Un spectre hante l’élection présidentielle : la peur de la Grande Révolution française !

vendredi 20 avril 2012.
 

Je crois que la haine de tous les adversaires du Front de gauche vient d’abord de leur stupeur nous concernant. Longtemps, ils nous ont regardé de façon amusée. Ils pouffaient en nous écoutant. Ils voyaient en nous des femmes et des hommes pittoresques, un brin folklorique. La condescendance à notre égard leur servait de lunettes. Certains ont même cru nous instrumentaliser pour leurs misérables manœuvres. Leur esprit tordu les empêchait de nous entendre au premier degré. Intellectuellement, ils étaient incapables de comprendre notre véritable identité politique. Dans leur imaginaire, nous n’existions que pour « faire le jeu » de tel ou tel. Désormais que la chose devient sérieuse, nous les épouvantons. Ils ont compris. Nous sommes devenus une force majeure, en capacité de renverser ce régime pourri. Dès lors, cela ne peut plus durer. Des révolutionnaires sous cloches, que l’on peut visiter comme au musée, oui. Par contre, une grande force sociale pleine de vie, non. Pour décrire leur état d’esprit, il me revient en mémoire la phrase du si corrompu Mirabeau écoutant pour la première fois le jeune Maximilien Robespierre encore inconnu : « Il ira loin, il croit tout ce qu’il dit ». C’est cela, que les tenants du système semblent être en train de découvrir, contrairement à d’autres, nous croyons tout ce que nous disons.

Ce faisant, je viens dès à présent d’utiliser une référence puisée dans la Révolution française ! Ah ! Nous y voilà. Je suis loin d’être le premier à le faire depuis le début de cette campagne électorale. Au contraire, il me semble parfois que la Révolution française y est omniprésente. Deux siècles plus tard, elle effraie encore ceux qui ont beaucoup à perdre. Ils ont raison. La braise n’est pas encore éteinte. Je dois être honnête, c’est nous, au Front de Gauche, qui avons réactivé sa mémoire, avec nos mots s’inspirant des Lumières, notre prise de la Bastille du 18 mars, nos symboles tricolores, nos références à Santerre le courageux chef de la Garde républicaine, nos bonnets phrygiens… C’est nous qui avons tout fait pour la réveiller. Ce ne fut pas si difficile, elle ne faisait que somnoler, consciente que bientôt elle aurait, une nouvelle fois, à jouer les premiers rôles. Oui, la Révolution française, la revoilà. Elle nous manquait tant. Certes, elle n’a pas encore retrouvé tout son éclat, toute sa splendeur, toute sa force, mais c’est bien elle qui revient. Les partageux sont de retour. Bonne nouvelle !

Pas pour tout le monde manifestement. Pour beaucoup de défenseurs des injustices du monde, c’est intolérable. Et quelle déception. Depuis 30 ans, ils avaient cherché à enterrer toute référence positive à elle. Pour cela, particulièrement lors du bicentenaire en 1989, l’historien François Furet avait survolé tous les débats historiques concernant cet évènement majeur qui avait fondé notre nation. C’est Furet qui avait proclamé dans un de ses ouvrages « la Révolution française est terminée », sous entendu elle a accompli son œuvre et il est inutile d’espérer mieux. Il rajoutait à la conclusion d’un autre : « A travers la volonté générale, le peuple-roi coïncide désormais mythiquement avec le pouvoir ; cette croyance est la matrice du totalitarisme ». Tout était dit. C’est donc, selon François Furet, dans la Révolution française que sont nés fascisme, stalinisme et toute les horreurs de notre temps. Le message est clair : brave gens, à l’avenir, refusez toute Révolution ou vous fabriquerez aussitôt de la barbarie. Croyez les « historiens » : la Révolution française, cette boucherie sanglante et brutale, est la mère du communisme, qui est lui-même la mère du stalinisme qui a tué des millions de gens, etc, etc… CQFD. Hormis un gigantesque fleuve de sang, il n’y a rien de bon (et d’actuel) à retenir de tous ces épisodes. Voilà donc ce que fut, depuis plus de 20 ans, la doctrine de Furet et ses sbires. Je précise au passage que c’est dans les colonnes du Nouvel Observateur qu’à l’époque, elle a pu briller de ses mille feux !

