La santé et la protection sociale au cœur des campagnes électorales

dimanche 15 janvier 2012.
 

Par Bruno Valentin, secrétaire national à la santé de République et Socialisme, et Patrice Siard, secrétaire général adjoint.

Le patronat, via le CNPF d’abord et le Medef ensuite, a de la suite dans les idées en matière de démantèlement du système public de santé. Au demeurant, c’est tout à fait logique de sa part, car, dans un contexte de diminution tendancielle du taux de profit consécutif à l’asphyxie mondiale de la demande, la tentation est forte de contrôler un tel marché en expansion au bénéfice des laboratoires pharmaceutiques, des grands groupes de cliniques privées et des compagnies d’assurances.

Depuis 1967, le patronat et les gouvernements successifs, pas toujours de droite, hélas, n’ont eu effectivement de cesse que de mener un travail progressif et opiniâtre de démantèlement du système de santé public de notre pays en agissant en parallèle de plusieurs façons  : par le transfert des soins « rentables » des hôpitaux publics vers le secteur privé  ; par la mainmise croissante du Medef et de l’État libéral sur la Sécurité sociale depuis 1967, et enfin, par la diminution systématique des taux et montants de remboursement de l’assurance maladie.

1. Par le transfert des soins « rentables  des hôpitaux publics vers le secteur privé, tout en corsetant l’hôpital public dans un carcan gestionnaire, pesant à la fois sur les conditions de travail, l’emploi, les salaires des personnels et la qualité des soins. En démantelant les hôpitaux de proximité au détriment de l’aménagement du territoire et en contribuant à développer l’inégalité des droits par rapport aux soins. La tarification à l’activité (T2A) est une erreur politique et stratégique qui aura démantelé notre système de santé. Ce n’est qu’un système libéral qui privilégie l’aspect comptable aux dépens de la qualité de soins et de l’accès aux soins pour tous. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 ne prévoit-il pas de repousser la T2A dans les hôpitaux locaux à 2013, juste après les élections  ? L’hôpital de proximité (hôpital local) doit redevenir le premier maillon de l’offre de soins  ; porte d’entrée du système sanitaire.

Ajoutons que le maintien pour la médecine de ville et les cliniques privées de l’apparence d’un système libéral caractérisé par le paiement à l’acte entraîne, paradoxalement, une multiplication des actes et des dépassements de tarifs « sauvages » sur lesquels le patient ne peut véritablement peser. La Haute Autorité de santé (HAS) n’a-t-elle pas mis en place des groupes de travail sur la pertinence des actes  ?

Bref, l’ensemble du système repose à la fois sur un contrôle bureaucratique du coût du secteur public et sur une bienveillance coupable en faveur du secteur privé sous prétexte, notamment, de compenser la diminution du nombre de praticiens et d’assurer la promotion des meilleurs praticiens autoproclamés.

Or, l’ensemble du système de soins, public et privé, est financé par les fonds publics de la Sécurité sociale, les organismes d’assurance-maladie étant censés en contrôler l’usage, mais leur pouvoir de contrôle est maintenant transféré aux ARS (agences régionales de santé)  : organismes d’État bien ancrés dans la logique libérale de l’austérité.

2. Par la prise de pouvoir du patronat sur la Sécurité sociale en 1967, administrée majoritairement jusqu’à cette date par les représentants des syndicats ouvriers, alors élus par les assurés sociaux.

3. Par la diminution systématique des taux de remboursement de l’assurance maladie des régimes obligatoires de Sécurité sociale, et en diminuant la liste des médicaments remboursables devenus inefficaces du jour au lendemain (mais en laissant la liberté aux médecins de les prescrire), puis en transférant la charge à l’assurance complémentaire mais, en même temps, en diminuant le champ d’action des mutuelles de différentes façons (taxes) et en les mettant en concurrence avec les compagnies d’assurances privées.

Ce que la gauche au pouvoir doit réaliser de façon radicale  :

- stopper le démantèlement des hôpitaux, abroger les lois de 2003, 2004, 2005… et HPST (hôpital, patients, santé et territoire, loi Bachelot) pour refondre le système de financement des hôpitaux ;

- rétablir progressivement mais rapidement le financement intégral du remboursement des soins (qui suppose une négociation avec les mutuelles pour le développement de la prévention) accompagné de la reprise d’une démarche de qualité des soins au meilleur coût (abandonné depuis plusieurs années), en concertation avec le corps médical. Revenir au moins à un taux de 80% dans un premier temps ;

- donner de nouvelles missions au Centre National de Gestion pour qu’il gère « l’intérim » des médecins et des paramédicaux…

- valoriser le temps passé à la démarche qualité, adapter les référentiels de l’HAS en fonction de la structure ;

- créer des spécialités (en gérontologie, en psychiatrie…) et renforcer les spécialités (infirmier anesthésiste diplômé d’État et infirmier de bloc opératoire diplômé d’État…)

- revoir la formation des médecins et des paramédicaux ;

- remettre à plat, avec l’ensemble des syndicats de praticiens, le système des conventions médicales et de rémunération que nous souhaiterions voir orienter vers une partie forfaitaire et une partie à l’acte :

- interdire l’installation de médecins de secteur2 dans les territoires dépourvus de médecins de secteur1 et aider à l’installation dans les zones de pénurie médicale ;

- financer la décentralisation et la création de réseaux de soins pour éviter les déplacements coûteux et l’engorgement des services d’urgence, notamment par le développement des centres de santé « pluriprofessionnels » ;

- contrôler l’industrie du médicament, notamment par un vrai contrôle des mises sur le marché, le monopole public de la formation des médecins et la création d’un secteur public de production ;

- nationaliser la recherche médicale ;

- supprimer les agences régionales de santé et remettre à plat le système de gestion en y associant professionnels, personnels, élus et citoyens et en développant enfin la dimension de prévention ;

- élargir l’assiette des cotisations sur les profits des entreprises jusqu’à présent consacrés à la spéculation et à l’enrichissement des plus riches, dans le même esprit que la réforme fiscale mais surtout pas par l’augmentation de la CSG, qu’il convient de remettre en cause.

Quoi qu’il en soit la santé et la protection sociale seront au cœur des prochaines campagnes électorales, et là les masques tomberont  !

Notre système de protection sociale et sanitaire mis en place à la Libération régresse au profit du système assurantiel privé, il devient de moins en moins solidaire sous prétexte d’une Sécu ayant un déficit abyssal… Les notions de solidarité et d’égalité, fondamentaux du programme du Conseil national de la Résistance, doivent être remises au centre de notre système de protection sociale. Mais notre système doit également investir sur l’avenir  ; qui dit investir, dit promouvoir la prévention…

Et comment financer, direz-vous  ? C’est simple  : tous les revenus participent  ; revenus du capital comme les revenus du travail… et que l’État rende les 32 milliards d’exonérations de cotisations qu’il doit  !


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