Manuels SVT : Il n’y a pas dans le monde humain seulement une femelle ou un mâle, mais des féminités, des masculinités et des identités.

lundi 3 octobre 2011.
 

Prolongeant une demande de l’Église, 80 députés de droite, pour beaucoup membres de la droite populaire, ont voulu censurer des manuels de sciences de la vie et de la terre, ces derniers faisant apparaître la question du genre comme dépendant tout autant de facteurs biologiques que de facteurs culturels. Combat d’arrière-garde dont on pourrait rire, s’il ne s’inscrivait pas dans une tradition qui, se référant à une prétendue nature figée, ne permettait en fait de promouvoir des politiques discriminatoires et conservatrices.

En effet, au-delà de la théorie du genre, la référence à la nature immuable des comportements cache sous l’évidence du fait de nature des préjugés qui ont la vie dure. Nature, que la main invisible du marché qui dicte ses lois  ; nature, le comportement des groupes sociaux que l’on veut assigner à une prétendue origine, Roms, maghrébins aujourd’hui comme l’étaient hier les Polonais ou les Italiens  ; nature, le comportement sexuel. La théorie du genre porte un message simple, mais nécessaire dans la lutte contre les préjugés sexistes et homophobes. Le lien entre mon inscription biologique et mes comportements affectifs, sociaux ou sexuels est tout autant le fruit de mes prédispositions que de mon éducation et de ce vrai maître de nos destins qu’est le hasard, ce qu’Helvétius notait déjà au XVIIIe siècle.

Car les théories du genre ne cessent de nous rappeler que la manière de vivre son identité est de part en part influencée par la culture. Simone de Beauvoir en trace les prémices en affirmant que l’on ne naît pas femme, mais qu’on le devient. Les théories du genre prolongent cette remarque en montrant que la binarité sexuelle n’est pas un fait universel, pas même biologiquement parlant, et que, pour ne prendre que cet exemple, les valeurs de féminité ou de masculinité sont variables parmi les cultures. Il n’y a pas dans le monde humain seulement une femelle ou un mâle, mais des féminités, des masculinités et des identités.

Assigner chacun à un comportement défini permet toutes les discriminations  : les normes sexuelles ainsi érigées voient les homosexuels, les bisexuels ou les transsexuels comme des pervers ou des malades. Rappelons que la psychiatrie américaine a dû attendre 1973 pour retirer l’homosexualité de la liste des pathologies. Et l’inénarrable Christine Boutin n’a pu s’empêcher de dire que « les civilisations qui ont reconnu l’homosexualité ont connu la décadence ».

Hervé Mariton concède qu’il aurait pu admettre que cette question soit débattue en cours de philosophie au lieu d’être dispensée dans un cours de science. Passons sur sa désinvolture vis-à-vis de la philosophie qu’il réduit à un simple débat d’opinions. Le plus dommageable, c’est sa croyance dans l’éternité des découvertes scientifiques, comme si la science n’était pas à son tour prise dans des évolutions et des découvertes. Au XIXe siècle, la science croyait dans l’existence des races comme un fait irréfutable.

Rendre accessibles les débats scientifiques aux élèves est une nécessité citoyenne. Vouloir les taire nous replonge dans l’obscurantisme. C’est le projet de la droite la plus réactionnaire.

Benoît Schneckenburger, philosophe

Manuels scolaires de SVT et différenciation sexuée des rôles sociaux : Les députés UMP font mauvais genre


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