Depuis, c’est dans cette école de pensée que puise l’essentiel de toutes les attaques qui nous visent. Ironie, la méchanceté, l’ignorance et la facilité font se retrouver, de manière peut être non volontaire, des forces politiques placées sur différents points de l’échiquier politique.

D’abord, il y a bien sûr le Front national de Marine Le Pen qui hurle aujourd’hui du retour du PCF et « son cortège de folie » qui serait selon elle, « ressuscité » par la seule UMP. Retenez l’argument, vous l’entendrez à nouveau. Le 10 avril, Louis Aliot déclarait sur BFM-TV : « l’idéologie de M. Mélenchon a fait 100 millions de morts et elle continue aujourd’hui en Corée du Nord, à Cuba et ailleurs ». Quelques jours auparavant, le 28 mars 2012, Bruno Gollnish avait écrit sur son blog : « Le public de Mélenchon est assez « traditionnel » de cette frange de l’électorat : fétichistes attachés aux gri-gri -drapeaux rouges, poings levés, internationale, violence haineuse vis-à-vis des patriotes Français…- nostalgiques de la Terreur ou de la planification soviétique, extrémistes célébrant les 100 millions de morts du communisme, masochistes partisans de la disparition de la France et de l’Europe sous les vagues migratoires, syndicalistes et fonctionnaires bas de plafond, bobos ahuris… »

Le même Bruno Gollnish écrivait aussi le 8 mars : « Un Mélenchon décidemment sans-culotte qui, avec ou sans tablier, l’équerre, le compas ou la faucille et le marteau, préfère une nouvelle fois insulter les patriotes français de loin comme ce fut encore le cas lors de son dernier meeting à Rouen. Une manœuvre grossière pour faire oublier qu’il est bien une roue de secours du système, le candidat du parti de l’étranger, de la trahison des travailleurs français, le représentant de l’idéologie la plus sanglante du XXè siècle. » Aujourd’hui encore, il m’insulte, avec Mélenchon, sur son blog en véhiculant contre moi et d’autres camarades des calomnies absurdes. Mais, qui écoute cette baderne de Gollnish ? Depuis le 16 janvier 2011, il n’est plus qu’un has been qui doit regretter d’avoir été battu à la tête du FN, d’autant qu’il sait qu’il aurait fait mieux que la fille Le Pen.

Jusque là, rien que du classique me direz vous. Insulter la Révolution française, l’assimiler au stalinisme, aux meurtres, moquer la Franc-maçonnerie, etc. de la part de l’extrême droite, contre la gauche, c’est assez banal. Oui, mais le 2 avril, Gérard Collomb, le Maire PS de Lyon, déclarait à son tour à propos de Jean-Luc Mélenchon : « le modèle qu’il défend, on l’a essayé en URSS et au Cambodge, ça ne marche pas. » Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?

Puis, plus clairement, c’est le tour de Laurence Parisot la Présidente du MEDEF de déclarer : « Il y aussi des phases dans les révolutions qui sont terribles. Je trouve que Mélenchon est beaucoup plus l’héritier d’une forme de Terreur ». Puis, lui emboîtant le pas, ce sont aussi les responsables d’Europe Ecologie Les Verts qui ont « cognés » contre le Front de Gauche en se moquant de ses références à la Révolution française. J’ai même lu dans l’hebdomadaire du NPA, un article qui comparait le style oratoire de Jean-Luc Mélenchon à celui de Robespierre avec des mots qui n’avaient rien de sympathiques.

Maximilien Robespierre, la Terreur, etc… les gros mots qui donnent des sueurs froides aux bourgeois sont lâchés. Utilisés de la sorte, ils ne sont là que pour faire peur. Quelle honte. Il est donc nécessaire de faire une mise au point.

