Tony Blair doit être jugé à la Haye pour crimes de guerre

jeudi 27 septembre 2012.
 

L’immoralité de la décision d’envahir l’Irak, prise par les États-Unis et la Grande-Bretagne en 2003, reposait sur le mensonge que l’Irak possédait des armes de destruction massive. Cette décision a déstabilisé et polarisé le monde dans une plus large mesure que tout autre conflit dans l’histoire.

Au lieu d’admettre le fait que le monde où nous vivions, avec des communications, des transports et des systèmes d’armes de plus en plus sophistiqués, nécessitaient un leadership lui aussi sophistiqué qui aurait pour tâche de réunir la famille mondiale, ceux qui étaient alors les dirigeants des États-Unis et du Royaume-Uni ont fabriqué de toutes pièces les raisons de se comporter comme des brutes sur un terrain de jeu et de nous diviser encore plus. Ils nous ont conduits au bord du précipice devant lequel maintenant nous sommes – avec le spectre d’une guerre contre la Syrie et l’Iran devant nous.

Si les dirigeants ont le droit de mentir, alors qui doit dire la vérité ?

Les jours avant que George W. Bush et Tony Blair aient ordonné l’invasion de l’Irak, j’ai appelé la Maison Blanche et j’ai parlé à Condoleezza Rice, qui était alors conseillère à la sécurité nationale, afin d’insister pour que les inspecteurs en désarmement des Nations Unies disposent de plus de temps pour confirmer ou infirmer l’existence d’armes de destruction massive en Irak. S’ils étaient en mesure de confirmer l’existence de telles armes, ai-je soutenu, alors le démantèlement de la menace aurait l’appui de pratiquement tout le monde. Mme Rice hésita, disant qu’il y avait trop de risques et que le président ne pouvait pas différer sa décision plus longtemps.

Sur quelles bases pouvons-nous décider que Robert Mugabe devrait aller à la Cour pénale internationale, que Tony Blair devait faire partie du circuit des conférenciers internationaux, que Ben Laden devait être assassiné, que l’Irak devait être envahi, non pas parce qu’il possède des armes de destruction massive, ainsi que le principal soutien de Bush, M. Blair, l’a avoué la semaine dernière, mais dans le but de se débarrasser de Saddam Hussein ?

Le coût de la décision de débarrasser l’Irak de ses dirigeants despotiques et criminels a été épouvantable, à commencer pour l’Irak lui-même. L’an dernier, une moyenne de 6,5 personnes y sont mortes chaque jour dans des attentats suicides et des véhicules piégés, selon le Body Count project irakien. Plus de 110 000 Irakiens ont été tués dans le conflit depuis 2003 et des millions ont été déplacées. À la fin de l’année dernière, près de 4 500 soldats américains ont été tués et plus de 32 000 blessés.

Sur ces seuls motifs, dans un monde cohérent, les responsables de cette souffrance et de la perte de tant de vies humaines devraient suivre le même chemin que certains de leurs pairs africains et asiatiques qui ont été amenés à répondre de leurs actes à La Haye.

Mais des coûts encore plus élevés ont été payés, au-delà des champs de bataille, dans les cœurs et les esprits endurcis des membres de la famille humaine à travers le monde.

Est-ce que la possibilité d’attaques terroristes a diminué ? Dans quelle mesure avons-nous réussi à amener les mondes appelés musulmans et judéo-chrétiens à se rapprocher, en semant les graines de la compréhension et de l’espoir ?

La direction des affaires du monde et la moralité sont indivisibles. Les bons dirigeants sont les gardiens de la morale. La question n’est pas de savoir si Saddam Hussein était bon ou mauvais, ou combien de ses compatriotes il avait tué. Le fait est que M. Bush et M. Blair ne devaient pas s’autoriser à s’abaisser à son niveau d’immoralité.

S’il est acceptable que des dirigeants prennent des mesures drastiques sur la base d’un mensonge, sans aveu ni excuses quand ils sont découverts, que devons-nous enseigner à nos enfants ?

Mon appel à M. Blair n’est pas de parler de leadership, mais d’en donner la preuve. Vous êtes un membre de notre famille, la famille de Dieu. Vous étiez fait pour la bonté, l’honnêteté, la moralité, l’amour, comme le sont nos frères et sœurs en Irak, aux États-Unis, en Syrie, en Israël et en Iran.

Je n’ai pas jugé approprié d’avoir cette discussion à la conférence Discovery Invest Leadership Summit à Johannesburg la semaine dernière. Alors que la date approchait, j’ai éprouvé un malaise de plus en plus profond à l’idée d’assister à un sommet sur le leadership en compagnie de M. Blair. Je présente mes sincères et humbles excuses aux organisateurs de la conférence, aux intervenants et aux délégués pour avoir pris si tard ma décision de ne pas y assister.

Traduction : Naguib pour Info-Palestine

Desmond Tutu

Site internet : http://www.tutu.org


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