiste. L’insurrection des Asturies en octobre 1934 fait 3000 morts, 7000 blessés, 40000 emprisonnements. Franco est déjà à la tête de cette répression innommable. Sources Pierre Broué " la révolution espagnole 1931 1939 ".

L’idéal de liberté qui avait tant nourri le peuple espagnol dans sa lutte contre le fascisme et courroucé tant les gouvernements européens, indisposait à présent la France. Sans attendre elle y dépêcha un émissaire taillé sur mesure, comme les aimait Franco. Bonnet était de ceux-là, il arrêta le geste qui aurait pu sauver 12000 personnes sur le port d’Alicante qui attendaient leurs évacuations.

Déclaration de zèle sur le mode de la collaboration :

" La parole du généralissime est une garantie suffisante. Notre présence sur le terrain serait interprétée comme une insulte à la souveraineté de l’Espagne. Elle risquerait de froisser son nouveau maître et compromettrait nos futures bonnes relations avec lui. Les principes humanitaires sont une chose, la politique internationale en est une autre ". (Déclaration de Bonnet émissaire envoyé par la France)

Douze mille Républicains sont livrés avec le zèle que l’on remarquera peu de temps après sur fond de collaboration avec le gouvernement de Vichy. Franco commença deux jours après ses exécutions, au rythme de deux cent par jour. L’implacable dictature qui s’installa pour quarante longues années fut la prime accordée au généralissime pour avoir écrasé l’enthousiasme des travailleurs qui en 1936, de Madrid à Paris, étaient bien disposés à changer le cours de l’Histoire. Le triomphe de la tradition contre l’Espagne " impie " la résurgence du mythe de la " Croisade ", la défense de la foi et de son honneur pour la gloire éternelle du Christ Roi. Franco allait " karchériser " le pays pour un retour à l’Espagne des traditions.

Le Franquisme ce greffon du nazisme

Le franquisme survivra à la bête immonde. Malgré ses liens avérés avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, il sera volontairement épargné. La dictature semblait pourtant incompatible avec le nouvel ordre de la Libération en 1945, cependant ce bastion survivra contre le communisme et en toute quiétude continuera son œuvre de mort.

* CARA AL SOL ! L’hymne de la phalange, consiste à regarder le soleil " droit dans les yeux " et droit dans ses bottes.

Le soleil d’Espagne en aveuglera bien d’autres. Ha ! Les plages de sable fin. Les vacances, pour toutes classes politiques et bourses confondues y compris les plus modestes, ont participé à déculpabiliser et à corrompre les touristes. Ce paradis économique pour aventuriers nouvelle formule** représentait un nouveau souffle indispensable pour la survie de ce nouveau régime qui s’employait à cacher tout de la réalité politique de sa dictature.

La musique à tue tête comme " arriba espagna ", une chanson on ne peut plus idiote et pro franquiste était dans les têtes les plus crédules au point que les touristes revenaient avec cette rengaine à deux sous et rien des prisons, des tortures, ni des exécutions et il y en avait beaucoup pourtant. Etaient-ils choqués de passer des vacances dans un pays où des personnes se saluaient avec le bras tendu ? Combien de fois dans les années 50/60 sur mon lieu de travail la question m’a été posée : " Pourquoi ? Tu ne vas jamais en vacances en Espagne ? "

Autant de fois je retenais mon souffle.

Alors Luis, pourquoi tu ne vas jamais en Espagne ? C’est dans une respiration contrarié que je formulais une réponse et quoi répondre pour un fils de Républicains espagnols, sinon qu’il n’était pour moi pas question de m’abreuver dans le calice de ceux qui ont brisé les rêves de mon enfance et gommé tant de vies. Mais j’évitais une réponse trop ostentatoire comme j’en avais l’envie. Et dire qu’il n’y a pas de dignité à faire allégeance au régime fasciste, en fermant les yeux sur cette réalité que l’on avait déjà trop de collaboration passive et que le tourisme était une des formes la plus accomplie de la collaboration active. J’avais fais le serment de ne plus revenir en Espagne du vivant de Franco. Difficile d’en parler sans s’enfermer dans un monologue qui ne fait avancer personne.

Pourtant je fis un accro à cette règle que j’avais adoptée en 1947 à 7 ans, quand avec ma mère Carmen, mon père José Luis, mes deux sœurs Conchita et Carmen (8 mois), nous primes le chemin de l’exil. J’ai dérogé une seule fois à ce " contrat moral" quand en 1964 j’effectuais un voyage à travers l’Espagne pour présenter ma compagne à ma famille espagnole, elle était la première non espagnole à intégrer celle-ci. A ma conscience j’évoquais alors le cas de force majeure. J’ai toujours eu une respiration compliquée surtout dans l’effort alors je me mets en apnée, je n’ai jamais ou rarement une respiration apaisée. Ce qui me fait dire que je reporte ce problème à des symptômes liés à mon enfance comme par exemple l’exil, le suicide de mon père… Je me compare parfois à un poisson dépourvu de branchies qui va chercher son air entre deux eaux, mais qui ne le trouve pas…

Luis lera


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