Sexisme. Historiquement le sport a été pensé et organisé pour former les hommes à la virilité

samedi 31 décembre 2011.
 

« Les inégalités entre les sexes perdurent à tous les niveaux de la pratique sportive. D’abord concernant l’accès au sport  : il y a inégalité entre les femmes et les hommes, et même entre les femmes  : par exemple, celles de classes populaires rencontrent plus de difficultés que les autres à pouvoir exercer une pratique physique. Et ce constat demeure aussi chez les plus jeunes. Ensuite, les inégalités portent également sur les disciplines sportives. Actuellement, il y a toujours très peu de femmes dans les sports considérés comme “masculin”, tels que le foot, le rugby, les sports de force, de combat rapproché, etc. Par exemple, la Fédération française de football compte moins de 3% de femmes. Alors qu’aucun règlement ne restreint leur accès.

Autre exemple de discriminations selon les disciplines  : le Comité international olympique a refusé pour des raisons dites médicales, mais totalement injustifiées, que les filles pratiquent le saut à ski aux Jeux de 2010  ! Il a fallu que les féministes canadiennes portent plainte pour que les sportives puissent pratiquer cette discipline aux jeux… de 2014  ! Les inégalités sévissent aussi dans le sport de haut niveau  : les femmes n’obtiennent pas les aides pour pratiquer tous les sports, la majorité ne sont pas professionnelles. De même, elles sont minoritaires dans les postes de direction, l’encadrement  : moins de 10%.

Leur invisibilité fréquente dans les médias est extrêmement significative  : 80% du temps consacré au sport sur les chaînes hertziennes ne montre que des hommes. Les sportives sont d’autant moins médiatisées si elles font du foot, du rugby, de l’haltérophilie, de la lutte etc. C’est-à-dire des activités jugées non “féminines” et dites peu vendables. Elles sont souvent médiatisées au prix d’une sexualisation, en tenue moulante, jupettes obligatoires, etc.

Pourquoi tant de discriminations ? D’abord, toute l’histoire du sport s’est construite par et pour les hommes. Depuis le XIXesiècle, le sport a été pensé et organisé pour former les hommes à la masculinité et à la virilité, pour qu’ils deviennent, entre guillemets, de “vrais hommes” et sachent gérer des équipes. Or, l’histoire des femmes dans le sport montre qu’elles sont aussi bien capables d’être dans la performance  ; mais les différences femmes hommes, entre autres morphologiques, sont pensées et même incorporées comme une infériorité naturelle, alors qu’il s’agit d’une construction culturelle, sociale, alimentant des représentations… Ce n’est pas parce que l’on est différents, que l’on doit être inégaux  !

Comment en finir avec ces inégalités ? La première urgence est de dénoncer, en permanence, ces inégalités et discriminations. Il faut faire du bruit  ! La campagne “Pas de filles hors jeu” est exemplaire. À l’approche des JO de Londres 2012, nous sommes en train de nous battre contre le fait que le Comité international olympique déroge en permanence à sa charte par rapport à l’égalité. Nous dénonçons aussi l’absence de légalisation de la médiatisation des filles dans la majorité des sports. Puis, il faut faire pression sur les institutions, parce que évidemment, les politiques publiques sont impliquées dans ces inégalités. Un rapport du Sénat, élaboré cette année par une commission de la délégation au droit des femmes, contient un certain nombre de recommandations  ; mais le problème c’est que les recommandations demeurent très souvent au rang de principes incantatoires. Or, pour que ces inégalités cessent, il est aujourd’hui nécessaire de former sur les représentations du “genre”. Cela commence à l’école, en éduquant les petits à l’égalité, leur faire pratiquer un sport ensemble peut d’ailleurs faire partie de la démarche. Les enseignants, éducateurs et animateurs doivent aussi bénéficier d’une formation à l’égalité  ; or, actuellement rien d’obligatoire n’est prévu. Et bien sûr, il faut que les lois et textes antidiscriminations soient appliqués sous peine de sanctions, par exemple lors des élections des comités directeurs des fédérations… On pourrait imaginer une baisse de subvention des fédérations si les femmes ne sont pas traitées à égalité. »

Propos recueillis par Anna Musso, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message