Qu’est ce donc que « la Terreur » au juste, dans la bouche de Mme Laurence Parisot ? Vaste débat. On a bien compris que d’abord, pour elle, c’était la terreur pour son porte-monnaie et celui de ses amis. Mais, d’un point de vue historique, de quoi parle-t-elle ? Je suis sûr qu’elle aurait du mal à préciser son propos. Comme souvent avec d’autres mots utilisés par la droite et le patronnat, « Terreur » est un mot fourre-tout, vague, qui vise à faire comprendre que la Révolution fut une mauvaise chose. En revanche, pour les historiens sérieux, il est difficile de définir les contours historiques de ce terme. Aucun accord n’existe entre eux ni sur la durée, ni sur son ampleur, ni sur ses auteurs. D’abord, il est utile de rappeler que c’est la Révolution française qui a mis un terme à des siècles de violences et de terreur, ou les massacres et les exécutions et les tortures étaient monnaie courante de la part des Rois de France. Faut-il rappeler la répression des grandes Jacqueries, les guerres de religion, les ravages du Palatinat menés par les armées de Louis XIV en 1689 qui causèrent la mort d’au moins plusieurs dizaines de milliers de personnes et la destruction de nombreuses villes qui effrayèrent toute l’Europe ? Je souligne également qu’en 1789, sur 25 millions d’habitants on comptait au moins 3 millions de mendiants et qu’à Paris, plus de 10 % de la population était indigente. Oui, pendant des siècles la violence, qu’elle soit physique ou sociale, fut l’arme des tyrans et c’est pour sortir de cette violence que se produisit la Révolution française. Ce ne fut pas chose facile. On ne comprend rien à la Révolution française si l’on oublie que jusqu’au début de l’année 1794, la République est littéralement assiégée de toute part. Il faut même attendre le 26 juin 1794 pour que les armées révolutionnaires soient victorieuses lors de la bataille de Fleurus sur le front du nord. C’est, de manière générale, dans ce contexte de guerre civile si particulier qu’est établi ce qu’il est convenu de nommer « la Terreur ». Solution extrême, il s’agit de lutter contre les « terroristes » qui oeuvrent contre la révolution. C’est regrettable, mais comment vouloir qu’un pays en guerre, n’ayant jamais connu la démocratie, affaibli, secoué de milles attaques, soit gouverné avec les méthodes d’un pays en paix. Cela n’a jamais constitué un modèle politique stable pour aucun jacobin. Robespierre, menacé de plusieurs tentatives d’assassinats, est alors assez réticent, et le lie systématiquement à la Vertu pour en limiter les errements. Il cherche a défendre la révolution qui peut vaciller et être anéantie, il agit à la fois contre les exagérés et les filous qui s’enrichissent à l’image notamment de Georges Danton.

Les temps sont alors terriblement complexes. Les erreurs sont nombreuses, pour autant, Maximilien Robespierre fait partie de ces hommes intègres qui cherchent à défendre les acquis de la Révolution. Par exemple, il fut totalement étranger aux terribles massacres de septembre 1792. J’insiste, il est intellectuellement scandaleux d’affirmer que Robespierre fut l’inventeur de la Terreur. La vérité historique oblige de reconnaître qu’il sera même de ceux qui cherchèrent à en limiter la portée. Il fera tout pour que l’on frappe seulement les chefs des comploteurs et des contre-révolutionnaires. C’est pourquoi, pour marquer son désaccord, il ne participe plus au gouvernement avant le 9 thermidor au moment des grandes fournées de la guillotine. Sitôt après la mort de Robespierre, organisée d’ailleurs par ceux qui étaient beaucoup plus ultras dans la Terreur que lui, la répression continuera et certains historiens considèrent que la « terreur blanche » menée par les contre-révolutionnaires fit plus de morts encore. Alors oui, la période était violente. Oui, la Révolution française ne fut pas un colloque intellectuel durant lequel quelques sages personnes sont venues débattre du bien fondé de changer de régime. L’Ancien régime s’est rudement battu pour défendre ses intérêts. Mais, faut-il donc tout assimiler et tout salir ? Faut-il refuser de comprendre la complexité de ce temps et son œuvre ? Comment ne pas voir la portée universelle de cette grande Révolution qui fut entendu dans le monde entier ?

