Football féminin : la parité se vote (aussi) avec les pieds !

mercredi 8 août 2012.
 

Au sortir de cette période électorale, les métaphores sportives ont souvent été invoquées pour imager l’activité politique. On a parlé de « matches », de « compétiteurs », de « débat musclé », entendu des « on ne lâche rien »… Ce n’est pas un hasard. Sport et politique ont de nombreux points communs et les inégalités femmes-hommes sont l’un d’entre eux. En politique comme en sport, les candidats sont amenés à démontrer leur virilité. Quand les sportifs sont mis en valeur pour leurs performances, les sportives le sont plus facilement pour leur plastique. Quand une femme politique subit des remarques sur sa tenue vestimentaire, les hommes y échappent. En politique les Français ont plus de difficultés à se rassembler derrière une femme que derrière un homme. En sport, seules des sportives individuelles à fort palmarès arrivent à susciter le même engouement que des hommes. En revanche dès qu’il s’agit de sports collectifs, le constat est le même qu’en politique. Ainsi lors de la dernière Coupe du monde de football féminin, même si c’était un record, il n’y avait que 2,5 millions de Français devant leur télévision pour suivre la demi-finale des Bleues face aux Etats-Unis (contre 22 millions pour les Bleus en 2006, face au Portugal, pour la demi-finale de la Coupe du Monde masculine).

Les inégalités entre femmes et hommes dans le sport et en politique relèvent de la même logique. Elles sont héritées de croyances archaïques qui font des caractéristiques des hommes et des femmes des données de la nature, par essence inchangeables : les femmes seraient trop douces, trop peu combatives pour jouer au football ou s’engager dans la sphère publique. Pourtant si 51,4% des Français sont des Françaises, lors de la précédente législature, il n’y avait que 18,5% de femmes à l’Assemblée nationale, 26,9% aujourd’hui. Elles ne représentent que 22,1% des sénateurs. Heureusement depuis peu, elles représentent aussi 50% des ministres. En sport, le constat est encore plus criant : aucune femme à la tête des 31 fédérations olympiques, aucune femme à la tête d’un club masculin de première ou deuxième division, aucune arbitre femme officiant en première division masculine…

Depuis quelques jours, après plus d’un an de campagnes électorales, les Français ont refermé la page politique de la vie collective française en ouvrant une nouvelle page sportive, celle des Jeux Olympiques de Londres. Pour la première fois de son histoire, l’équipe de France de football féminin participera au prestigieux Tournoi Olympique, poursuivant ainsi son ascension vers l’élite sportive mondiale après la prestation remarquable mais pas assez remarquée lors de la dernière Coupe du Monde en Allemagne et le deuxième titre de Championnes d’Europe de l’Olympique Lyonnais. Ces excellents résultats ont permis de donner de la visibilité au football féminin en France. Le nombre de jeunes licenciées a augmenté, les sponsors sont moins frileux, les joueuses se sont fait leur place dans les collections de cartes Panini…

Mais les quelques projecteurs qui ont été braqués sur le football féminin ne doivent pas faire oublier que ce sport n’est pas encore sorti de l’ombre. Les footballeuses, à l’inverse de leurs homologues masculins, sont pour le moment quasiment condamnées à l’exploit pour que l’on parle d’elles. Seuls les bons résultats leur permettent d’exister médiatiquement. Leur statut, leurs conditions d’entraînement et leur vie sportive sont là encore, sans commune mesure avec celles des joueurs. Dans le football, comme dans le reste de la société, les moyens alloués aux femmes sont différents. A titre d’exemple, lorsque les joueuses de l’équipe de France ont atteint les demi-finales de la Coupe du Monde, elles ont chacune reçu une prime fédérale de 3 500€. S’ils avaient atteint le même niveau de compétition en 2010, les footballeurs auraient remporté chacun 130 000€. Dans le domaine professionnel, les salaires des femmes sont inférieurs de 27% à ceux des hommes, tous temps de travail confondus. Dans ce contexte, obtenir de bons résultats est un exploit remarquable.

Pour autant les joueuses ne se plaignent pas. Elles sont heureuses et fières de jouer au football. Et excusent avec philosophie leur manque de moyens : « On ne génère pas autant d’argent que le football masculin… ». Et surtout elles ne cherchent ni la comparaison, ni l’opposition avec les joueurs. D’ailleurs elles n’envient pas leurs moyens. Le football répond à une règle commune à l’ensemble du sport et se distingue ici de la politique : pour que les footballeuses puissent se consacrer pleinement à leur sport et porter les couleurs de la France dans les mêmes conditions que les hommes, il leur faut des sponsors. Pour que les sponsors s’intéressent à elles, il faut qu’ils aient un retour sur investissement. Pour cela, il faut qu’elles occupent de l’espace médiatique, ce qui nécessite d’avoir du public. Ces femmes fortes, combatives et qui taclent les préjugés ne marqueront pas le but de la parité et de la mixité dans le sport sans téléspectateurs. Pour une fois, chacun peut agir en restant chez soi devant sa télévision. Parce que la parité peut se voter aussi avec leurs pieds et avec vos yeux.

Par Audrey Keysers et Maguy Nestoret Ontanon, auteures de Football féminin. La femme est l’avenir du foot, aux éditions du Bord de l’eau, juin 2012 ;

Fayçal Douhane, membre du Conseil National du PS ;

Michèle André, sénatrice ;

Michèle Sabban, vice-présidente du Conseil régional d’Ile-de-France ;

Olga Trostiansky, adjointe au Maire de Paris.


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