Et surtout, pourquoi insulter nominativement Maximilien Robespierre ? Personne au Front de Gauche n’en fait un modèle indépassable, une icône intouchable, un exemple à reproduire. Bien sûr, beaucoup des actes de Robespierre, avec le recul de l’histoire, sont hautement critiquables et furent de funestes erreurs. Bien sûr la Révolution s’est emballée sous la pression d’évènements tragiques. Mais il est absurde de considérer que Robespierre en fut l’unique responsable. Faire de la sorte relève du révisionnisme historique. Beaucoup de ceux qui accablent Robespierre sont des ignorants. C’est lui, Maximilien Robespierre qui, pour la première fois à la mi-décembre 1790, employa la devise « Liberté, égalité, fraternité », devenue depuis celle de notre Nation toute entière. C’est lui qui fut le premier défenseur du suffrage universel et de la souveraineté populaire. C’est lui qui intervint avec force pour l’abolition de l’esclavage et la fin des colonies. C’est lui qui défendit aussi la liberté de la presse et demanda même dès 1791, en vain, l’abolition de la peine de mort. A ce sujet, savez vous que c’est grâce à ses interventions personnelles et répétées, que 73 députés girondins, mis en accusation, eurent la vie sauve en 1793 ?C’est lui encore qui, le premier, exigea que l’on accorde la pleine citoyenneté pour les juifs et les comédiens. Sensible à la question sociale, il souhaitait des lois qui « garantissent à tous les membres de la société les moyens d’exister ». Sa conception de la République était exigeante, il défendait l’espace politique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Homme politique entier, législateur philosophe, « l’incorruptible » dut faire face à des temps difficiles où notre pays était déchiré par des invasions d’armées étrangères, de nombreuses trahisons et secoué par une terrible guerre civile. Maximilien Robespierre fut effectivement un des acteurs de ce qui est nommé « la Grande Terreur ». Mais de quoi parlons-nous exactement ? D’une période de deux mois du 10 juin au 27 juillet 1794 causant la mort de 1366 personnes. Je n’éprouve aucun plaisir à l’existence de cette sombre page historique, je suis farouchement opposé à la peine de mort. Mais, la période était d’une rare brutalité et cela ne s’est d’ailleurs pas arrêté à la mort de Robespierre. A ce titre, Thermidor n’est pas une sortie de la Terreur, mais sa continuation avec d’autres protagonistes, d’autres vainqueurs et d’autres vaincus, un changement de projet politique et non un changement de moyen politique. Il en fut ainsi pendant des décennies qui suivirent. Adolphe Thiers, quand il réprime la Commune de Paris en 1871 fait exécuter 23 000 personnes pour la seule semaine sanglante.

La haine contre Robespierre est essentiellement née d’une réécriture de l’histoire de la Révolution française de la part de contre-révolutionnaires. Phénomène nouveau en 2012, elle semble être véhiculée par des gens se réclamant de la gauche. Cette réécriture sert aussi à calomnier l’idéal communiste. Si j’ai pris le temps de ce long détour historique, c’est que le Nouvel Observateur de cette semaine réactive tous les clichés les plus hostiles contre le Front de Gauche. Sur dix pages, l’insulte sur papier glacé est mise en valeur. Les arguments, guères originaux, sont directement puisés dans la musette conjointe du MEDEF et du FN, et autres adversaires politiques de tout poil. La ligne est la suivante : les idéaux du Front de Gauche ont fait couler du sang. On a bien compris que l’opération vient directement de la rue de Solférino dans le but de redonner un peu d’air à François Hollande. Mais la méthode est détestable. Dès l’éditorial de Laurent Joffrin rédacteur en chef du Nouvel Obs, le ton est donné. Après un hommage à la social-démocratie, il écrit « Le communisme, lui, a surtout légué au mouvement ouvrier des millions de morts. Quant aux trotskysme, d’où vient Mélenchon, il n’a jamais rien produit de tangible ».

Cette phrase est honteuse car M. Laurent Joffrin, homme cultivé et d’ordinaire précis, connaît ses classiques. Ici, il n’écrit pas « stalinisme » mais bien « communisme ».

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